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Details
BRETON, André
Nadja. Épreuves. Placards 1 à 20
21 février 1928
SEUL JEU D’ÉPREUVES AUJOURD’HUI CONNU, COMPLET ET CORRIGÉ, AYANT SERVI À LA PUBLICATION DE L’ÉDITION ORIGINALE.
AVEC UN REMARQUABLE FRAGMENT AUTOGRAPHE DE NADJA :
“IDÉALEMENT AU MOINS, JE ME RETROUVE SOUVENT, LES YEUX BANDÉS, AU VOLANT DE CETTE VOITURE SAUVAGE”
In-8 (183 x 117 mm)
COLLATION : 1 p. et 20 placards de 8 pp. chacun, sur papier pelure, soit 161 pp. en tout
EN FEUILLES. Couverture de papier muette avec nom et titre manuscrits au dos. Boîte et étui de maroquin rouge signés de Jean-Paul MIGUET
CORRECTIONS : environ 200 corrections et annotations autographes d'André Breton, à l’encre brune, principalement d’ordre typographique
PIÈCE JOINTE : fragment autographe de Nadja. Deux pages (87 x 140 mm) à l’encre noire, sur papier pelure (correspondant aux pages 200-201 de l’édition originale) :
“Il ne m’avait pas été donné de réaliser jusqu’à ce jour tout ce qui, dans l’attitude de Nadja à mon égard, relève de l’application d’un principe de subversion totale, plus ou moins conscient, dont je ne retiendrai pour exemple que ce fait : un soir que je conduisais une automobile sur la route de Versailles à Paris, une femme à mon côté qui était Nadja, mais qui eut pu, n’est-ce pas, être toute autre, et même telle autre, son pied maintenant le mien pressé sur l’accélérateur, ses mains cherchant à se poser sur mes yeux, dans l’oubli que procure un interminable baiser, voulait que nous n’existassions plus, sans doute à tout jamais, que l’un pour l’autre, qu’ainsi à toute allure nous nous portassions à la rencontre des beaux arbres. Quelle épreuve pour l’amour, en effet ! Inutile d’ajouter que je n’accédai pas à ce désir. On sait où j’en étais alors, où, à ma connaissance, j’en ai presque toujours été avec Nadja. Je ne lui sais pas moins gré de m’avoir révélé, de façon terriblement saisissante, à quoi une reconnaissance commune de l’amour nous eût engagés à ce moment. Je me sens de moins en moins capable de résister à pareille tentation dans tous les cas. Je ne puis moins faire qu’en rendre grâces, dans ce dernier souvenir, à celle qui m’en a fait comprendre la nécessité. C’est à une puissance extrême de défi que certains êtres très rares qui peuvent les uns des autres tout attendre et tout craindre se reconnaîtront toujours. Idéalement au moins, je me retrouve souvent, les yeux bandés, au volant de cette voiture sauvage. Mes amis, de même qu’ils sont ceux chez lesquels je suis sûr de trouver refuge quand ma tête vaudrait son pesant d’or, et qu’ils courraient un risque immense à me cacher - ils me sont redevables seulement de cet espoir tragique que je mets en eux -, de même, en matière d’amour, il ne saurait être question pour moi que, dans toutes les conditions requises, de reprendre cette promenade nocturne”
On est à chaque fois étonné de redécouvrir combien Nadja est un roman novateur, riche, lyrique, multiple. Pour n’en citer que quelques facettes : l’adoption par Breton d’une méthode originale fondée sur les anecdotes et les “menus faits”, opposée à une “littérature psychologique à affabulation romanesque” ; une question liminaire “Qui suis-je ?” devenant une attitude existentielle : “Qui vive ?” révélée par la position d’alerte vis-à-vis de la vie que Nadja révèle de façon terriblement saisissante chez lui [cf. autographe joint] ; le personnage énigmatique de Nadja, “âme errante” inspirant à Breton les plus belles pages qu’il ait jamais écrites, précisément au cœur d’un récit fuyant tout lyrisme ; un usage documentaire de la photographie en opposition à la description romanesque traditionnelle, une narration fragmentée multipliant les genres (journal, autobiographie, essai philosophique).
Ce jeu d’épreuves a été remis à André Breton, en février 1928, soit quatre mois avant l’impression du livre. Elles sont conservées sous une couverture muette, celle-ci n'ayant pas encore été imprimée. Une mention “1° épreuves” est inscrite sur la première page. Des notes manuscrites, de l’éditeur probablement, et des tampons d’encre dans la marge supérieure du texte, fournissent des renseignements sur ces épreuves : auteur, titre, taille des caractères choisis, alternance des pages impaires et paires, ainsi que “[1°] épreuves. Placards [1 à 20] Nadja 1928”.
L’érudit dossier des Œuvres complètes d’André Breton ne cite que ce jeu d’épreuves-ci, appelé épr. 1928, avec la précision : “corrections effectuées par Breton sur les premières épreuves de 1928 que nous avons pu consulter dans une collection particulière”. Le manuscrit de Nadja a, quant à lui, rejoint la Bibliothèque nationale de France en 2016. Ce jeu d’épreuves corrigées, et l’extraordinaire fragment autographe de deux pages qui l’accompagne, constituent donc le seul document complet, encore en mains privées, de la genèse d’un des textes essentiels de la modernité au XXe siècle.
RÉFÉRENCE : André Breton, Œuvres complètes, II, Paris, 1988, pp. 1495 et suiv.
