Lot Essay
Ces iconiques perruches témoignent de la ferveur des porcelaines asiatiques montées au XVIIIe siècles sous l’impulsion de ces « faiseurs de tout » que sont les marchands-merciers. Les présents oiseaux montés ont appartenu à l’une des plus importantes collections du XIXe siècle réunie par Léonce de Voguë et sont restés jusqu’à ce jour dans la famille.
LES MARCHANDS-MERCIERS ET LES PORCELAINES MONTEES
Les perruches en porcelaine de Chine Kangxi de ce modèle existent en différentes couleurs dont le blanc de Chine et comme dans le cas présent, turquoise.
Tout au long du XVIIIe siècle, ces perruches ont été montées en France selon une mode initiée par les marchands merciers comme Lazare Duvaux ou Simon-Philippe Poirier, tous deux connus pour avoir vendu ce type de marchandises.
Deux paires de perruches turquoises montées sur des socles en bronze doré sont enregistrées dans le Livre-Journal de Lazare Duvaux : une paire livrée à M. de Presle le 7 novembre 1752 pour 360 livres, une autre paire pour M. d’Azincourt le 2 octobre 1754 pour 432 livres.
Une paire de perruches émaillées turquoise a été par ailleurs livrée à Marie-Antoinette pour Versailles et est illustrée dans P. Verlet, Les Bronzes dorés français du XVIIIe siècle, Paris, 1987, p. 26 (ill. n°12).
LÉONCE DE VOGÜÉ (1805-1877)
Après des débuts dans le métier des armes, Léonce de Vogüé se tourne vers la vie civile. Il gère alors de front une carrière politique, en particulier dans le Cher, et ses affaires industrielles et agricoles. Passionné par le progrès technique et les améliorations sociales, il est aussi à l'aise dans la gestion des affaires publiques que privées.
Comment ne pas citer ce qu’il écrit à sa femme en 1848 : "J'ai passé une bonne partie de ma journée loin des préoccupations de la vie politique, au milieu de la fumée de mes mouleurs, du mouvement de mon bel atelier. J'ai été de poste en poste visiter mes ouvriers, faisant du socialisme à ma manière, m'informant de leurs familles et recevant d'eux des remerciements sur l'ouvrage qui ne leur a pas manqué toute l'année, pendant qu'on chômait tant ailleurs"
Malgré ces activités politiques et professionnelles menées parallèlement, ce grand collectionneur trouve le temps d'ajouter, aux trois châteaux dont il a hérité, ceux de Vogüé, de Rochecolombe et de la Verrerie.
Par ailleurs, sa femme Henriette Machault d’Arnouville apporte par leur union en 1826 le château de Thoiry (Yvelines) ainsi que l’ensemble de l’étourdissante collection de meubles et objets d’art des Machault d’Arnouville qu’il transfère dans un second temps à Paris, rue Fabert.
L'HÔTEL DE LA RUE FABERT
Au 92 rue de Lille, Léonce de Vogüé habite l'hôtel de Jarnac. La demeure familiale est alors victime des travaux d'Haussmann dans les années 1860 ; elle se trouve en effet précisément à l'endroit du percement du boulevard Saint-Germain qui coupe cette rue en deux tronçons inégaux. Léonce de Vogüé décide alors d'élire domicile de l'autre côté de l'esplanade des Invalides et de faire bâtir un hôtel rue Fabert, à l'angle du quai d'Orsay.
Rue Fabert, il souhaite abriter les collections familiales dans un cadre digne d'elles. Il confie la construction de cet hôtel à Joseph Michel Anne Lesoufaché qui a achevé, quatre ans auparavant, son oeuvre phare : le château de Sceaux pour le duc de Trévise. L'architecte est alors au sommet de son art et de sa notoriété.
Les travaux ne durent pas. Alors que l'achat est effectué en mai et juin 1866, l'hôtel est inauguré dès 1868. Discret et harmonieux, l'hôtel de Vogüé ne se singularise pas par son architecture extérieure. Comme les autres constructions de Lesoufaché, il se fond dans le paysage parisien. Si l'architecture extérieure est sobre et discrète, le décor intérieur en revanche, également œuvre de Lesoufaché, est beaucoup plus somptueux. Il illustre le talent de l’architecte et sa parfaite maîtrise des XVIIème et XVIIIème siècles français qu'il a su développer durant ses années passées à Versailles et à Dampierre.
