Lot Essay
Bien que dérivé du latin ‘pius’, signifiant pieux ou piété, ‘pietà’ en italien signifie dans le contexte de l’art religieux pitié. Ce terme est aujourd’hui associé à l’un des trois modes de représentation de la Vierge souffrante, en deuil et soutenant le corps du Christ mort, avec la Mater Dolorosa (Mère des Douleurs) et la Stabat Mater (Mère se tenant debout). Apparaissant en Allemagne vers 1300 et se diffusant en Italie un siècle plus tard, le thème de la Pietà devint de plus en plus populaire en Europe centrale. Progressivement, il devint l’une des expressions visuelles les plus poignantes de la préoccupation populaire avec les aspects émotionnels de la vie du Christ et de la Vierge.
Cette superbe sculpture dévotionnelle de dimensions monumentales a été réalisée pour une chapelle privée. De provenance aristocratique, elle ornait en effet la chapelle du château d’Autricourt. Construit sur des fondations datant du Xème siècle, le château actuel est en majeure partie une réalisation du XVIème siècle. Il fut successivement la demeure des Autricourt, Rupt, Anglure de Ligneville, Lemoine, Vallois, Crillon et Mursey de Gaucourt, avant d’être racheté en 1795 par Jacques Alexandre Gautier de Vinfrais, ancien seigneur de Villeneuve-le-Roi et Ablon. En 1809, le château fut reçu en héritage par la famille Treil de Pardailhan, derniers seigneurs d’Aigne. La symétrie du groupe indique que la sculpture se trouvait très certainement dans une niche derrière l’autel de la chapelle familiale. Les dimensions quasi grandeur nature des figures donnaient probablement à l’œuvre un effet saisissant, les rendant presque vivante dans l’ombre et la lueur des chandelles. Le visage de la Vierge est classique, comme il était de rigueur à l’époque, tandis que celui du Christ est plus individualisé, souligné par des paupières expressives et de fortes lèvres entrouvertes laissant apparaitre les dents, comme chez la Vierge. La chevelure luxuriante du Christ est modelée en larges boucles qui se répandent sur son épaule gauche, et retombent librement en ondulations sinueuses à droite de sa tête, pour venir se poser sur le genou gauche de Marie, qui supporte le poids du torse.
Les inspirations de la fameuse Pietà en marbre de Michel-Ange, à Saint-Pierre de Rome, sont évidentes, bien que notre sculpteur ait réalisé ici une variante du thème Renaissant dans un esprit Baroque, en penchant les genoux de la Vierge sur le côté, quand Michel-Ange l’avait représenté de façon centrale, les genoux écartés pour supporter le corps du Christ.
La composition, intensément émouvante, traduit de façon sensible l’inconsolable douleur d’une mère ayant perdu son fils bien aimé. D’une qualité exceptionnelle et de proportions harmonieuses, le traitement de la musculature, des cheveux, des plaies du Christ, ainsi que le mouvement des plis du drapé montrent le savoir-faire et l’aptitude du sculpteur.
L’historien de l’art Charles Avery a suggéré que cette œuvre pourrait être attribuée à Philippe de Buyster, sculpteur flamand né à Anvers qui fit l’intégralité de sa longue carrière en France. Seules quelques-unes de ses œuvres sont parvenues jusqu’à nous, car la plupart de ses réalisations étaient destinées à des églises et établissements religieux parisiens, dont les transformations et les révolutions ont causé une destruction généralisée de l'imagerie chrétienne. Au moment de ces évènements, la réputation de Buyster n’était pas suffisante pour garantir à ses œuvres d’être conservées par les collectionneurs ou les premiers musées. Son travail au Palais des Tuileries a également été perdu avec sa démolition.
