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Elie et Inna Nahmias et le goût des arts décoratifs du XVIIIème siècle.
Elie Nahmias a fait partie d'une fratrie très liée, dans les années 60, à l'architecte et décorateur de grande réputation Emilio Terry (1890-1969).
La rencontre, un peu fortuite, se fit d'abord avec Marcel Nahmias, le cadet de la famille, qui se rappellera ses années "Terry", à travers les chantiers qu'ils entreprirent ensemble (l'hôtel de Boulogne, la bastide de Grasse) comme les plus belles de sa vie. L'admiration était grande de sa part envers l'architecte, son goût, son oeil, celui-ci l'ayant introduit auprès des plus grands artisans, comme le bronzier Toulouse, ou Fourrier, lapidaire talentueux, le conseillant aussi pour ses achats de meubles anciens pour aménager et embellir ses résidences.
Ce fut aussi le cas du frère aîné de Marcel, Elie (1908- 1994), qui commença ses relations avec Emilio Terry au tout début des années 60, à l'occasion du grand chantier de décoration des bureaux de Pétrofrance à Paris, où Terry, qui n'avait jamais fait ce genre de travail, déploya des trésors d'inventivité dans ce style que les commentateurs ont appelé "Louis XVII" , jeu de l'esprit allusif à une période de grâce entre deux mondes, le Louis XVI et l'Empire, pour mettre au point trois bureaux de dirigeants conçus comme trois "boîtes" luxueuses, entièrement lambrissées d'acajou lustré orné de filets de cuivre ou d'ébène incrustés, rehaussant la beauté de la matière, celle préférée d'Emilio Terry, le précieux acajou de Cuba. Chaque bureau recevra du mobilier spécialement dessiné, dont l'exécution sera suivie plus particulièrement par Elie, signe d'un intérêt pour les réalisations artisanales de grand style.
Cette familiarité aura un premier exutoire dans la bibliothèque qu'il demanda à l'architecte de concevoir pour son appartement parisien, où Terry donnera sa dernière variation, de 1960 à 1963, d'un de ses thèmes préférés, dans des couleurs claires rehaussées d'or, où la corniche de la pièce, toujours essentielle chez lui, mêle les ornements, godrons fleuronnés et denticules. Les meubles de rangement y prennent place, très profonds, pour les in-folio, doublés, suprême chic, d'acajou blond. Pour cette pièce d'étude, de réflexion, les meubles - anciens - seront choisis dans ce style Consulat si cher à l'architecte, du Jacob ajouré à l'anglaise, dossiers à crosse et pieds étrusques.
Mais les conseils émiliens ne s'arrêteront pas là et l'amitié continuera jusqu'à la mort de Terry, se développant en conseils d'acquisitions auprès de grands antiquaires comme René Weiller, Jacques Kugel ou Etienne Lévy, amis de longues date du couple car Elie et Inna Nahmias aimaient la qualité, les beaux bronzes et les meubles du XVIIIème siècle, choix discutés au cours de longues conversations à Paris et dans le Midi, le XVIIIème aimé n'étant pas cantonné à ses dernières années, mais remontant quelquefois au milieu du XVIIIème siècle, ce "moment de perfection de l'art français", selon le titre d'une exposition restée dans les annales, qu'Elie et Inna Nahmias durent voir à Paris en 1974.
C'est le cas d'une petite table à lire et à pupitre (lot 251), très proche d'un chef-d'oeuvre de BVRB retrouvé aux Etats-Unis, à la grande élégance de galbes, que j'eus le bonheur de pouvoir faire acquérir pour Versailles. La petite table de Versailles a fait partie du "trousseau" d'une Dauphine, Marie-Thérèse-Raphaëlle d'Espagne, la première épouse, morte très tôt, du Dauphin fils de Louis XV, qui ne régna pas mais fut le père de Louis XVI, Louis XVIII et Charles X. Livrée dans l'urgence en avril 1746 par le marchand-mercier Th.- Joachim Hébert pour le cabinet de retraite de la Dauphine dans l'aile du Midi au château, la table, ayant appartenu au XIXème siècle à Nathaniel de Rothschild à Vienne, a été publiée par Christian Baulez dans la Revue du Louvre en 2005 ; marquetée de fleurs, elle possède d'extraordinaires bronzes dorés à la ceinture, en agrafes et chutes rocaille, que l'on retrouve sur la table Nahmias, toute violonée, mais ici plaquée de laque, luxe supplémentaire. Les bronzes de cette forme, qui sont des raretés dans l'oeuvre de BVRB, privilégient les éléments végétaux et les fleurs avec une virtuosité exceptionnelle.
Par la présence de ce meuble, auxquels s'ajoutent des bois dorés, des objets montés et d'autres meubles d'ébénisterie souvent ornés de laque, ce qui devait correspondre à un intérêt particulier du collectionneur, on peut constater que le goût d'Elie et d'Inna Nahmias s'était développé loin des préférences majeures d'un Emilio Terry, mais toujours dans le sens de la qualité, celle que recherchent les vrais amateurs.
Pierre Arizzoli-Clémentel
Auteur de Emilio Terry, architecte et décorateur (Editions Gourcuff-Gradenigo, Paris 2013)
ENCRIER DE STYLE LOUIS XVI
PREMIERE MOITIE DU XIXEME SIECLE
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ENCRIER DE STYLE LOUIS XVI
PREMIERE MOITIE DU XIXEME SIECLE
En marqueterie de bois de violette, ornementation de bronze ciselé et doré et de laiton, présentant quatre compartiments, la frise ornée d'un entrelac, reposant sur des pieds en boule
Hauteur: 8,5 cm. (3 1/3 in.) ; Largeur: 29 cm. (11 1/3 in.) ; Profondeur: 19 cm. (7½ in.)
PREMIERE MOITIE DU XIXEME SIECLE
En marqueterie de bois de violette, ornementation de bronze ciselé et doré et de laiton, présentant quatre compartiments, la frise ornée d'un entrelac, reposant sur des pieds en boule
Hauteur: 8,5 cm. (3 1/3 in.) ; Largeur: 29 cm. (11 1/3 in.) ; Profondeur: 19 cm. (7½ in.)
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A LOUIS XVI STYLE ORMOLU-MOUNTED KINGWOOD INKSTAND, FIRST HALF 19TH CENTURY