UNE REMARQUABLE COLLECTION
Le marquis de Vogüé s'est réservé l'étage noble de l'aile qui fait l'angle de la rue Fabert et du quai d'Orsay. Dans ces salons, il réunit des chefs-d'oeuvre de l'ébénisterie parisienne. Le groupe de meubles Boulle du marquis de Vogüé est alors un des plus remarquables ensembles en main privée.
La collection de la rue Fabert comprend à l'origine les oeuvres héritées par Léonce de Vogüé provenant des collections de son aïeul le fermier général Etienne Perrinet de Jars (1670-1762). Mais c'est surtout son mariage en 1836 qui étoffe la collection (voir en particulier V. Pruchnicki, Un domaine de ministre au temps de Louis XV : Jean-Baptiste de Machault à Arnouville, Ecole du Louvre, mémoire de Master 2, 2009). En effet, il épouse Henriette de Machault, arrière-petite-fille de Jean-Baptiste de Machault comte d'Arnouville (1701-1794), C. Général des Finances et Garde des Sceaux de Louis XV, dont il est tombé amoureux lors d'un bal. Mais la collection est plus que la simple juxtaposition d'héritages prestigieux de ces deux familles puisqu'elle va être complétée par des acquisitions majeures. Les achats du marquis de Vogüé gagneraient à être davantage étudiés. On peut néanmoins, en parcourant l'inventaire de 1877, tenter de les cerner en distinguant et séparant les oeuvres héritées provenant des collections Machault ou Perrinet de Jars et celles acquises par le collectionneur.
La collection de Léonce de Vogüé, et plus particulièrement l'ensemble de meubles Boulle, est connue par son inventaire après décès, dressé en 1877. Les meubles Boulle en composent la première partie. Ils représentent également, d'un point de vue financier, la section la plus conséquente. En effet, les treize lots qui la composent totalisent 178.000 F. tandis que l'ensemble des œuvres d'art se monte à 283.100 F. Mentionnons à titre d'exemple le coffre par Andre Charles Boulle, (vente Christie's 27 novembre 2019, lot 1).
Puis l’on retrouve sous le numéro 22 le présent lot sous la mention de deux perruches en porcelaine turquoise montées sur une base en bronze doré : « 22e. deux perroquets bleus montés prisés cinq cents francs, (prisés) 500 francs ». Quelques rares anciennes photographies faisant deviner l’extrême richesse de l’hôtel rue Fabert représentent un salon dans lequel on retrouve par ailleurs les présentes perruches montées.
LES MARCHANDS-MERCIERS ET LES PORCELAINES MONTEES
Les perruches en porcelaine de Chine Kangxi de ce modèle existent en différentes couleurs dont le blanc de Chine et comme dans le cas présent, turquoise.
Tout au long du XVIIIe siècle, ces perruches ont été montées en France selon une mode initiée par les marchands merciers comme Lazare Duvaux ou Simon-Philippe Poirier, tous deux connus pour avoir vendu ce type de marchandises.
Deux paires de perruches turquoises montées sur des socles en bronze doré sont enregistrées dans le Livre-Journal de Lazare Duvaux : une paire livrée à M. de Presle le 7 novembre 1752 pour 360 livres, une autre paire pour M. d’Azincourt le 2 octobre 1754 pour 432 livres.
Une paire de perruches émaillées turquoise a été par ailleurs livrée à Marie-Antoinette pour Versailles et est illustrée dans P. Verlet, Les Bronzes dorés français du XVIIIe siècle, Paris, 1987, p. 26 (ill. n°12).
LÉONCE DE VOGÜÉ (1805-1877)
Après des débuts dans le métier des armes, Léonce de Vogüé se tourne vers la vie civile. Il gère alors de front une carrière politique, en particulier dans le Cher, et ses affaires industrielles et agricoles. Passionné par le progrès technique et les améliorations sociales, il est aussi à l'aise dans la gestion des affaires publiques que privées.
Comment ne pas citer ce qu’il écrit à sa femme en 1848 : "J'ai passé une bonne partie de ma journée loin des préoccupations de la vie politique, au milieu de la fumée de mes mouleurs, du mouvement de mon bel atelier. J'ai été de poste en poste visiter mes ouvriers, faisant du socialisme à ma manière, m'informant de leurs familles et recevant d'eux des remerciements sur l'ouvrage qui ne leur a pas manqué toute l'année, pendant qu'on chômait tant ailleurs"
Malgré ces activités politiques et professionnelles menées parallèlement, ce grand collectionneur trouve le temps d'ajouter, aux trois châteaux dont il a hérité, ceux de Vogüé, de Rochecolombe et de la Verrerie.