Les œuvres survivantes les plus connues de Buyster et comparables à notre groupe sont le tombeau du cardinal de la Rochefoucauld (transférée de l’Abbaye Sainte-Geneviève à l’Hospice d’Ivry), et celui de Charles et Marie de l’Aubespine (cathédrale de Bourges) (Chaleix, op. cit., pl. XX-XXVII). Réalisées à la gloire de deux des hommes les plus influents de France, ces œuvres furent sculptées quasi simultanément par Buyster, la commande de la dernière ayant été passée en 1656.
Malgré des ressources d’étude limitées sur la production sculptée française de cette période, il est raisonnable d’attribuer notre œuvre, importante et particulièrement émouvante, à Buyster et de la dater de la même période à laquelle il réalise les mausolées cités plus haut, autour de la fin des années 1650 ou au début des années 1660.
Although derived from the Latin ‘pio’ meaning pious or piety, ‘pietà’ is an Italian word meaning pity. It is now most commonly associated with one of the three well known artistic representations of a sorrowful Virgin Mary, that of her cradling and grieving over the dead body of Christ – the other two representations being Mater Dolorosa (Mother of Sorrows) and Stabat Mater (here stands the mother). Emerging first in Germany about 1300 and Italy about a century later, the pietà grew in popularity particularly in central Europe. It developed to become one of the most poignant visual expressions of popular concern with the emotional aspects of the lives of Christ and the Virgin.
This exquisite devotional sculpture of monumental proportions was made for a private chapel. Of noble provenance, it was formerly in the chapelle, du Château d’Autricourt. Built on foundations from the 10th century, the present buildings of Château d’Autricourt date mainly from the 16th century. Home to the lords of Autricourt, Rupt, Anglure of Ligneville, Lemoine, de Vallois, de Crillon and Mursey of Gaucourt, the chateau and grounds were purchased in 1795 by Jacques Alexandre Gautier de Vinfrais, formerly lord of Villeneuve-le-Roi and Ablon. In 1809 it was inherited by the family Treil de Pardailhan, the last family of lords of Aigne. The symmetry of the group indicates that it almost certainly stood in a shallow niche behind the altar in the family chapel from which it comes. The fact that the figures are only just under life-size would have made it particularly impressive, and – in the shadowy or candle-lit interior – almost alive. The face of the Virgin is classical, as was the norm during the period, while that of Christ is more particularised, with its emphatically outlined eyelids and, like those of the Virgin, full lips parted to show the teeth. Christ's luxuriant hair is modelled into spiralling locks spread over his left shoulder, while it tumbles freely in sinuous waves from the right side of his head and down over the draped left knee of Mary that supports the weight of the torso.
The overtones of Michelangelo’s famous early marble group of the Pietà in St. Peter’s, Rome are obvious, though the sculptor has produced a variation on the Renaissance theme in a Baroque spirit by canting the knees of the Virgin Mary sideways, whereas Michelangelo made her sit centrally with her knees spread wide apart so that the corpse of her son could rest right across her lap.
Intensely moving and emotionally evocative, this powerful composition conveys the inconsolable despair of a mother’s loss of a beloved son. Of exceptional quality and beautiful proportions, the musculature, hair and wounds of the lifeless Christ and folds of the drapery in particular reflect superior craftsmanship.
It has been suggested by Dr. Charles Avery, that the pietà may possibly be attributable to Phillipe De Buyster, a Flemish sculptor born in Antwerp who became French by adoption spending the whole of his long career in France. Only a minority of his work survives because so much of it was commissioned by churches and religious establishments in Paris, the transformations and revolutions of which caused widespread destruction of Christian imagery. De Buyster’s renown was not sufficient at the time of the Revolution to ensure the preservation of many of his sculptures by collectors or early museums. His work on the Tuileries Palace was, of course, also lost with its demolition.
The best known of De Buyster’s surviving works relevant to our group are the great tombs of Cardinal de La Rochefoucauld (moved from the Abbey of St. Genevieve to the Hospice d’Ivry-sur-Seine) and of Charles and Marie de l’Aubespine (in the Cathedral of Bourges) (Chaleix, op. cit., pls. XX-XXVII). Dedicated to two of the most powerful men in France, these were carried out by De Buyster almost simultaneously, the latter, which is of greater relevance here, being commissioned in 1656.
