拍品專文
Gilles Genty, historien de l'art, février 2016.
Cette scène de genre est la parfaite illustration de l’influence des estampes japonaises sur les Nabis, et sur Ranson en particulier ; achetées dans les grands magasins (Lacombe acquit des recueils au Bon Marché), feuilletées dans Le Japon Artistique (1888-91 ; fig. 2) de Siegfried Bing (dont Ranson possédait un exemplaire), vues lors de l’exposition à l’Ecole des Beaux-Arts en 1890, les «crépons japonais», comme disait Bonnard, sont à la mode. Au même moment, Ranson reprend un sujet de la peinture ancienne, traité par Nicolas Lancret, Giuseppe Crespi et surtout par Georges de La Tour (fig. 1) avec une gamme de tons chauds. Loin du réalisme social de La femme à la puce (1890) de Charles Maurin (Musée Crozatier, Le Puy-en-Velay), La mansarde de Ranson surprend en premier lieu par ses élégantes arabesques, qui semblent vouloir transformer la moindre droite en une ligne serpentine. Cette impression est renforcée par la gamme de tons réduite, proche de celle que nous retrouvons dans Les éplucheuses de pommes de terre (1893, Musée Maurice Denis, Saint-Germain-en-Laye). Même les veines du bois paraissent mues d’une vie autonome, à l’exemple des motifs de sols imaginés par August Endell pour le Buntes Teater (1901) de Berlin. Surnommé le Nabi «plus japonard que japonard», Ranson pousse ici à l’extrême le goût des Nabis pour la décoration, propre à l’Art Nouveau et au Jugendstil allemand, nous poussant à reconsidérer les frontières entre beaux-arts et arts décoratifs, mais aussi entre les pays. Notons d’ailleurs que Ranson offrit l’étude préparatoire de notre tableau à son ami le peintre hongrois Jozsef Rippl-Rónai (Musée Rippl-Ronai, Kaposvár). Aussi, la scène représentée n’est pas exempte d’une certaine sensualité ; la chemise de nuit de la jeune femme est en partie enlevée (ses vêtements sont accrochés au mur), le lit est défait, et les sinuosités avec lesquelles le drap est traité au premier plan traduisent une certaine agitation passée. Cela rapproche notre tableau de la série que le peintre réalise en 1891-92 dans laquelle, en une gamme de bleus et de verts, ses scènes anodines étaient empreintes d’érotisme. Comment ne pas voir enfn combien cette composition annonce les dessins animés de Walt Disney où de banales scènes de genre deviennent des fééries de lignes et de couleurs?
This genre scene is a perfect example of the infuence of Japanese prints on the Nabis, and on Ranson in particular. Purchased at department stores (Lacombe bought collections at the Bon Marché), viewed while browsing through Le Japon Artistique (1888-1891 ; fg. 2) published by Siegfried Bing (a copy of which Ranson owned), or seen at the exhibition at the Ecole des Beaux-Arts in 1890, the “Japanese crepes”, as Bonnard called them, were fashionable at that time. In the same period, Ranson returned to a subject depicted by Nicolas Lancret, Giuseppe Crespi and especially by Georges de La Tour (fg. 1) with a similar range of warm colours. Far from the social realism of Charles Maurin’s La femme à la puce (1890) (Musée Crozatier, Le Puy-en-Velay), Ranson’s La mansarde is surprising for its elegant arabesques, which transform the slightest straight line into one that snakes across the picture. This impression is reinforced by the limited range of tones, very similar to that found in Les éplucheuses de pommes de terre (1893, Musée Maurice Denis, Saint-Germain-en-Laye). Even the grain of the wood seems to take on a life of its own, like the foor motifs designed by August Endell for the Buntes Theater (1901) in Berlin. Nicknamed the Nabi “more Japonard than Japonard” (a made-up word from a fusion of Bonnard and Japanese), Ranson here pushed to the extreme the Nabis’ taste for decoration, specifc to Art Nouveau and the German Jugendstil, forcing us to reconsider the borders not just between fine art and the decorative arts, but between countries too. It is, incidentally, worth noting that Ranson gave the preparatory study for our picture to his friend, the Hungarian painter Jozsef Rippl-Rónai (Rippl-Rónai Museum, Kaposvar). At the same time, the scene depicted is not without a certain sensuality ; part of the young woman’s nightdress has slipped of (her clothes are hanging on the wall), the bed is unmade, and the sinuous curves with which the sheet is treated in the foreground convey some earlier agitation. This brings our picture close to the series that the painter made in 1891-92 in which, in a range of blues and greens, anodyne scenes were imbued with eroticism. Finally, how can one not see how much this picture heralds Walt Disney’s animated cartoons where everyday genre scenes become fairylands of line and colour?
