Lot Essay
En 1833, Ingres exposa au Salon son grand Martyre de Saint Symphorien (Autun, cathédrale) que le peintre avait promis à Paris depuis 1827. Les critiques dont il fut l'objet et surtout la froide réception du public firent beaucoup de peine à l'artiste qui décida de s'installer définitivement à Rome. Il chercha à accéder à la direction de l'Académie de France à Rome qu'il obtint finalement en 1835. En conséquence, l'année 1834 fut pour lui une année de transition, pendant laquelle il ne peignit pas, mais produisit de nombreux portraits dessinés à la mine de plomb, occupation à laquelle il s'était beaucoup adonné entre 1815 et 1816, lorsque, sans travail, il avait fait du portrait son gagne-pain. Le présent portrait est l'une de ces feuilles. Hans Naef, qui en publia l'image pour la première fois en 1966, le définit comme le plus accompli de l'année 1834; le parfait état de conservation de la feuille valorise la richesse des détails.
Le modèle, habillé à la mode des années 1830 au tout début du règne du roi Louis-Philippe, est coiffé en bandeaux qui s'achèvent en boucles irrégulières sur les tempes. Le visage émerge d'un bonnet de lingerie plissée et tuyautée, garni de coques de rubans et noué sous le menton. Sur la robe que porte Mme Anfrye, les volumineuses manches dites 'gigot' sont resserrées sur l'avant bras : cette mode est issue des peintres italiens de la Renaissance. On distingue également un petit vêtement très en vogue sous la monarchie de Juillet, le canezou : sorte de pélerine d'étoffe légère, garnie de dentelles au col qui prend ici la forme d'une collerette plissée, la fraise. Les deux pans du canezou se glissent dans la ceinture, celle-ci est ornée de motifs floraux et sa large boucle achève de souligner la taille.
Si nous possédons aujourd'hui des élèments sur la biographie de Mme Anfrye, née Dastros, nous le devons à l'infatigable travail de Hans Naef qui a dédié toute une vie de recherche aux portraits dessinés d'Ingres. Dans les archives de la famille Gatteaux, proches d'Ingres et ardents collectionneurs de son oeuvre, Naef découvre que Nicolas-Marie Gatteaux, père de Jacques Edouard Gatteaux grand ami de Ingres, avait épousé une Mlle Anfrye, Louise-Rosalie. Le frère de Louise-Rosalie, Jean-Jacques-Joseph Anfrye, inspecteur des monnaies à l'Hôtel des Monnaies, avait épousé Jeanne-Louise-Hyacinthe Dastros, le modèle du présent dessin. Mr. Anfrye avait fait la connaissance de sa future femme lors d'une mission à Perpignan où Mlle Dastros était née le 16 Août 1782, de Joseph Dastros, receveur au change de la Monnaie et chimiste distingué et de Louise Clavel.
Le couple Anfrye-Dastros eut deux enfants : Eugène et Eugénie. Mme Anfrye mourut le 29 Avril 1858 à l'âge de 76 ans, à Paris, dans la maison de son neveu Jacques-Edouard Gatteaux, située dans la rue de Lille, soit presque quarante ans après son mari. Elle fut enterrée au Père-Lachaise dans le tombeau familial des Gatteaux, tout proche de celui de Ingres.
Si nous ne connaissons pas l'effigie de son époux, le visage de leur fille Eugénie nous est quant à lui mieux connu par une photographie ancienne reproduisant un dessin perdu de Ingres (Naef, idem, V, no. 354). L'artiste la dessina en 1834, la même année que le présent dessin, en dédiant le portrait de la fille à sa mère ('A Mme Anfrye 1834') et celui de sa mère à sa fille ('Ingres à sa bien bonne Madame Eugénie Fournier, Paris 1834'). En 1833, Eugénie avait épousé Henri Fournier (1800-1888), imprimeur à Tours. Après la mort de son époux, c'est dans la maison de son gendre à Tours que Mme Anfrye passa une partie des dernières années de sa vie.
Il est difficile de connaître plus de détails sur cette bourgeoise représentée ici à l'âge de 52 ans. On peut imaginer que son rôle principal avait été d'abord d'être l'épouse d'un très distingué chimiste et inspecteur des monnaies, homme remarquable comme l'indique son nécrologue (Naef, 1977-80, op. cit., III, p. 172), et ensuite mère et belle-mère dévouée. Ce portrait et son pendant représentant Eugénie Fournier étaient probablement des cadeaux offerts par Ingres aux deux dames qu'il avait connues chez les Gatteaux, et ils ont peut-être été exécutés dans la maison de la rue de Lille. Dans un autre dessin d'Ingres datant de 1850 et représentant la famille Gatteaux (fig. 1; Genève, collection Krugier-Poniatowski; Naef, Ibid., V, no. 417) - ultérieur témoignage visuel des leurs fréquentations régulières - nous entrevoyons à l'arrière-plan gauche, l'épouse d'Eugène Anfrye, cousine de Jacques-Edouard.
En 1833, Eugénie quitte le domicile maternel du 30 rue Saint Guillaume à Paris pour aller vivre à Tours avec son époux. L'intensité de l'expression et la tendresse avec laquelle Ingres représente ici le portrait de Mme Anfrye trahissent une attention affectueuse et amicale de l'artiste envers son modèle, comme s'il avait voulu rendre ce portrait beaucoup plus personnel et offrir à la fille de son modèle un souvenir le plus vraisemblable possible de la mère dont elle venait de se séparer quelques mois auparavant.