Despite the comparatively limited scholarship devoted to French sculpture of the relevant period, it is reasonable to attribute the present important, strongly characterised and deeply moving group of the pietà to De Buyster and to date it around the same time as he was executing the mausolea described above – the late 1650s and early 1660s.
Cette superbe sculpture dévotionnelle de dimensions monumentales a été réalisée pour une chapelle privée. De provenance aristocratique, elle ornait en effet la chapelle du château d’Autricourt. Construit sur des fondations datant du Xème siècle, le château actuel est en majeure partie une réalisation du XVIème siècle. Il fut successivement la demeure des Autricourt, Rupt, Anglure de Ligneville, Lemoine, Vallois, Crillon et Mursey de Gaucourt, avant d’être racheté en 1795 par Jacques Alexandre Gautier de Vinfrais, ancien seigneur de Villeneuve-le-Roi et Ablon. En 1809, le château fut reçu en héritage par la famille Treil de Pardailhan, derniers seigneurs d’Aigne. La symétrie du groupe indique que la sculpture se trouvait très certainement dans une niche derrière l’autel de la chapelle familiale. Les dimensions quasi grandeur nature des figures donnaient probablement à l’œuvre un effet saisissant, les rendant presque vivante dans l’ombre et la lueur des chandelles. Le visage de la Vierge est classique, comme il était de rigueur à l’époque, tandis que celui du Christ est plus individualisé, souligné par des paupières expressives et de fortes lèvres entrouvertes laissant apparaitre les dents, comme chez la Vierge. La chevelure luxuriante du Christ est modelée en larges boucles qui se répandent sur son épaule gauche, et retombent librement en ondulations sinueuses à droite de sa tête, pour venir se poser sur le genou gauche de Marie, qui supporte le poids du torse.
Les inspirations de la fameuse Pietà en marbre de Michel-Ange, à Saint-Pierre de Rome, sont évidentes, bien que notre sculpteur ait réalisé ici une variante du thème Renaissant dans un esprit Baroque, en penchant les genoux de la Vierge sur le côté, quand Michel-Ange l’avait représenté de façon centrale, les genoux écartés pour supporter le corps du Christ.
La composition, intensément émouvante, traduit de façon sensible l’inconsolable douleur d’une mère ayant perdu son fils bien aimé. D’une qualité exceptionnelle et de proportions harmonieuses, le traitement de la musculature, des cheveux, des plaies du Christ, ainsi que le mouvement des plis du drapé montrent le savoir-faire et l’aptitude du sculpteur.
L’historien de l’art Charles Avery a suggéré que cette œuvre pourrait être attribuée à Philippe de Buyster, sculpteur flamand né à Anvers qui fit l’intégralité de sa longue carrière en France. Seules quelques-unes de ses œuvres sont parvenues jusqu’à nous, car la plupart de ses réalisations étaient destinées à des églises et établissements religieux parisiens, dont les transformations et les révolutions ont causé une destruction généralisée de l'imagerie chrétienne. Au moment de ces évènements, la réputation de Buyster n’était pas suffisante pour garantir à ses œuvres d’être conservées par les collectionneurs ou les premiers musées. Son travail au Palais des Tuileries a également été perdu avec sa démolition.
Les œuvres survivantes les plus connues de Buyster et comparables à notre groupe sont le tombeau du cardinal de la Rochefoucauld (transférée de l’Abbaye Sainte-Geneviève à l’Hospice d’Ivry), et celui de Charles et Marie de l’Aubespine (cathédrale de Bourges) (Chaleix, op. cit., pl. XX-XXVII). Réalisées à la gloire de deux des hommes les plus influents de France, ces œuvres furent sculptées quasi simultanément par Buyster, la commande de la dernière ayant été passée en 1656.
