Lot Essay
Cette remarquable et rare paire de vases illustre à merveille l’époque à laquelle ils ont été créés : la profusion des idées, des techniques et des conceptions parisiennes qui sont diffusées quasi-simultanément en Europe. Bien que ces vases soient similaires en de nombreux points aux exemples français connus, la base de la monture est en cuivre plutôt qu’en bronze et la ciselure et les motifs laissent penser que ces vases ont été réalisés à Vienne plutôt qu’à Paris.
Le modèle
Les superbes patins en forme de dauphin si caractéristiques sur ces vases rappellent ceux d’une paire de flambeaux en bronze doré exécutés en 1781 par Jean-Claude Pitoin aujourd’hui conservés à la Wallace Collection (Peter Hughes, Wallace Collection. Catalogue of Furniture, vol. III, Londres, 1996, pp. 1232-1236). Ils auraient été commandés pour coïncider avec la naissance du second enfant de Marie-Antoinette, Louis Joseph, Dauphin de France. Le thème du dauphin est alors récurent dans les arts décoratifs. Cependant, les présents dauphins sont plus téméraires en supportant le poids de la précieuse porcelaine.
Autre ornement atypique, les deux masques féminins ornant le col et se distinguant par leur ciselure d’une immense sensibilité. Ils rappellent ceux ornant une paire de vases chinois en céladon montés de la Wallace Collection (op. cit., pp. 1400-1404). Citons également une paire de vases avec des masques comparables mais plus éloignés vendus, Sotheby’s, Paris, 9 avril 2008, lot 122.
Les échanges culturels entre la France et la Chine
Rappelons que c’est grâce au commerce maritime puis par les flux migratoires que les européens découvrent la Chine, véritable mythe qui est à son paroxysme en 1686 lors de la visite du roi de Siam accompagné de sa cour à Versailles. Ils présentent à Louis XIV « plus de 1500 pièces de porcelaine et de laque précieuses », déclenchant alors imagination et intrigue à la cour (S. Schwatz, "Objet relations, China at Versailles : Art and Diplomacy in the 18th century", in Apollo, juillet-août 2014, pp. 90-91). Naît alors un engouement pour la chinoiserie en France, et plus largement en Europe au XVIIIe siècle, grâce notamment à l’étude de nouvelles techniques décoratives auparavant inconnues, révélés par les rapports annuels des prêtres jésuites envoyés en Chine.
La porcelaine chinoise montée en bronze doré
La porcelaine chinoise transformée grâce aux montures en bronze devient alors un objet de luxe et connaît son apogée grâce aux marchands-merciers comme Lazare Duvaux (1703-1758) et Dominique Daguerre (mort en 1796). L’engouement pour les porcelaines exotiques montées devient tel que le prix de la monture détrône alors la valeur de la porcelaine elle-même. En effet, on relève dans son Livre Journal que Lazare Duvaux facture la somme importante de 1.680 livres à Madame de Pompadour pour une paire d’aiguières en céladon montées en bronze doré. Par ailleurs, on note des descriptions très détaillées pour ces objets de luxe dans les ventes de la seconde moitié du XVIIIe siècle contrastant avec celles beaucoup plus succinctes des porcelaines chinoises non montées trouvées dans les inventaires plus anciens.
Les bronziers viennois
L’Autriche, tout comme les autres pays européens principaux, suit la mode française du XVIIIe siècle, afin de démontrer sa puissance financière et son pouvoir. Par conséquent, même si peu de documents sur les bronziers viennois nous sont parvenus, Clare LeCorbeiller signale qu’ « il n’y a pas de raison pour ne pas supposer au moins une modeste industrie » existante (R. Baumstark, Liechenstein. The Princely Collections, New York, 1986, p. 171). En 1773, l’impératrice Marie-Thérèse établit l’Académie Impériale des Beaux-Arts avec le souci d’une « élévation du niveau de la qualité du travail […] pour achever l’indépendance culturelle et économique des centres européens comme Londres et Paris » (W. Koeppe, Vienna circa 1780 : An Imperial Silver Service Recorded, New York, 2011, p. 19).
Au cours du XVIIIe siècle, de nombreux bronziers émergent à Vienne, qui - il est intéressant de le préciser - sont également enregistrés en tant qu’orfèvres. Citons le directeur de l’Académie, Anton Domanöck (1713-1779) qui fournit en 1770 de l’acier et un guéridon en bronze doré avec un dessus en bois pétrifié à Marie-Antoinette ; ou encore Ignaz Joseph Würth (mort en 1792), membre éminent des orfèvres viennois, fournisseur de la famille impériale, qui signe les montures en bronze doré d’une paire de vases en bois pétrifié commandés par l’impératrice Marie-Thérèse, puis légués à sa mort en 1780 à son gendre Louis XVI et aujourd’hui conservés au Petit Trianon (Koeppe, op. cit., p. 22).