Quelques années plus tard, la très âgée Mme Anfrye déménage chez le couple à Tours et mère et fille sont à nouveau réunies, ainsi que leurs portraits réciproques. A la mort de Mme Fournier, notre feuille deviendra la propriété de Mr Fournier, pour ensuite entrer dans la collection d'Arthur Georges Veil-Picard.
Le modèle, habillé à la mode des années 1830 au tout début du règne du roi Louis-Philippe, est coiffé en bandeaux qui s'achèvent en boucles irrégulières sur les tempes. Le visage émerge d'un bonnet de lingerie plissée et tuyautée, garni de coques de rubans et noué sous le menton. Sur la robe que porte Mme Anfrye, les volumineuses manches dites 'gigot' sont resserrées sur l'avant bras : cette mode est issue des peintres italiens de la Renaissance. On distingue également un petit vêtement très en vogue sous la monarchie de Juillet, le canezou : sorte de pélerine d'étoffe légère, garnie de dentelles au col qui prend ici la forme d'une collerette plissée, la fraise. Les deux pans du canezou se glissent dans la ceinture, celle-ci est ornée de motifs floraux et sa large boucle achève de souligner la taille.
Si nous possédons aujourd'hui des élèments sur la biographie de Mme Anfrye, née Dastros, nous le devons à l'infatigable travail de Hans Naef qui a dédié toute une vie de recherche aux portraits dessinés d'Ingres. Dans les archives de la famille Gatteaux, proches d'Ingres et ardents collectionneurs de son oeuvre, Naef découvre que Nicolas-Marie Gatteaux, père de Jacques Edouard Gatteaux grand ami de Ingres, avait épousé une Mlle Anfrye, Louise-Rosalie. Le frère de Louise-Rosalie, Jean-Jacques-Joseph Anfrye, inspecteur des monnaies à l'Hôtel des Monnaies, avait épousé Jeanne-Louise-Hyacinthe Dastros, le modèle du présent dessin. Mr. Anfrye avait fait la connaissance de sa future femme lors d'une mission à Perpignan où Mlle Dastros était née le 16 Août 1782, de Joseph Dastros, receveur au change de la Monnaie et chimiste distingué et de Louise Clavel.
Le couple Anfrye-Dastros eut deux enfants : Eugène et Eugénie. Mme Anfrye mourut le 29 Avril 1858 à l'âge de 76 ans, à Paris, dans la maison de son neveu Jacques-Edouard Gatteaux, située dans la rue de Lille, soit presque quarante ans après son mari. Elle fut enterrée au Père-Lachaise dans le tombeau familial des Gatteaux, tout proche de celui de Ingres.
Si nous ne connaissons pas l'effigie de son époux, le visage de leur fille Eugénie nous est quant à lui mieux connu par une photographie ancienne reproduisant un dessin perdu de Ingres (Naef, idem, V, no. 354). L'artiste la dessina en 1834, la même année que le présent dessin, en dédiant le portrait de la fille à sa mère ('A Mme Anfrye 1834') et celui de sa mère à sa fille ('Ingres à sa bien bonne Madame Eugénie Fournier, Paris 1834'). En 1833, Eugénie avait épousé Henri Fournier (1800-1888), imprimeur à Tours. Après la mort de son époux, c'est dans la maison de son gendre à Tours que Mme Anfrye passa une partie des dernières années de sa vie.
Il est difficile de connaître plus de détails sur cette bourgeoise représentée ici à l'âge de 52 ans. On peut imaginer que son rôle principal avait été d'abord d'être l'épouse d'un très distingué chimiste et inspecteur des monnaies, homme remarquable comme l'indique son nécrologue (Naef, 1977-80, op. cit., III, p. 172), et ensuite mère et belle-mère dévouée. Ce portrait et son pendant représentant Eugénie Fournier étaient probablement des cadeaux offerts par Ingres aux deux dames qu'il avait connues chez les Gatteaux, et ils ont peut-être été exécutés dans la maison de la rue de Lille. Dans un autre dessin d'Ingres datant de 1850 et représentant la famille Gatteaux (fig. 1; Genève, collection Krugier-Poniatowski; Naef, Ibid., V, no. 417) - ultérieur témoignage visuel des leurs fréquentations régulières - nous entrevoyons à l'arrière-plan gauche, l'épouse d'Eugène Anfrye, cousine de Jacques-Edouard.
En 1833, Eugénie quitte le domicile maternel du 30 rue Saint Guillaume à Paris pour aller vivre à Tours avec son époux. L'intensité de l'expression et la tendresse avec laquelle Ingres représente ici le portrait de Mme Anfrye trahissent une attention affectueuse et amicale de l'artiste envers son modèle, comme s'il avait voulu rendre ce portrait beaucoup plus personnel et offrir à la fille de son modèle un souvenir le plus vraisemblable possible de la mère dont elle venait de se séparer quelques mois auparavant.
Quelques années plus tard, la très âgée Mme Anfrye déménage chez le couple à Tours et mère et fille sont à nouveau réunies, ainsi que leurs portraits réciproques. A la mort de Mme Fournier, notre feuille deviendra la propriété de Mr Fournier, pour ensuite entrer dans la collection d'Arthur Georges Veil-Picard.