Lot Essay
Le cartel que nous présentons ici est une remarquable réplique, à quelques variantes près, d’un chef-d’œuvre collectif du règne de Louis XIV, daté de 1699 et aujourd’hui conservé à la bibliothèque de l’Observatoire de Paris (inv. 81). Sa qualité d’exécution et l’histoire de sa recréation en font une œuvre exemplaire pour appréhender l’histoire des arts décoratifs en France.
Un contexte particulier
Il n’est pas anodin de remarquer que le XIXe siècle, par ailleurs si inventif, se soit attaché à reproduire si fidèlement une œuvre conçue cent cinquante années plus tôt. Le phénomène est d’ailleurs bien plus large et la mesure a été prise aujourd’hui de cette admiration pour le Grand Siècle au tournant des années 1850, engouement que traduit notamment le renouveau de la marqueterie Boulle et le travail d’ébénistes comme les Béfort. Certes les vagues successives des « néo » avaient ressuscité déjà les arts grecs et gothiques, les techniques médiévales et les modes de la Renaissance.
Mais au-delà d’une pièce célèbre et existante, c’est aussi une idée que Dasserat admire : celle de la possible confusion d’une œuvre d’art exceptionnelle et d’une prouesse scientifique. Que l’Art et la Science ne fasse qu’un, que l’idée et la matière donnent ensemble naissance à une œuvre. Ce sera le credo de toutes les expositions universelles du XIXe, où tant d’œuvres insignes virent le jour grâce au progrès de l’industrie et du talent des artistes conjugués.
Le modèle de Charles Perrault
Plus de cinquante ans avant Passemant, Pierre Fardoil mettait au point, pour et sous la direction de Charles Perrault, une pendule astronomique. En plus d’indiquer l’heure équinoxiale, comme notre pendule, la pendule conçue par Fardoil indiquait à l’aide d’un autre cadran, mobile, les heures temporelles. Il s’agit d’un système de mesure de l'heure qui consiste à diviser la journée en deux fois douze heures : douze pour le jour, et douze pour la nuit. La durée d'une heure n’est plus constante et égale à soixante minutes, mais varie en fonction de la durée d’éclairement, et par conséquent des saisons et de la latitude. (P. Malgouyres, in La Lune, cat. Exp. (Grand-Palais, Paris, avril – juillet) 2019, p.123)
L’horloge indique également les jours de la semaine, le quantième du mois, et les phases de la lune qui apparaît et disparaît sous un demi-cercle gradué indiquant son âge.
Inutile de préciser qu’il s’agissait, comme notre exemplaire, d’un chef-d’œuvre inouï de précision mécanique propre à persuader quiconque que l’Académie des sciences était capable de relever avec brio n’importe quel défi technique, et faire preuve d’un esprit moderne et cartésien pour expliquer et exploiter les phénomènes naturels.
Cette extraordinaire mécanisme à complications reçut avec les éloges du Mercure galant (février 1700, pp.48-65), un écrin à sa hauteur. Charles Perrault qui en est très certainement le commanditaire mit certainement à contribution les connaissances de son frère, architecte de l’Observatoire et connaisseur des sciences astronomiques, ainsi que ses relations privilégiées avec les artistes de la Couronne entretenues grâce à son titre de directeur des Bâtiments du Roy. Domenico Cucci en dessina la caisse, architecturée et coiffée d’un dôme rappelant ceux des édifices royaux qui marquèrent le siècle, comme le Val-de-Grâce ou les Invalides. Les bronzes, modelés par Girardon, furent exécutés par Caffieri, qui réalisa également la composition de Coypel figurant les quatre saisons.
Une forêt de symboles
La richesse iconographique de notre pendule est confondante et chaque élément décoratif, comme le rouage d’un mécanisme trouve sa place exacte. Le thème du temps, de l’alternance du jour et de la nuit, de l’opposition entre la lumière et de l’obscurité, est déclinée grâce à une savante rhétorique reposant essentiellement sur les symboles et l’Allégorie. Ainsi se répondent les figures de Diane et d’Apollon, associées respectivement à la lune au soleil, et la tête de Saturne, divinité dont le nom correspond à celui de Cronos dans l’astronomie grecque, désignant une planète, et traditionnellement associé au temps qui passe et qui tue. Affublé de l’aile d’un oiseau et d’une autre de chauve-souris pour symboliser le jour et la nuit, son cou est ceint de l’Ourobos, le serpent qui se mord la queue, évocation de l’éternel recommencement du cycle de la vie. Avec la mythologie, les animaux, les symboles antiques, le règne végétal participe aussi de ce discours, grâce à l’opposition du tournesol et du pavot.