Nous remercions Elizabeth Schmuttermeier, conservatrice au MAK de Vienne, pour son aide dans les recherches sur ce lot.
Le modèle
Les superbes patins en forme de dauphin si caractéristiques sur ces vases rappellent ceux d’une paire de flambeaux en bronze doré exécutés en 1781 par Jean-Claude Pitoin aujourd’hui conservés à la Wallace Collection (Peter Hughes, Wallace Collection. Catalogue of Furniture, vol. III, Londres, 1996, pp. 1232-1236). Ils auraient été commandés pour coïncider avec la naissance du second enfant de Marie-Antoinette, Louis Joseph, Dauphin de France. Le thème du dauphin est alors récurent dans les arts décoratifs. Cependant, les présents dauphins sont plus téméraires en supportant le poids de la précieuse porcelaine.
Autre ornement atypique, les deux masques féminins ornant le col et se distinguant par leur ciselure d’une immense sensibilité. Ils rappellent ceux ornant une paire de vases chinois en céladon montés de la Wallace Collection (op. cit., pp. 1400-1404). Citons également une paire de vases avec des masques comparables mais plus éloignés vendus, Sotheby’s, Paris, 9 avril 2008, lot 122.
Les échanges culturels entre la France et la Chine
Rappelons que c’est grâce au commerce maritime puis par les flux migratoires que les européens découvrent la Chine, véritable mythe qui est à son paroxysme en 1686 lors de la visite du roi de Siam accompagné de sa cour à Versailles. Ils présentent à Louis XIV « plus de 1500 pièces de porcelaine et de laque précieuses », déclenchant alors imagination et intrigue à la cour (S. Schwatz, "Objet relations, China at Versailles : Art and Diplomacy in the 18th century", in Apollo, juillet-août 2014, pp. 90-91). Naît alors un engouement pour la chinoiserie en France, et plus largement en Europe au XVIIIe siècle, grâce notamment à l’étude de nouvelles techniques décoratives auparavant inconnues, révélés par les rapports annuels des prêtres jésuites envoyés en Chine.
La porcelaine chinoise montée en bronze doré
La porcelaine chinoise transformée grâce aux montures en bronze devient alors un objet de luxe et connaît son apogée grâce aux marchands-merciers comme Lazare Duvaux (1703-1758) et Dominique Daguerre (mort en 1796). L’engouement pour les porcelaines exotiques montées devient tel que le prix de la monture détrône alors la valeur de la porcelaine elle-même. En effet, on relève dans son Livre Journal que Lazare Duvaux facture la somme importante de 1.680 livres à Madame de Pompadour pour une paire d’aiguières en céladon montées en bronze doré. Par ailleurs, on note des descriptions très détaillées pour ces objets de luxe dans les ventes de la seconde moitié du XVIIIe siècle contrastant avec celles beaucoup plus succinctes des porcelaines chinoises non montées trouvées dans les inventaires plus anciens.
Les bronziers viennois
L’Autriche, tout comme les autres pays européens principaux, suit la mode française du XVIIIe siècle, afin de démontrer sa puissance financière et son pouvoir. Par conséquent, même si peu de documents sur les bronziers viennois nous sont parvenus, Clare LeCorbeiller signale qu’ « il n’y a pas de raison pour ne pas supposer au moins une modeste industrie » existante (R. Baumstark, Liechenstein. The Princely Collections, New York, 1986, p. 171). En 1773, l’impératrice Marie-Thérèse établit l’Académie Impériale des Beaux-Arts avec le souci d’une « élévation du niveau de la qualité du travail […] pour achever l’indépendance culturelle et économique des centres européens comme Londres et Paris » (W. Koeppe, Vienna circa 1780 : An Imperial Silver Service Recorded, New York, 2011, p. 19).
Au cours du XVIIIe siècle, de nombreux bronziers émergent à Vienne, qui - il est intéressant de le préciser - sont également enregistrés en tant qu’orfèvres. Citons le directeur de l’Académie, Anton Domanöck (1713-1779) qui fournit en 1770 de l’acier et un guéridon en bronze doré avec un dessus en bois pétrifié à Marie-Antoinette ; ou encore Ignaz Joseph Würth (mort en 1792), membre éminent des orfèvres viennois, fournisseur de la famille impériale, qui signe les montures en bronze doré d’une paire de vases en bois pétrifié commandés par l’impératrice Marie-Thérèse, puis légués à sa mort en 1780 à son gendre Louis XVI et aujourd’hui conservés au Petit Trianon (Koeppe, op. cit., p. 22).
Nous remercions Elizabeth Schmuttermeier, conservatrice au MAK de Vienne, pour son aide dans les recherches sur ce lot.