Malgré des ressources d’étude limitées sur la production sculptée française de cette période, il est raisonnable d’attribuer notre œuvre, importante et particulièrement émouvante, à Buyster et de la dater de la même période à laquelle il réalise les mausolées cités plus haut, autour de la fin des années 1650 ou au début des années 1660.
Although derived from the Latin ‘pio’ meaning pious or piety, ‘pietà’ is an Italian word meaning pity. It is now most commonly associated with one of the three well known artistic representations of a sorrowful Virgin Mary, that of her cradling and grieving over the dead body of Christ – the other two representations being Mater Dolorosa (Mother of Sorrows) and Stabat Mater (here stands the mother). Emerging first in Germany about 1300 and Italy about a century later, the pietà grew in popularity particularly in central Europe. It developed to become one of the most poignant visual expressions of popular concern with the emotional aspects of the lives of Christ and the Virgin.
This exquisite devotional sculpture of monumental proportions was made for a private chapel. Of noble provenance, it was formerly in the chapelle, du Château d’Autricourt. Built on foundations from the 10th century, the present buildings of Château d’Autricourt date mainly from the 16th century. Home to the lords of Autricourt, Rupt, Anglure of Ligneville, Lemoine, de Vallois, de Crillon and Mursey of Gaucourt, the chateau and grounds were purchased in 1795 by Jacques Alexandre Gautier de Vinfrais, formerly lord of Villeneuve-le-Roi and Ablon. In 1809 it was inherited by the family Treil de Pardailhan, the last family of lords of Aigne. The symmetry of the group indicates that it almost certainly stood in a shallow niche behind the altar in the family chapel from which it comes. The fact that the figures are only just under life-size would have made it particularly impressive, and – in the shadowy or candle-lit interior – almost alive. The face of the Virgin is classical, as was the norm during the period, while that of Christ is more particularised, with its emphatically outlined eyelids and, like those of the Virgin, full lips parted to show the teeth. Christ's luxuriant hair is modelled into spiralling locks spread over his left shoulder, while it tumbles freely in sinuous waves from the right side of his head and down over the draped left knee of Mary that supports the weight of the torso.
The overtones of Michelangelo’s famous early marble group of the Pietà in St. Peter’s, Rome are obvious, though the sculptor has produced a variation on the Renaissance theme in a Baroque spirit by canting the knees of the Virgin Mary sideways, whereas Michelangelo made her sit centrally with her knees spread wide apart so that the corpse of her son could rest right across her lap.
Intensely moving and emotionally evocative, this powerful composition conveys the inconsolable despair of a mother’s loss of a beloved son. Of exceptional quality and beautiful proportions, the musculature, hair and wounds of the lifeless Christ and folds of the drapery in particular reflect superior craftsmanship.
It has been suggested by Dr. Charles Avery, that the pietà may possibly be attributable to Phillipe De Buyster, a Flemish sculptor born in Antwerp who became French by adoption spending the whole of his long career in France. Only a minority of his work survives because so much of it was commissioned by churches and religious establishments in Paris, the transformations and revolutions of which caused widespread destruction of Christian imagery. De Buyster’s renown was not sufficient at the time of the Revolution to ensure the preservation of many of his sculptures by collectors or early museums. His work on the Tuileries Palace was, of course, also lost with its demolition.
The best known of De Buyster’s surviving works relevant to our group are the great tombs of Cardinal de La Rochefoucauld (moved from the Abbey of St. Genevieve to the Hospice d’Ivry-sur-Seine) and of Charles and Marie de l’Aubespine (in the Cathedral of Bourges) (Chaleix, op. cit., pls. XX-XXVII). Dedicated to two of the most powerful men in France, these were carried out by De Buyster almost simultaneously, the latter, which is of greater relevance here, being commissioned in 1656.
Despite the comparatively limited scholarship devoted to French sculpture of the relevant period, it is reasonable to attribute the present important, strongly characterised and deeply moving group of the pietà to De Buyster and to date it around the same time as he was executing the mausolea described above – the late 1650s and early 1660s.