Il est intéressant de remarquer que ce langage visuel, si familier des contemporains de Louis XIV, rompus à ces discours desquels le roi avait tiré sa gloire, ait suscité le même intérêt au XIXe siècle, préparant sans doute et par des biais insoupçonnés le symbolisme de ses dernières années.
Un contexte particulier
Il n’est pas anodin de remarquer que le XIXe siècle, par ailleurs si inventif, se soit attaché à reproduire si fidèlement une œuvre conçue cent cinquante années plus tôt. Le phénomène est d’ailleurs bien plus large et la mesure a été prise aujourd’hui de cette admiration pour le Grand Siècle au tournant des années 1850, engouement que traduit notamment le renouveau de la marqueterie Boulle et le travail d’ébénistes comme les Béfort. Certes les vagues successives des « néo » avaient ressuscité déjà les arts grecs et gothiques, les techniques médiévales et les modes de la Renaissance.
Mais au-delà d’une pièce célèbre et existante, c’est aussi une idée que Dasserat admire : celle de la possible confusion d’une œuvre d’art exceptionnelle et d’une prouesse scientifique. Que l’Art et la Science ne fasse qu’un, que l’idée et la matière donnent ensemble naissance à une œuvre. Ce sera le credo de toutes les expositions universelles du XIXe, où tant d’œuvres insignes virent le jour grâce au progrès de l’industrie et du talent des artistes conjugués.
Le modèle de Charles Perrault
Plus de cinquante ans avant Passemant, Pierre Fardoil mettait au point, pour et sous la direction de Charles Perrault, une pendule astronomique. En plus d’indiquer l’heure équinoxiale, comme notre pendule, la pendule conçue par Fardoil indiquait à l’aide d’un autre cadran, mobile, les heures temporelles. Il s’agit d’un système de mesure de l'heure qui consiste à diviser la journée en deux fois douze heures : douze pour le jour, et douze pour la nuit. La durée d'une heure n’est plus constante et égale à soixante minutes, mais varie en fonction de la durée d’éclairement, et par conséquent des saisons et de la latitude. (P. Malgouyres, in La Lune, cat. Exp. (Grand-Palais, Paris, avril – juillet) 2019, p.123)
L’horloge indique également les jours de la semaine, le quantième du mois, et les phases de la lune qui apparaît et disparaît sous un demi-cercle gradué indiquant son âge.
Inutile de préciser qu’il s’agissait, comme notre exemplaire, d’un chef-d’œuvre inouï de précision mécanique propre à persuader quiconque que l’Académie des sciences était capable de relever avec brio n’importe quel défi technique, et faire preuve d’un esprit moderne et cartésien pour expliquer et exploiter les phénomènes naturels.
Cette extraordinaire mécanisme à complications reçut avec les éloges du Mercure galant (février 1700, pp.48-65), un écrin à sa hauteur. Charles Perrault qui en est très certainement le commanditaire mit certainement à contribution les connaissances de son frère, architecte de l’Observatoire et connaisseur des sciences astronomiques, ainsi que ses relations privilégiées avec les artistes de la Couronne entretenues grâce à son titre de directeur des Bâtiments du Roy. Domenico Cucci en dessina la caisse, architecturée et coiffée d’un dôme rappelant ceux des édifices royaux qui marquèrent le siècle, comme le Val-de-Grâce ou les Invalides. Les bronzes, modelés par Girardon, furent exécutés par Caffieri, qui réalisa également la composition de Coypel figurant les quatre saisons.
Une forêt de symboles
La richesse iconographique de notre pendule est confondante et chaque élément décoratif, comme le rouage d’un mécanisme trouve sa place exacte. Le thème du temps, de l’alternance du jour et de la nuit, de l’opposition entre la lumière et de l’obscurité, est déclinée grâce à une savante rhétorique reposant essentiellement sur les symboles et l’Allégorie. Ainsi se répondent les figures de Diane et d’Apollon, associées respectivement à la lune au soleil, et la tête de Saturne, divinité dont le nom correspond à celui de Cronos dans l’astronomie grecque, désignant une planète, et traditionnellement associé au temps qui passe et qui tue. Affublé de l’aile d’un oiseau et d’une autre de chauve-souris pour symboliser le jour et la nuit, son cou est ceint de l’Ourobos, le serpent qui se mord la queue, évocation de l’éternel recommencement du cycle de la vie. Avec la mythologie, les animaux, les symboles antiques, le règne végétal participe aussi de ce discours, grâce à l’opposition du tournesol et du pavot.
Il est intéressant de remarquer que ce langage visuel, si familier des contemporains de Louis XIV, rompus à ces discours desquels le roi avait tiré sa gloire, ait suscité le même intérêt au XIXe siècle, préparant sans doute et par des biais insoupçonnés le symbolisme de ses dernières années.