Jean GIONO (1895-1970). 24 lettres autographes signées de Jean Giono (« Jean » ou «Jean Giono »), parfois datées de Manosque et 15 lettres autographes de Simone TÉRY (1897-1967), sur papier à en-tête « 15 quai de Montebello » puis « 4, rue de l’Hôtel Colbert ». Une lettre de l’amie de Simone Téry, Rose, à Giono (27 mai 1931, n°36) et 10 télégrammes. 30 avril-29 octobre 1931. 137 pages in-4 (270 x 210 mm). Demi-chagrin rouge à coins du milieu du XXe siècle.
CORRESPONDANCE DE JEAN GIONO AVEC SA MUSE, SIMONE TÉRY, 1931.
Jean GIONO (1895-1970). 24 lettres autographes signées de Jean Giono (« Jean » ou «Jean Giono »), parfois datées de Manosque et 15 lettres autographes de Simone TÉRY (1897-1967), sur papier à en-tête « 15 quai de Montebello » puis « 4, rue de l’Hôtel Colbert ». Une lettre de l’amie de Simone Téry, Rose, à Giono (27 mai 1931, n°36) et 10 télégrammes. 30 avril-29 octobre 1931. 137 pages in-4 (270 x 210 mm). Demi-chagrin rouge à coins du milieu du XXe siècle.

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Jean GIONO (1895-1970). 24 lettres autographes signées de Jean Giono (« Jean » ou «Jean Giono »), parfois datées de Manosque et 15 lettres autographes de Simone TÉRY (1897-1967), sur papier à en-tête « 15 quai de Montebello » puis « 4, rue de l’Hôtel Colbert ». Une lettre de l’amie de Simone Téry, Rose, à Giono (27 mai 1931, n°36) et 10 télégrammes. 30 avril-29 octobre 1931. 137 pages in-4 (270 x 210 mm). Demi-chagrin rouge à coins du milieu du XXe siècle.
Provenance : Simone Téry -- SMAF (acquisition à l’Hôtel Drouot, 8 juin 1980, n°119).

SUPERBE CORRESPONDANCE AMOUREUSE INÉDITE. Les quelques 60 grandes pages de Jean Giono, auxquelles répondent celles à peu près équivalentes de Simone Téry, retracent les enchantements et les désespoirs de leur liaison. Elles sont également l’écho des projets de Giono (renonciation à sa position dans une banque, achat de la maison de Manosque où il passera sa vie), de ses publications et de ses démêlés avec ses éditeurs.

Simone Téry, normalienne et agrégée de lettres, fille de la journaliste et militante féministe Andrée Viollis et du philosophe Gustave Téry, mènera une double carrière de journaliste et de romancière, sous le signe, à partir de sa rencontre avec Paul Nizan en 1935, de son engagement au parti communiste et à l’Humanité. Sa liaison avec Giono semble le premier des successifs attachements, longtemps occultés, de l’écrivain à des muses (Hélène Laguerre, Blanche Meyer).

L’épisode se situe en 1931, au moment de la publication du Grand troupeau, qui paraîtra chez Gallimard le 22 octobre. Les échanges sont marqués par les déconvenues de l’écrivain dans ses relations avec les éditeurs : « Suzanne Normand a été épouvantée quand je lui ai dit que vous donniez Le Grand troupeau à la N.R.F. Il paraît que la N.R.F. vient de passer un contrat avec Hachette, c’est la mort des maisons d’édition et des livres » (Simone, 1er mai).

« Grasset m’a roulé. Il a mis dans mon contrat que j’ai signé chez lui en novembre un mot – passé inaperçu sous mes yeux car le matin où j’ai signé précédait notre départ pour Montfort de quelques heures – un mot qui lui permet d’interdire la publication du Grand troupeau hors de chez lui… Plus de Grand Troupeau. Plus de mensualités, plus de Gallimard ni de Grasset, plus d’argent d’Europe. Je dois rembourser à Gallimard tout ce qu’il m’a versé depuis janvier. Je ne peux publier Le Grand Troupeau nulle part. C’est fini. Pour l’instant je cherche une place d’employé de banque soit au Lyonnais soit ailleurs et je vais tout recommencer » (Jean, 2 mai).

