![LOUIS XIV (1638-1715). Lettre autographe signée de son monogramme "L" à Marie-Louise de Savoie, reine d'Espagne par son mariage avec Philippe V, petit-fils de Louis XIV. [Vers 1703]. 4 pp. in-8 (225 x 165 mm) sur un feuillet double de vergé. Deux corrections autographes. Mention manuscrite ancienne au crayon en haut du premier feuillet : "lettre du Roy a la Reyne d'Espagne envoyée a Mr le D[uc]. de Gram[mont]. Et qu'il n'a pas rendüe".](https://www.christies.com/img/LotImages/2012/PAR/2012_PAR_03534_0076_000(louis_xiv_lettre_autographe_signee_de_son_monogramme_l_a_marie-louise011131).jpg?w=1)
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LOUIS XIV (1638-1715). Lettre autographe signée "L" à Marie-Louise de Savoie, reine d'Espagne par son mariage avec Philippe V, petit-fils de Louis XIV. [Vers 1703]. 4 pp. in-8 (225 x 165 mm) sur un feuillet double de vergé. Deux corrections autographes. Mention manuscrite ancienne au crayon en haut du premier feuillet : "lettre du Roy a la Reyne d'Espagne envoyée a Mr le D[uc]. de Gram[mont]. Et qu'il n'a pas rendüe".
"Les suittes de ce que ie prevoy deviennent trop serieuses pour ne me pas expliquer a vostre majesté, avec la sincérité qui m'est naturelle, et avec la liberté d'un grand père qui parle à sa petite fille, je vous donnoy, Me des Ursins par l'estime que i'avois pour elle, qui me fit croire qu'elle seroit capable de former l'esprit d'une ieune princesse, et de luy inspirer tous les sentimens propres à remplir un aussy grand personnage que le vostre. Je iettai les yeux dans la suitte sur un ambassadeur qui avoit toujours paru le meilleur de ses amis, affin qu'ils concertassent avec plus de facilité sur tous les moyens de vous servir. Vous saviez combien ie desirois que vous donnassiés votre confiance a la princesse des Ursins, et que ie n'oubliai rien pour vous y porter. Cependant oubliant nos interetz communs, elle s'est livrée toute entiere a une inimitié que i'jgnorois, et n'a songé qu'a contredire ceux qui ont esté chargés de nos affaires. Si elle avoit eü un fidelle attachement pour vous, elle vous aurait sacrifié tous ses ressentimens, bien ou mal fondés, contre Msr dEstrées, au lieu de tous y faire entrer. Les gens comme nous doivent seslever au dessus de ces demeslés particuliers, et se conduire par rapport a leurs propres interez, et a ceux de leurs suiets qui sont tousjours les mesmes. Il falloit donc rappeler mon ambassadeur, vous abandonner a Me des Ursins, et la laisser seule gouverner vos royaumes, ou la rappeler elle mesme. C'est ce que iay creu devoir faire dans lesperance que vous, deffereriés a mes sentimens, et que Me Ursins s'esloignant, vous perdriez une partie des impressions qu'elle vous a données. Il n'est point vray qu'on laye jamais soupçonnée daucune intelligence avec nos ennemis communs. Elle veut par ces supositions se faire un merite auprès de vous. On l'accuse d'avoir voulu gouverner l'Espagne, de ne vous avoir pas inspiré tous les sentimens qu'il semble que vous deviez avoir pour moy, d'avoir eü des amis, et des ennemis, dans une place, ou elle ne devoit avoir d'interest que les vostres. On l'accuse de continuer en absence, et mesme avec plus d'aigreur, et moins de menagenent, ce qu'elle faisoit aupres de vous, ie juge des conseils qu'elle vous donne par l'evenement, vous vous opposez assez souvent souvant [au crayon et dans l'interligne] a ce que ie propose, vous ne prenés conseil n'aves pas nulle confiance dans mes ambassadeurs, vous aimés, ou vous laissés selon ce que Me Ursins vous inspire, vous voulés a quinze ans gouverner une grande monarchie peu affermie, sans conseil, pouves vous en prendre de meilleurs et de plus desinteressés que les miens, et si Me des Ursins agissait droittement, pourroit elle vous en donner d'autres. Si elle se conduisoit ainsy, vous verriés si iay des ressentimens contr'elle, si ie suis capable de me laisser prevenir, et si i'agis par d' autres veües que celles de nos advantages qui ne peuvent estre differens. ie sais que vostre esprit est fort au dessus de votre age, je suis ravi que vous entriés dans les affaires, j'approuve que le Roy votre mari vous confie tout, mais vous aurés encore longtemps besoin l'un, et l'autre, d'estre aides puisque vous ne pouvés avoir, ce que l'experience seule peut donner, ie ne saurois vous sertir autant que ie le voudrois si nous n'agissons de concert, si vous ne vous confiés a mes ambassadeurs qui n'ont nuls interets en Espagne. Quand vous aurés des raisons, ou des inclinations particulieres, mandés les moy directement, je mi rendrai certainement si elles ne vous sont point dangereuse, car ie ne desire rien tant que de vous faie plaisir, et vous marquer ma tendresse dans les plus petite choses, comme ie croy le faire dans les grandes."
