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Details
Paul Sabon (1906-1933). 31 lettres et cartes autographes signées adressées à Georges Hugnet. 23 août 1926-23 janvier 1928. Toutes montées sur onglets et réunies dans un volume in-4, bradel papier beige. On y joint 19 feuillets de poèmes autographes, certains datés et signés (1926 et 1927), en prose, en vers ou sous forme de théâtre.
PASSIONNANTE CORRESPONDANCE AMICALE ET LITTÉRAIRE ÉVOQUANT COCTEAU, MARITAIN, ARTAUD, BÉRARD, PIERRE COLLE, AURENCHE, etc.
Né en 1906, la même année que Georges Hugnet, Paul Sabon est l'un des poètes prometteurs de sa génération. Il quitte rapidement le groupe surréaliste ("complètement abîmé par les surréalistes", écrira Maritain au père Journet) et se tourne vers Maritain. Sa conversion ne l'empêche nullement de continuer à se consacrer à la poésie, de collaborer à des revues littéraires et de participer activement à la vie artistique de l'époque avant de mourir prématurément, en 1933. C'est de toute cette actualité littéraire dont il fait part à Hugnet dans ces lettres, ainsi que de son écœurement et de sa fatigue.
- 23 août 1926 : « très fatigué, physiquement et moralement, un peu écœuré du vide dans lequel je sens que nous vivons actuellement. J’ai l’impression qu’une époque nouvelle commence dans laquelle nous nous trouvons encore complètement désarmés et à laquelle Picasso lui-même n’appartient déjà plus… »
- 5 octobre 1926 : « J’attends toujours une secousse qui me fasse sortir de ma stupidité, mais sans compter vraiment sur elle. Je vis au jour le jour et ils me semblent immensément longs. Jean [Cocteau] m’écrit de travailler et de ne pas m’abandonner à la crise. Je n’ai jamais eu de ma vie tant d’envie d’écrire, de travailler tant que je peux et je ne fais rien de bon. […] Jean n’a rien écrit, je crois, ces vacances-ci mais il a fait une série de dessins très beaux sur Orphée, des tableaux et des objets étonnants. Il va faire une exposition du tout ces jours-ci aux 4 chemins. Bébé [Christian Bérard] de retour a fait des tableaux très beaux. […] As-tu des nouvelles de Jouhandeau ? »
Sans date : « Je suis écœuré de la bassesse et du cynisme dont Sachs – après sa conduite de fantoche – a osé faire preuve envers Jouhandeau. Je l’écris à Jean. En apprenant les détails je compte sur ton amitié pour faire savoir à Jouhandeau, qui s’est éloigné de moi, que je n’ai rien de commun avec lui… […] Robert Honnert nous a parlé d’une revue dont il cherche encore et le titre et l’esprit qui paraîtra dans le courant de janvier. Je ne sais pas encore ce que je ferai. J’ai promis ma collaboration ‘en principe’ pour ne pas chagriner Maritain qui nous avait réunis. Julien Green a accepté. J’ai un peu envie de ne plus donner signe de vie… ».
- [1926] « Le Paysan de Paris n’est pas bon. Je déteste Aragon qui n’est vraiment qu’un vulgarisateur de trop de gens. Le dernier roman du pauvre Crevel est très mauvais, et je n’aime pas les demi-scandales. Quant à Eluard tu te réjouiras sans doute si je te dis que je le crois désormais fini… »
- 14 juillet 1927 : « Cocteau, Asheroff [?], Bébé vont bien. Bébé était à la grande fête hier soir. Artaud a fait enfin paraître – à ses frais son fameux article sur les surréalistes (Veux-tu que je te l’envoie ou l’as-tu déjà ?) – comme ça. Pas très fort. Avec naturellement des choses justes – l’esprit général rétréci au niveau d’Antonin Ar. – limité au seul point de vue politique (l’Esprit au communisme) d’ailleurs juste à ce point de vue mais depuis longtemps sans intérêt pour nous. Ce n’est pas du tout, me semble-t-il, ce qu’on aurait pu attendre avec un sujet pareil. Mais Artaud est un petit surréaliste qui cherche à se redresser de son naufrage et à prendre ses ennemis en faute, sur des questions qui ne sont après tout que des questions de détails pas drôles du tout. Rien d’autre à signaler dans la littérature contemporaine. »
- 21 juillet 1927 : « En tout cas je me conduis instinctivement (sauf les accès de confiance) depuis près de trois mois comme si j’y croyais, et je cache mes poèmes à toutes les demandes [de Cocteau]. C’est peut-être parce qu’il est trop exclusivement littérateur et incapable de s’intéresser effectivement à notre vie, mais je sens mal en Cocteau cette solidité et cette constance dans l’amitié qui est ce dont j’ai toujours rêvé le plus ardemment. C’est de lui que nous tenons tous plus ou moins cette facilité apparente à nous contenter de demies-amitiés, ces restrictions et cette façon de ne presque jamais nous dire entièrement entre amis toute notre pensée, dont il nous faut à tout prix nous débarrasser. L’opium et la pédérastie lassent vite. Il n’y a pas bien longtemps j’aurais pleuré de m’être donné si entièrement et si vite et d’avoir été si naïf. Maintenant je m’en fous entièrement et il reste seulement l’inquiétude de n’être pas sûr de ce que je dois penser sur l’essentiel… »
PASSIONNANTE CORRESPONDANCE AMICALE ET LITTÉRAIRE ÉVOQUANT COCTEAU, MARITAIN, ARTAUD, BÉRARD, PIERRE COLLE, AURENCHE, etc.