Simone lui propose son aide financière: « Votre idée de redemander un poste d’employé de banque, je trouve cela grandiose… C’est grandiose, mais c’est idiot, mon chéri… Il se trouve que j’ai un peu d’argent, et comme je suis votre femme, tout ce qui est à moi est à vous, cela va sans dire… Je peux très bien vous donner les quatre mille francs par mois que Gallimard vous donnait» (4 mai). Ce que Jean refuse évidemment : « Je vous aime comme jamais on n’a aimé créature de terre… Il ne faut pas penser à votre argent, pour moi. Je veux rester net. Je veux me battre tout net et tout nu comme j’ai toujours eu l’habitude de faire ».

Dans cette correspondance intime, les amants séparés, obligés de recourir à des subterfuges (le faux télégramme obligeant Jean à se rendre à Paris pour recevoir un prix littéraire), expriment sans réserve leurs sentiments. Mais Giono est retenu par ses liens familiaux et ne peut répondre pleinement à l’amour exigeant et passionné de Simone :
« Quoiqu’il arrive, quelque expérience que vous fassiez, que vous aimiez un autre homme, vingt, cent, mille autres hommes, si un jour vous êtes lasse, si un jour vous êtes fatiguée, près du désespoir, si un jour vous ne pouvez plus être sauvée par personne, il restera Jean Giono. Sans un mot d’explication, en disant tout simplement « j’ai besoin », il y aura de nouveau mes bras, mon cœur, mon amour entier, toute ma vie » (Jean, 7 mai).

« Il faudra bien s’habituer à vivre sans vous, ou mourir. Je ne pourrai pas tenir encore longtemps comme ça, je deviendrais folle… On n’a pas le droit de diminuer un amour tel que le nôtre, quel gâchis!» (Simone, 8 mai).

«Je ne pourrais vivre avec toi si je laissais des ruines derrière moi » (Jean, 17 septembre). Et quelques semaines plus tard, déchiré, il ne peut que renoncer à leur liaison : « Je m’attendais à votre lettre… quand je me trouve devant la chose à faire, il faut trop condamner de gens à mort pour qu’il me reste le moindre des courages… Mon seul bonheur est en vous… Voyez-moi avec ma pauvreté d’homme et ne m’habillez pas de ce mensonge continuel rusé et habile qu’aucun homme ne peut supporter. Faut-il donc que je sois inconnu même à la seule femme qui m’aime… Je ne mens pas. Je n’ai pas menti, je vous le crie comme un petit garçon. Je ne puis dire que ça, je ne sais plus vous assurer que de ça. Je n’ai plus de moyen pour vous dire mon amour… Je ne veux pas Simone chérie… être pour vous un trouble et un arrêt dans votre vie… Je vous aime » (Jean, 27 octobre). Et le lendemain : « Je vous retournerai vos lettres quand vous le voudrez… J’ai été déchiré ».

Cette émouvante correspondance, souvent d’une réelle beauté, relate jour après jour, et jusqu’au terme, les déchirements d’un amour impossible :
« J’ai enlevé votre photographie de la cheminée…Ah, Jean, j’ai une telle nausée de tout cela. Tant de honte et de dégoût. Cette fois c’est la fin, la mesure est pleine, et je renonce enfin à un bonheur trop gros, à un bonheur impossible, à un bonheur menteur… Vous m’avez guérie de l’amour pour jamais… Eh bien travaillez maintenant, je vous souhaite beaucoup de succès… Tout est fini entre nous deux» (Simone, 29 octobre).
Cette liaison tumultueuse ne cessera définitivement qu’en 1934.

Manuscrits du Moyen âge et manuscrits littéraires modernes : la collection de la Société des manuscrits des assureurs français, Paris, 2001 (exposition, Bibliothèque nationale de France), p. 239-243 ; Suzanne Citron, «Un essai inédit de Pierre Citron sur Jean Giono », Histoires littéraires, n°55, juillet-août-septembre 2013 (www.suzannecitron.wordpress.com); René Merle, « Simone Téry», Lectures et réflexions : Communistes d’hier et d’aujourd’hui, août 2014 (merlerene.canablog.com) ; Jacques Mény, notice sur Simone Téry, à paraître dans le Dictionnaire Giono, Garnier, 2016 (nous remercions M. Mény de nous l’avoir communiquée).

Mors et coiffes un peu frottés.

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