Cette scène de genre est la parfaite illustration de l’influence des estampes japonaises sur les Nabis, et sur Ranson en particulier ; achetées dans les grands magasins (Lacombe acquit des recueils au Bon Marché), feuilletées dans Le Japon Artistique (1888-91 ; fig. 2) de Siegfried Bing (dont Ranson possédait un exemplaire), vues lors de l’exposition à l’Ecole des Beaux-Arts en 1890, les «crépons japonais», comme disait Bonnard, sont à la mode. Au même moment, Ranson reprend un sujet de la peinture ancienne, traité par Nicolas Lancret, Giuseppe Crespi et surtout par Georges de La Tour (fig. 1) avec une gamme de tons chauds. Loin du réalisme social de La femme à la puce (1890) de Charles Maurin (Musée Crozatier, Le Puy-en-Velay), La mansarde de Ranson surprend en premier lieu par ses élégantes arabesques, qui semblent vouloir transformer la moindre droite en une ligne serpentine. Cette impression est renforcée par la gamme de tons réduite, proche de celle que nous retrouvons dans Les éplucheuses de pommes de terre (1893, Musée Maurice Denis, Saint-Germain-en-Laye). Même les veines du bois paraissent mues d’une vie autonome, à l’exemple des motifs de sols imaginés par August Endell pour le Buntes Teater (1901) de Berlin. Surnommé le Nabi «plus japonard que japonard», Ranson pousse ici à l’extrême le goût des Nabis pour la décoration, propre à l’Art Nouveau et au Jugendstil allemand, nous poussant à reconsidérer les frontières entre beaux-arts et arts décoratifs, mais aussi entre les pays. Notons d’ailleurs que Ranson offrit l’étude préparatoire de notre tableau à son ami le peintre hongrois Jozsef Rippl-Rónai (Musée Rippl-Ronai, Kaposvár). Aussi, la scène représentée n’est pas exempte d’une certaine sensualité ; la chemise de nuit de la jeune femme est en partie enlevée (ses vêtements sont accrochés au mur), le lit est défait, et les sinuosités avec lesquelles le drap est traité au premier plan traduisent une certaine agitation passée. Cela rapproche notre tableau de la série que le peintre réalise en 1891-92 dans laquelle, en une gamme de bleus et de verts, ses scènes anodines étaient empreintes d’érotisme. Comment ne pas voir enfn combien cette composition annonce les dessins animés de Walt Disney où de banales scènes de genre deviennent des fééries de lignes et de couleurs?
This genre scene is a perfect example of the infuence of Japanese prints on the Nabis, and on Ranson in particular. Purchased at department stores (Lacombe bought collections at the Bon Marché), viewed while browsing through Le Japon Artistique (1888-1891 ; fg. 2) published by Siegfried Bing (a copy of which Ranson owned), or seen at the exhibition at the Ecole des Beaux-Arts in 1890, the “Japanese crepes”, as Bonnard called them, were fashionable at that time. In the same period, Ranson returned to a subject depicted by Nicolas Lancret, Giuseppe Crespi and especially by Georges de La Tour (fg. 1) with a similar range of warm colours. Far from the social realism of Charles Maurin’s La femme à la puce (1890) (Musée Crozatier, Le Puy-en-Velay), Ranson’s La mansarde is surprising for its elegant arabesques, which transform the slightest straight line into one that snakes across the picture. This impression is reinforced by the limited range of tones, very similar to that found in Les éplucheuses de pommes de terre (1893, Musée Maurice Denis, Saint-Germain-en-Laye). Even the grain of the wood seems to take on a life of its own, like the foor motifs designed by August Endell for the Buntes Theater (1901) in Berlin. Nicknamed the Nabi “more Japonard than Japonard” (a made-up word from a fusion of Bonnard and Japanese), Ranson here pushed to the extreme the Nabis’ taste for decoration, specifc to Art Nouveau and the German Jugendstil, forcing us to reconsider the borders not just between fine art and the decorative arts, but between countries too. It is, incidentally, worth noting that Ranson gave the preparatory study for our picture to his friend, the Hungarian painter Jozsef Rippl-Rónai (Rippl-Rónai Museum, Kaposvar). At the same time, the scene depicted is not without a certain sensuality ; part of the young woman’s nightdress has slipped of (her clothes are hanging on the wall), the bed is unmade, and the sinuous curves with which the sheet is treated in the foreground convey some earlier agitation. This brings our picture close to the series that the painter made in 1891-92 in which, in a range of blues and greens, anodyne scenes were imbued with eroticism. Finally, how can one not see how much this picture heralds Walt Disney’s animated cartoons where everyday genre scenes become fairylands of line and colour?