Lot Essay
«L’inlassable élan de ma précocité me poussait à des distractions de plus en plus hardies. Par exemple, du théâtre de Bataille et de Curel, je me dirigeai vers des manifestations d’un esprit moins stationnaire, que le public intellectuel qualifiait d’avant-garde et la majorité d’aliénation mentale. Déjà, j’avais entendu tourner en dérision devant moi, par ma famille et mes proches, le ballet Parade. Ses auteurs, Erik Satie, Jean Cocteau et Pablo Picasso, dans mon cœur battant, portaient l’auréole de la liberté, de l’audace et du scandale. Je m’intéressais secrètement à tout ce qui touchait à ce modernisme tant décrié et que tous repoussaient avec horreur. Je me mis à fréquenter certaines librairies qui diffusaient les idées les moins conventionnelles et proposaient à ma jeunesse ardente et d’avance conquise une littérature comme interdite. Je m’épris d’Apollinaire dont je sus qu’il venait de mourir et de Max Jacob dont je ne me doutais guère que j’allais devenir bientôt l’ami. Chez Adrienne Monnier, je trouvais des revues telles que Sic et Nord-Sud où se dessinait l’esprit nouveau. En franchissant la porte d’une librairie, sise Avenue Kléber, Au Sans Pareil, je pénétrai dans un monde dont la découverte m’échappait.»
G. Hugnet, L'aventure dada (1916-1922), Paris, 1957, p.15.
G. Hugnet, L'aventure dada (1916-1922), Paris, 1957, p.15.