拍品专文
Au XVIIIeme siècle, il était d’usage pour les papes d’offrir aux monarques et visiteurs de marque qui se rendaient à Rome, des tapisseries ou des tableaux de mosaïque. Les tapisseries étaient confectionnées dans la manufacture pontificale, tandis que les mosaïques étaient l’œuvre des artisans du fameux Studio del Mosaico du Vatican, bien qu’elles aient parfois pu être commandées à des ateliers privés de la ville. Ces mosaïques attinrent un niveau de perfection jusqu’alors inégalé, et étaient inscrites dans de riches cadres de métal (bronze, cuivre ou laiton) doré. La qualité de ces cadres connaît son apogée sous le règne de Pie VI (1775-1799), quand Luigi Valadier (1726-1785) – qui réalisait rarement ce genre d’objet – et Paolo Spagna (1736-1788) travaillaient pour la cour pontificale.
Paolo Spagna est à l’origine d’une dynastie d’orfèvres dont les héritiers furent actifs à Rome tout au long du XIXeme siècle. Spagna obtint la charge d’orfèvre en 1772, période à laquelle il vivait et exerçait son art via del Pellegrino. Il reçut des commandes de la cour pontificale dès 1776 et ce jusqu’à sa mort. (1) Ces commandes avaient souvent pour objet la réalisation de cadres comme celui qui orne notre mosaïque, et pour lequel une documentation a été découverte dans les Archives Secrètes du Vatican.
LA MOSAIQUE
En février 1777, Giovanni Battista Ponfreni, directeur du Studio del Mosaico du Vatican, commande à Filippo Carlini une transcription en mosaïque d’un tableau représentant sainte Marie-Madeleine par Guido Reni (Document 1). En effet, notre panneau est l’adaptation d’une œuvre de Reni alors conservée à la galerie Colonna, aujourd’hui disparue. (2) Une copie de l’œuvre avait alors été peinte pour servir de modèle à Carlini (Document 4).
Ponfreni déclare, dans sa lettre de décembre 1777, que la réalisation de l’œuvre progresse convenablement (Document 1), et que Carlini a reçu en paiement un tiers du prix convenu. Un second paiement fut effectué en mai 1778 quand Ponfreni assura que Carlini avait réalisé les deux tiers du panneau (Document 2). La mosaïque fut achevée avant la fin de l’année, pour un coût total de 340 scudi, et fut remise à la Floreria apostolique, au Vatican, dans l’attente de sa remise comme cadeau (Document 3).
Elève de Marco Benefial (1684-1764), Giovanni Battista Ponfreni est né à Rome vers 1715, où il meurt en 1795. Filipo Carlini semble avoir été actif au sein du Studio del Mosaico vers le milieu du XVIIIème siècle ; cependant notre panneau est sa seule œuvre connue à ce jour. (3)
LE CADRE
Le 5 avril 1780, Paolo Spagna présente à la Maison Pontificale une facture pour deux cadres de métal doré identiques pour les mosaïques, dans le but de les offrir à l’archiduc et l’archiduchesse de Milan. L’un, plus grand, était destiné à encadrer une Vierge de Douleur, l’autre notre Marie Madeleine (Document 5). La facture, que nous reproduisons ci-dessous, décrit précisément chaque détail de notre cadre, et notamment les deux Renommées qui entourent les armes, et que Spagna dit avoir modelé dans la cire.
Ce document précise que le prix total des cadres était de 713 : 12 scudi, hors coût de l’or utilisé pour la dorure. Nous avons pu retrouver et localiser le second panneau de mosaïque représentant la Vierge de Douleur qui fait partie des réserves du Künsthistorisches Museum de Vienne (4), et est actuellement exposé dans la Burgkapelle de Hofburg.