Par ailleurs, sa femme Henriette Machault d’Arnouville apporte par leur union en 1826 le château de Thoiry (Yvelines) ainsi que l’ensemble de l’étourdissante collection de meubles et objets d’art des Machault d’Arnouville qu’il transfère dans un second temps à Paris, rue Fabert.
L'HÔTEL DE LA RUE FABERT
Au 92 rue de Lille, Léonce de Vogüé habite l'hôtel de Jarnac. La demeure familiale est alors victime des travaux d'Haussmann dans les années 1860 ; elle se trouve en effet précisément à l'endroit du percement du boulevard Saint-Germain qui coupe cette rue en deux tronçons inégaux. Léonce de Vogüé décide alors d'élire domicile de l'autre côté de l'esplanade des Invalides et de faire bâtir un hôtel rue Fabert, à l'angle du quai d'Orsay.
Rue Fabert, il souhaite abriter les collections familiales dans un cadre digne d'elles. Il confie la construction de cet hôtel à Joseph Michel Anne Lesoufaché qui a achevé, quatre ans auparavant, son oeuvre phare : le château de Sceaux pour le duc de Trévise. L'architecte est alors au sommet de son art et de sa notoriété.
Les travaux ne durent pas. Alors que l'achat est effectué en mai et juin 1866, l'hôtel est inauguré dès 1868. Discret et harmonieux, l'hôtel de Vogüé ne se singularise pas par son architecture extérieure. Comme les autres constructions de Lesoufaché, il se fond dans le paysage parisien. Si l'architecture extérieure est sobre et discrète, le décor intérieur en revanche, également œuvre de Lesoufaché, est beaucoup plus somptueux. Il illustre le talent de l’architecte et sa parfaite maîtrise des XVIIème et XVIIIème siècles français qu'il a su développer durant ses années passées à Versailles et à Dampierre.
UNE REMARQUABLE COLLECTION
Le marquis de Vogüé s'est réservé l'étage noble de l'aile qui fait l'angle de la rue Fabert et du quai d'Orsay. Dans ces salons, il réunit des chefs-d'oeuvre de l'ébénisterie parisienne. Le groupe de meubles Boulle du marquis de Vogüé est alors un des plus remarquables ensembles en main privée.
La collection de la rue Fabert comprend à l'origine les oeuvres héritées par Léonce de Vogüé provenant des collections de son aïeul le fermier général Etienne Perrinet de Jars (1670-1762). Mais c'est surtout son mariage en 1836 qui étoffe la collection (voir en particulier V. Pruchnicki, Un domaine de ministre au temps de Louis XV : Jean-Baptiste de Machault à Arnouville, Ecole du Louvre, mémoire de Master 2, 2009). En effet, il épouse Henriette de Machault, arrière-petite-fille de Jean-Baptiste de Machault comte d'Arnouville (1701-1794), C. Général des Finances et Garde des Sceaux de Louis XV, dont il est tombé amoureux lors d'un bal. Mais la collection est plus que la simple juxtaposition d'héritages prestigieux de ces deux familles puisqu'elle va être complétée par des acquisitions majeures. Les achats du marquis de Vogüé gagneraient à être davantage étudiés. On peut néanmoins, en parcourant l'inventaire de 1877, tenter de les cerner en distinguant et séparant les oeuvres héritées provenant des collections Machault ou Perrinet de Jars et celles acquises par le collectionneur.
La collection de Léonce de Vogüé, et plus particulièrement l'ensemble de meubles Boulle, est connue par son inventaire après décès, dressé en 1877. Les meubles Boulle en composent la première partie. Ils représentent également, d'un point de vue financier, la section la plus conséquente. En effet, les treize lots qui la composent totalisent 178.000 F. tandis que l'ensemble des œuvres d'art se monte à 283.100 F. Mentionnons à titre d'exemple le coffre par Andre Charles Boulle, (vente Christie's 27 novembre 2019, lot 1).
Puis l’on retrouve sous le numéro 22 le présent lot sous la mention de deux perruches en porcelaine turquoise montées sur une base en bronze doré : « 22e. deux perroquets bleus montés prisés cinq cents francs, (prisés) 500 francs ». Quelques rares anciennes photographies faisant deviner l’extrême richesse de l’hôtel rue Fabert représentent un salon dans lequel on retrouve par ailleurs les présentes perruches montées.