SUPERBE ET RARE LETTRE AUTOGRAPHE DE REPROCHES OÙ S'EXPRIME SA CONCEPTION DE L'EXERCICE DU POUVOIR.
Sur un ton paternel mais préoccupé, le roi Louis XIV écrit "... avec la liberté d'un grand père qui parle à sa petite fille..." à la jeune Marie-Louise de Savoie (1688-1714). Elle n'est alors âgée que de 15 ans et est devenue reine d'Espagne en 1701 (deux ans avant l'envoi de cette lettre) par son mariage avec Philippe V, premier Bourbon à régner sur l'Espagne. Louis XIV confirme dans cette lettre qu'il "approuve que le Roy [son] mari [lui] confie tout" mais reproche à sa correspondante d'avoir suivi l'avis de sa cameraria mayor, Marie-Anne de La Trémoille, princesse des Ursins, en obtenant le renvoi de l'ambassadeur de France Mgr d'Estrées.
À cette époque, la France avait obtenu la succession d'Espagne après la mort sans postérité de Charles II, en novembre 1700 qui, un mois avant son décès, avait fait du jeune duc d'Anjou, futur Philippe V, son successeur. Mais, même si, à l'exception de l'empereur germanique Léopold 1er, toutes les cours d'Europe avaient reconnu le nouveau souverain, elles redoutaient une réunion de l'Espagne à la France et agissaient en coulisses pour diviser le royaume.
On ressent tout le climat de suspicion d'intelligence avec l'ennemi, dans cette lettre où Louis XIV, protégeant les intérêts de la France, dont il veut convaincre sa correspondante qu'ils sont les mêmes que les siens, rappelle la jeune reine à sa condition royale par cette phrase sans appel: "Les gens comme nous doivent seslever au dessus de ces demeslés particuliers, et se conduire par rapport a leurs propres interez, et a ceux de leurs suiets qui sont tousjours les mesmes".
IMPORTANT ET PRÉCIEUX DOCUMENT HISTORIQUE LES DÉBUTS DE LA DYNASTIE DES BOURBONS D'ESPAGNE.
"Les suittes de ce que ie prevoy deviennent trop serieuses pour ne me pas expliquer a vostre majesté, avec la sincérité qui m'est naturelle, et avec la liberté d'un grand père qui parle à sa petite fille, je vous donnoy, Me des Ursins par l'estime que i'avois pour elle, qui me fit croire qu'elle seroit capable de former l'esprit d'une ieune princesse, et de luy inspirer tous les sentimens propres à remplir un aussy grand personnage que le vostre. Je iettai les yeux dans la suitte sur un ambassadeur qui avoit toujours paru le meilleur de ses amis, affin qu'ils concertassent avec plus de facilité sur tous les moyens de vous servir. Vous saviez combien ie desirois que vous donnassiés votre confiance a la princesse des Ursins, et que ie n'oubliai rien pour vous y porter. Cependant oubliant nos interetz communs, elle s'est livrée toute entiere a une inimitié que i'jgnorois, et n'a songé qu'a contredire ceux qui ont esté chargés de nos affaires. Si elle avoit eü un fidelle attachement pour vous, elle vous aurait sacrifié tous ses ressentimens, bien ou mal fondés, contre Msr dEstrées, au lieu de tous y faire entrer. Les gens comme nous doivent seslever au dessus de ces demeslés particuliers, et se conduire par rapport a leurs propres interez, et a ceux de leurs suiets qui sont tousjours les mesmes. Il falloit donc rappeler mon ambassadeur, vous abandonner a Me des Ursins, et la laisser seule gouverner vos royaumes, ou la rappeler elle mesme. C'est ce que iay creu devoir faire dans lesperance que vous, deffereriés a mes sentimens, et que Me Ursins s'esloignant, vous perdriez une partie des impressions qu'elle vous a données. Il n'est point vray qu'on laye jamais soupçonnée daucune intelligence avec nos ennemis communs. Elle veut par ces supositions se faire un merite auprès de vous. On l'accuse d'avoir voulu gouverner l'Espagne, de ne vous avoir pas inspiré tous les sentimens qu'il semble que vous deviez avoir pour moy, d'avoir eü des amis, et des ennemis, dans une place, ou elle ne devoit avoir d'interest que les vostres. On l'accuse de continuer en absence, et mesme avec plus