D’autres projets de cadres avec des frontons similaires, également destinés à encadrer des panneaux de mosaïques, ont été retrouvés dans les archives de dessins des ateliers de Spagna et Valadier. Le modèle exact de notre cadre ne figure pas dans ces documents, mais signalons que des figures de Renommées comparables sont présentes sur une feuille conservée à Londres, bien qu’apparaissant aux côtés d’un putto et prévues pour orner un cadre ovale. (5)
Paolo Spagna réalisa un second exemplaire du présent modèle quatre ans plus tard, pour encadrer une mosaïque exécutée par Giovanni Battista Ponfreni à partir d’une composition du Guerchin représentant une Diane, que Pie VI remis en cadeau au roi Gustave III de Suède, et qui est aujourd’hui conservé au Nationalmuseum de Stockholm. (6)
LES ARCHIDUCS DE MILAN
Le document 5, en date du 15 avril 1780, spécifie que les deux cadres de métal doré ont été réalisés pour deux tableaux de mosaïque « dont l’un à offrir à Son Altesse l’Archiduc de Milan, et l’autre à Sa Femme l’Archiduchesse, l’un représentant la Vierge de Douleur, l’autre une Madeleine ». Au delà d’une description détaillée du décor des deux cadres, ce document en précise les dimensions : le cadre de la Madeleine mesurait quatre palmi de hauteur et trois palmi et cinq oncie de largeur, ce qui équivaut à 90 x 76.9 cm. Ces mesures sont similaires à celles de notre cadre hors, bien sûr, le fronton.
L’archiduc de Milan, né Ferdinand de Habsbourg (1754-1806), fils de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, épousa en 1771 Marie-Béatrice d’Este (1750-1825), dernière descendante des Ducs de Modène. Ferdinand fut Gouverneur de Milan jusqu’en 1796. C’est à l’occasion d’une visite à Rome en 1780 que Pie VI offrit en cadeau les superbes tableaux de mosaïques décrits dans les documents cités à l’archiduc et à l’archiduchesse.
La marquise romaine Margherita Boccapauli, l’une des femmes les plus cultivées de son temps, mentionna ces cadeaux à l’occasion d’une visite au palais archiducal entre 1794 et 1795 : « Dans une pièce de l’Archiduchesse où se réunit une Académie, il y a des tableaux de tapisserie et de mosaïque qui furent offerts par le Pape ». (7) Avec la chute de l’Ancien Régime quelques années plus tard, ces objets ont certainement été envoyés à Vienne, où la Vierge de Douleur, corolaire de notre œuvre, est toujours conservé aujourd’hui.
Une notice complète avec toute la documentation et les archives rédigée par Alvar Gonzalez-Palacios en avril 2005 se trouve sur www.christies.com (lot 340, vente 7053 Important European Furniture, Sculpture and Carpets, le 7 juillet 2005).
Paolo Spagna est à l’origine d’une dynastie d’orfèvres dont les héritiers furent actifs à Rome tout au long du XIXeme siècle. Spagna obtint la charge d’orfèvre en 1772, période à laquelle il vivait et exerçait son art via del Pellegrino. Il reçut des commandes de la cour pontificale dès 1776 et ce jusqu’à sa mort. (1) Ces commandes avaient souvent pour objet la réalisation de cadres comme celui qui orne notre mosaïque, et pour lequel une documentation a été découverte dans les Archives Secrètes du Vatican.
LA MOSAIQUE
En février 1777, Giovanni Battista Ponfreni, directeur du Studio del Mosaico du Vatican, commande à Filippo Carlini une transcription en mosaïque d’un tableau représentant sainte Marie-Madeleine par Guido Reni (Document 1). En effet, notre panneau est l’adaptation d’une œuvre de Reni alors conservée à la galerie Colonna, aujourd’hui disparue. (2) Une copie de l’œuvre avait alors été peinte pour servir de modèle à Carlini (Document 4).
Ponfreni déclare, dans sa lettre de décembre 1777, que la réalisation de l’œuvre progresse convenablement (Document 1), et que Carlini a reçu en paiement un tiers du prix convenu. Un second paiement fut effectué en mai 1778 quand Ponfreni assura que Carlini avait réalisé les deux tiers du panneau (Document 2). La mosaïque fut achevée avant la fin de l’année, pour un coût total de 340 scudi, et fut remise à la Floreria apostolique, au Vatican, dans l’attente de sa remise comme cadeau (Document 3).