Nadja. Épreuves. Placards 1 à 20
21 février 1928
SEUL JEU D’ÉPREUVES AUJOURD’HUI CONNU, COMPLET ET CORRIGÉ, AYANT SERVI À LA PUBLICATION DE L’ÉDITION ORIGINALE.
AVEC UN REMARQUABLE FRAGMENT AUTOGRAPHE DE NADJA :
“IDÉALEMENT AU MOINS, JE ME RETROUVE SOUVENT, LES YEUX BANDÉS, AU VOLANT DE CETTE VOITURE SAUVAGE”
In-8 (183 x 117 mm)
COLLATION : 1 p. et 20 placards de 8 pp. chacun, sur papier pelure, soit 161 pp. en tout
EN FEUILLES. Couverture de papier muette avec nom et titre manuscrits au dos. Boîte et étui de maroquin rouge signés de Jean-Paul MIGUET
CORRECTIONS : environ 200 corrections et annotations autographes d'André Breton, à l’encre brune, principalement d’ordre typographique
PIÈCE JOINTE : fragment autographe de Nadja. Deux pages (87 x 140 mm) à l’encre noire, sur papier pelure (correspondant aux pages 200-201 de l’édition originale) :
“Il ne m’avait pas été donné de réaliser jusqu’à ce jour tout ce qui, dans l’attitude de Nadja à mon égard, relève de l’application d’un principe de subversion totale, plus ou moins conscient, dont je ne retiendrai pour exemple que ce fait : un soir que je conduisais une automobile sur la route de Versailles à Paris, une femme à mon côté qui était Nadja, mais qui eut pu, n’est-ce pas, être toute autre, et même telle autre, son pied maintenant le mien pressé sur l’accélérateur, ses mains cherchant à se poser sur mes yeux, dans l’oubli que procure un interminable baiser, voulait que nous n’existassions plus, sans doute à tout jamais, que l’un pour l’autre, qu’ainsi à toute allure nous nous portassions à la rencontre des beaux arbres. Quelle épreuve pour l’amour, en effet ! Inutile d’ajouter que je n’accédai pas à ce désir. On sait où j’en étais alors, où, à ma connaissance, j’en ai presque toujours été avec Nadja. Je ne lui sais pas moins gré de m’avoir révélé, de façon terriblement saisissante, à quoi une reconnaissance commune de l’amour nous eût engagés à ce moment. Je me sens de moins en moins capable de résister à pareille tentation dans tous les cas. Je ne puis moins faire qu’en rendre grâces, dans ce dernier souvenir, à celle qui m’en a fait comprendre la nécessité. C’est à une puissance extrême de défi que certains êtres très rares qui peuvent les uns des autres tout attendre et tout craindre se reconnaîtront toujours. Idéalement au moins, je me retrouve souvent, les yeux bandés, au volant de cette voiture sauvage. Mes amis, de même qu’ils sont ceux chez lesquels je suis sûr de trouver refuge quand ma tête vaudrait son pesant d’or, et qu’ils courraient un risque immense à me cacher - ils me sont redevables seulement de cet espoir tragique que je mets en eux -, de même, en matière d’amour, il ne saurait être question pour moi que, dans toutes les conditions requises, de reprendre cette promenade nocturne”
On est à chaque fois étonné de redécouvrir combien Nadja est un roman novateur, riche, lyrique, multiple. Pour n’en citer que quelques facettes : l’adoption par Breton d’une méthode originale fondée sur les anecdotes et les “menus faits”, opposée à une “littérature psychologique à affabulation romanesque” ; une question liminaire “Qui suis-je ?” devenant une attitude existentielle : “Qui vive ?” révélée par la position d’alerte vis-à-vis de la vie que Nadja révèle de façon terriblement saisissante chez lui [cf. autographe joint] ; le personnage énigmatique de Nadja, “âme errante” inspirant à Breton les plus belles pages qu’il ait jamais écrites, précisément au cœur d’un récit fuyant tout lyrisme ; un usage documentaire de la photographie en opposition à la description romanesque traditionnelle, une narration fragmentée multipliant les genres (journal, autobiographie, essai philosophique).
Ce jeu d’épreuves a été remis à André Breton, en février 1928, soit quatre mois avant l’impression du livre. Elles sont conservées sous une couverture muette, celle-ci n'ayant pas encore été imprimée. Une mention “1° épreuves” est inscrite sur la première page. Des notes manuscrites, de l’éditeur probablement, et des tampons d’encre dans la marge supérieure du texte, fournissent des renseignements sur ces épreuves : auteur, titre, taille des caractères choisis, alternance des pages impaires et paires, ainsi que “[1°] épreuves. Placards [1 à 20] Nadja 1928”.
L’érudit dossier des Œuvres complètes d’André Breton ne cite que ce jeu d’épreuves-ci, appelé épr. 1928, avec la précision : “corrections effectuées par Breton sur les premières épreuves de 1928 que nous avons pu consulter dans une collection particulière”. Le manuscrit de Nadja a, quant à lui, rejoint la Bibliothèque nationale de France en 2016. Ce jeu d’épreuves corrigées, et l’extraordinaire fragment autographe de deux pages qui l’accompagne, constituent donc le seul document complet, encore en mains privées, de la genèse d’un des textes essentiels de la modernité au XXe siècle.
RÉFÉRENCE : André Breton, Œuvres complètes, II, Paris, 1988, pp. 1495 et suiv.
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Adrien Legendre
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