Né en 1906, la même année que Georges Hugnet, Paul Sabon est l'un des poètes prometteurs de sa génération. Il quitte rapidement le groupe surréaliste ("complètement abîmé par les surréalistes", écrira Maritain au père Journet) et se tourne vers Maritain. Sa conversion ne l'empêche nullement de continuer à se consacrer à la poésie, de collaborer à des revues littéraires et de participer activement à la vie artistique de l'époque avant de mourir prématurément, en 1933. C'est de toute cette actualité littéraire dont il fait part à Hugnet dans ces lettres, ainsi que de son écœurement et de sa fatigue.
- 23 août 1926 : « très fatigué, physiquement et moralement, un peu écœuré du vide dans lequel je sens que nous vivons actuellement. J’ai l’impression qu’une époque nouvelle commence dans laquelle nous nous trouvons encore complètement désarmés et à laquelle Picasso lui-même n’appartient déjà plus… »
- 5 octobre 1926 : « J’attends toujours une secousse qui me fasse sortir de ma stupidité, mais sans compter vraiment sur elle. Je vis au jour le jour et ils me semblent immensément longs. Jean [Cocteau] m’écrit de travailler et de ne pas m’abandonner à la crise. Je n’ai jamais eu de ma vie tant d’envie d’écrire, de travailler tant que je peux et je ne fais rien de bon. […] Jean n’a rien écrit, je crois, ces vacances-ci mais il a fait une série de dessins très beaux sur Orphée, des tableaux et des objets étonnants. Il va faire une exposition du tout ces jours-ci aux 4 chemins. Bébé [Christian Bérard] de retour a fait des tableaux très beaux. […] As-tu des nouvelles de Jouhandeau ? »
Sans date : « Je suis écœuré de la bassesse et du cynisme dont Sachs – après sa conduite de fantoche – a osé faire preuve envers Jouhandeau. Je l’écris à Jean. En apprenant les détails je compte sur ton amitié pour faire savoir à Jouhandeau, qui s’est éloigné de moi, que je n’ai rien de commun avec lui… […] Robert Honnert nous a parlé d’une revue dont il cherche encore et le titre et l’esprit qui paraîtra dans le courant de janvier. Je ne sais pas encore ce que je ferai. J’ai promis ma collaboration ‘en principe’ pour ne pas chagriner Maritain qui nous avait réunis. Julien Green a accepté. J’ai un peu envie de ne plus donner signe de vie… ».
- [1926] « Le Paysan de Paris n’est pas bon. Je déteste Aragon qui n’est vraiment qu’un vulgarisateur de trop de gens. Le dernier roman du pauvre Crevel est très mauvais, et je n’aime pas les demi-scandales. Quant à Eluard tu te réjouiras sans doute si je te dis que je le crois désormais fini… »
- 14 juillet 1927 : « Cocteau, Asheroff [?], Bébé vont bien. Bébé était à la grande fête hier soir. Artaud a fait enfin paraître – à ses frais son fameux article sur les surréalistes (Veux-tu que je te l’envoie ou l’as-tu déjà ?) – comme ça. Pas très fort. Avec naturellement des choses justes – l’esprit général rétréci au niveau d’Antonin Ar. – limité au seul point de vue politique (l’Esprit au communisme) d’ailleurs juste à ce point de vue mais depuis longtemps sans intérêt pour nous. Ce n’est pas du tout, me semble-t-il, ce qu’on aurait pu attendre avec un sujet pareil. Mais Artaud est un petit surréaliste qui cherche à se redresser de son naufrage et à prendre ses ennemis en faute, sur des questions qui ne sont après tout que des questions de détails pas drôles du tout. Rien d’autre à signaler dans la littérature contemporaine. »
- 21 juillet 1927 : « En tout cas je me conduis instinctivement (sauf les accès de confiance) depuis près de trois mois comme si j’y croyais, et je cache mes poèmes à toutes les demandes [de Cocteau]. C’est peut-être parce qu’il est trop exclusivement littérateur et incapable de s’intéresser effectivement à notre vie, mais je sens mal en Cocteau cette solidité et cette constance dans l’amitié qui est ce dont j’ai toujours rêvé le plus ardemment. C’est de lui que nous tenons tous plus ou moins cette facilité apparente à nous contenter de demies-amitiés, ces restrictions et cette façon de ne presque jamais nous dire entièrement entre amis toute notre pensée, dont il nous faut à tout prix nous débarrasser. L’opium et la pédérastie lassent vite. Il n’y a pas bien longtemps j’aurais pleuré de m’être donné si entièrement et si vite et d’avoir été si naïf. Maintenant je m’en fous entièrement et il reste seulement l’inquiétude de n’être pas sûr de ce que je dois penser sur l’essentiel… »