Elève de Marco Benefial (1684-1764), Giovanni Battista Ponfreni est né à Rome vers 1715, où il meurt en 1795. Filipo Carlini semble avoir été actif au sein du Studio del Mosaico vers le milieu du XVIIIème siècle ; cependant notre panneau est sa seule œuvre connue à ce jour. (3)
LE CADRE
Le 5 avril 1780, Paolo Spagna présente à la Maison Pontificale une facture pour deux cadres de métal doré identiques pour les mosaïques, dans le but de les offrir à l’archiduc et l’archiduchesse de Milan. L’un, plus grand, était destiné à encadrer une Vierge de Douleur, l’autre notre Marie Madeleine (Document 5). La facture, que nous reproduisons ci-dessous, décrit précisément chaque détail de notre cadre, et notamment les deux Renommées qui entourent les armes, et que Spagna dit avoir modelé dans la cire.
Ce document précise que le prix total des cadres était de 713 : 12 scudi, hors coût de l’or utilisé pour la dorure. Nous avons pu retrouver et localiser le second panneau de mosaïque représentant la Vierge de Douleur qui fait partie des réserves du Künsthistorisches Museum de Vienne (4), et est actuellement exposé dans la Burgkapelle de Hofburg.
D’autres projets de cadres avec des frontons similaires, également destinés à encadrer des panneaux de mosaïques, ont été retrouvés dans les archives de dessins des ateliers de Spagna et Valadier. Le modèle exact de notre cadre ne figure pas dans ces documents, mais signalons que des figures de Renommées comparables sont présentes sur une feuille conservée à Londres, bien qu’apparaissant aux côtés d’un putto et prévues pour orner un cadre ovale. (5)
Paolo Spagna réalisa un second exemplaire du présent modèle quatre ans plus tard, pour encadrer une mosaïque exécutée par Giovanni Battista Ponfreni à partir d’une composition du Guerchin représentant une Diane, que Pie VI remis en cadeau au roi Gustave III de Suède, et qui est aujourd’hui conservé au Nationalmuseum de Stockholm. (6)
LES ARCHIDUCS DE MILAN
Le document 5, en date du 15 avril 1780, spécifie que les deux cadres de métal doré ont été réalisés pour deux tableaux de mosaïque « dont l’un à offrir à Son Altesse l’Archiduc de Milan, et l’autre à Sa Femme l’Archiduchesse, l’un représentant la Vierge de Douleur, l’autre une Madeleine ». Au delà d’une description détaillée du décor des deux cadres, ce document en précise les dimensions : le cadre de la Madeleine mesurait quatre palmi de hauteur et trois palmi et cinq oncie de largeur, ce qui équivaut à 90 x 76.9 cm. Ces mesures sont similaires à celles de notre cadre hors, bien sûr, le fronton.
L’archiduc de Milan, né Ferdinand de Habsbourg (1754-1806), fils de l’impératrice Marie-Thérèse d’Autriche, épousa en 1771 Marie-Béatrice d’Este (1750-1825), dernière descendante des Ducs de Modène. Ferdinand fut Gouverneur de Milan jusqu’en 1796. C’est à l’occasion d’une visite à Rome en 1780 que Pie VI offrit en cadeau les superbes tableaux de mosaïques décrits dans les documents cités à l’archiduc et à l’archiduchesse.
La marquise romaine Margherita Boccapauli, l’une des femmes les plus cultivées de son temps, mentionna ces cadeaux à l’occasion d’une visite au palais archiducal entre 1794 et 1795 : « Dans une pièce de l’Archiduchesse où se réunit une Académie, il y a des tableaux de tapisserie et de mosaïque qui furent offerts par le Pape ». (7) Avec la chute de l’Ancien Régime quelques années plus tard, ces objets ont certainement été envoyés à Vienne, où la Vierge de Douleur, corolaire de notre œuvre, est toujours conservé aujourd’hui.
Une notice complète avec toute la documentation et les archives rédigée par Alvar Gonzalez-Palacios en avril 2005 se trouve sur www.christies.com (lot 340, vente 7053 Important European Furniture, Sculpture and Carpets, le 7 juillet 2005).