d'aigreur, et moins de menagenent, ce qu'elle faisoit aupres de vous, ie juge des conseils qu'elle vous donne par l'evenement, vous vous opposez assez souvent souvant [au crayon et dans l'interligne] a ce que ie propose, vous ne prenés conseil n'aves pas nulle confiance dans mes ambassadeurs, vous aimés, ou vous laissés selon ce que Me Ursins vous inspire, vous voulés a quinze ans gouverner une grande monarchie peu affermie, sans conseil, pouves vous en prendre de meilleurs et de plus desinteressés que les miens, et si Me des Ursins agissait droittement, pourroit elle vous en donner d'autres. Si elle se conduisoit ainsy, vous verriés si iay des ressentimens contr'elle, si ie suis capable de me laisser prevenir, et si i'agis par d' autres veües que celles de nos advantages qui ne peuvent estre differens. ie sais que vostre esprit est fort au dessus de votre age, je suis ravi que vous entriés dans les affaires, j'approuve que le Roy votre mari vous confie tout, mais vous aurés encore longtemps besoin l'un, et l'autre, d'estre aides puisque vous ne pouvés avoir, ce que l'experience seule peut donner, ie ne saurois vous sertir autant que ie le voudrois si nous n'agissons de concert, si vous ne vous confiés a mes ambassadeurs qui n'ont nuls interets en Espagne. Quand vous aurés des raisons, ou des inclinations particulieres, mandés les moy directement, je mi rendrai certainement si elles ne vous sont point dangereuse, car ie ne desire rien tant que de vous faie plaisir, et vous marquer ma tendresse dans les plus petite choses, comme ie croy le faire dans les grandes."
SUPERBE ET RARE LETTRE AUTOGRAPHE DE REPROCHES OÙ S'EXPRIME SA CONCEPTION DE L'EXERCICE DU POUVOIR.
Sur un ton paternel mais préoccupé, le roi Louis XIV écrit "... avec la liberté d'un grand père qui parle à sa petite fille..." à la jeune Marie-Louise de Savoie (1688-1714). Elle n'est alors âgée que de 15 ans et est devenue reine d'Espagne en 1701 (deux ans avant l'envoi de cette lettre) par son mariage avec Philippe V, premier Bourbon à régner sur l'Espagne. Louis XIV confirme dans cette lettre qu'il "approuve que le Roy [son] mari [lui] confie tout" mais reproche à sa correspondante d'avoir suivi l'avis de sa cameraria mayor, Marie-Anne de La Trémoille, princesse des Ursins, en obtenant le renvoi de l'ambassadeur de France Mgr d'Estrées.
À cette époque, la France avait obtenu la succession d'Espagne après la mort sans postérité de Charles II, en novembre 1700 qui, un mois avant son décès, avait fait du jeune duc d'Anjou, futur Philippe V, son successeur. Mais, même si, à l'exception de l'empereur germanique Léopold 1er, toutes les cours d'Europe avaient reconnu le nouveau souverain, elles redoutaient une réunion de l'Espagne à la France et agissaient en coulisses pour diviser le royaume.
On ressent tout le climat de suspicion d'intelligence avec l'ennemi, dans cette lettre où Louis XIV, protégeant les intérêts de la France, dont il veut convaincre sa correspondante qu'ils sont les mêmes que les siens, rappelle la jeune reine à sa condition royale par cette phrase sans appel: "Les gens comme nous doivent seslever au dessus de ces demeslés particuliers, et se conduire par rapport a leurs propres interez, et a ceux de leurs suiets qui sont tousjours les mesmes".
IMPORTANT ET PRÉCIEUX DOCUMENT HISTORIQUE LES DÉBUTS DE LA DYNASTIE DES BOURBONS D'ESPAGNE.
Sale room notice
Lettre de Louis XIV, copiée à l'époque par Françoise d'Aubigné, marquise de Maintenon. L'estimation correcte est de 3.000 - 5.000 EUROS.
The present document is a contemporary copy in the hand of Françoise d'Aubigné, marquise de Maintenon. The revised estimate is 3.000 - 5.000 euros.
The present document is a contemporary copy in the hand of Françoise d'Aubigné, marquise de Maintenon. The revised estimate is 3.000 - 5.000 euros.
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Clémentine Robert