Lot Essay
Cet exceptionnel pendentif en forme de poisson sculpté dans une variété de jadéite à grain fin de couleur vert intense et attestant d’un haut degré artistique de réalisation, témoigne des riches ornements portés par les élites sociales chez les Mayas et les Mixe-Zoque au cours des derniers siècles de la Période Classique. L’objet représente un poisson avec des dents pointues semblables à celles d’un requin, une queue bipartite et des motifs de peau de serpent sur le dos. Dix trous ont été percés sur l’ensemble du pendentif, dont ceux des nageoires dorsales pour y insérer un cordon de suspension, les autres peuvent avoir contenu des incrustations, peut-être de coquillages ou de pyrite dont la surface réfléchissante imite les écailles brillantes d’un poisson. Les traces d’une incrustation sont encore présentes au niveau de l’œil, comme on peut également le voir sur le pendentif poisson en pierre verte de Takalik Abaj (sépultures de la Structure 7), un site de la Période Préclassique finale du piémont pacifique du Guatemala1.
La qualité et l’iconographie de ce pendentif poisson évoquant un requin en font un objet digne d’être porté par un personnage de haut rang. Les requins et autres poissons sont des évocations sacrées communes à l’art de la Mésoamérique du sud pour une référence au royaume aquatique du monde souterrain et à l’océan primordial qui entoure la terre, avec une représentation symbolique de la mer dans l’art maya de la Période Classique sous la forme d’un saurien avec des nageoires de poisson et des motifs en hachures de peau de serpent identiques à ceux que l’on peut voir sur ce pendentif2. Dans la cosmologie mésoaméricaine, l’eau est un lien entre les mondes au travers d’un cycle de pluie qui s’infiltre dans les ruisseaux souterrains pour émerger ensuite sous forme de sources et de rivières qui se jettent dans un océan sans limite. Chahk, la divinité de la pluie et de la foudre, est évoquée dans l’art des premiers peuples mayas comme l’intercesseur divin qui met ce cycle en action3. Cette divinité est souvent représentée avec une tête de requin et des nageoires sur les pieds, se tenant debout dans les vagues tout en capturant des poissons qui sont placés dans un réceptacle d’où émergent des nuages et de l’eau (voir la Stèle 1 de Izapa)4. Les représentations de Chahk au cours de la Période Classique perdurent avec une iconographie de tête de requin ou de poisson, alors que les portaits des souverains de cette période comportent les mêmes caractéristiques. Les souverains de la Mésoamérique du sud étaient étroitement associés à Chahk, incarnant souvent le rôle de la divinité dans le maintien du cycle de la vie, et plus particulièrement sous la forme de la pluie.
Les caractéristiques stylistiques de ce pendentif indiquent une datation correspondant à la période du Préclassique Récent ou au tout début de la Période Classique, même si ces mêmes caractéristiques sont déjà aussi présentes auparavant chez les Mixe-Zoque et les Mayas de la zone qui s’étend du sud de la région de Veracruz jusqu’au piémont pacifique guatémaltèque (1200-250 av. J.-C). La représentation d’un poisson est déjà présente sur les pendentifs « cuillères » en jadéite portés comme signes disctinctifs par les dirigeants olmèques de la Période du Préclassique Moyen (900-600 av. J.-C). L’association iconographique poisson/eau est également présente sur deux pendentifs « cuillères » incisés d’un profil de poisson, l’un provenant de Chaksikin et l’autre de Peto dans le Yucatán5. Des études récentes confirment l’association des pendentifs « cuillères » avec l’eau, en interprétant leur forme comme l’imitation d’une coquille d’huître (Pteria) d’une variété nacrée et perlière courante que l’on retrouve sur les deux côtes de la Mésoamérique6.
Dorie Reents-Budet PhD
1Tarpy, C., « Maya Royal Grave, Unlooted Grave of a Maya King. Place of the Standing Stones » in National Geographic Magazine, Washington, mai 2004, vol. 205, n° 5, pp. 66-79
2Finamore, D. et Houston, S., Fiery Pool. The Maya and the Mythic Sea, New Haven, 2010
3Taube, K.A., « The Rainmakers: The Olmec and their contribution to Mesoamerican Belief and Ritual » in Coe, M., The Olmec World: Ritual and Rulership, New York, 1995, pp. 83-103
4Guernsey, J., « Rulers, Gods, and Potbellies: A Consideration of Sculptural Forms and Themes from the Preclassic Pacific Coast and Piedmont of Mesoamerica » in The Place of Stone Monuments in Mesoamerica's Preclassic Transition: Context, Use, and Meaning, Washington, 2011, fig. 9.2
5Andrews, W., « Research and Reflections in Archaeology and History: Essays in Honor of Doris Stone » in Middle American Research Institute, La Nouvelle-Orléans, 1986, vol. 57
6Turner, A., « The Olmec Spoon Reconsidered: Material Meanings of Jade, Nacreous Shells, and Pearls in Ancient Mesoamerica » in Ancient Mesoamerica, Cambridge, 2020, pp. 1-17
Pour un modèle similaire de poisson mythologique maya avec une symbolique de renaissance, voir les Dumbarton Oaks Research Library and Collections, Washington, inv. n° PC.B.543.
La qualité et l’iconographie de ce pendentif poisson évoquant un requin en font un objet digne d’être porté par un personnage de haut rang. Les requins et autres poissons sont des évocations sacrées communes à l’art de la Mésoamérique du sud pour une référence au royaume aquatique du monde souterrain et à l’océan primordial qui entoure la terre, avec une représentation symbolique de la mer dans l’art maya de la Période Classique sous la forme d’un saurien avec des nageoires de poisson et des motifs en hachures de peau de serpent identiques à ceux que l’on peut voir sur ce pendentif2. Dans la cosmologie mésoaméricaine, l’eau est un lien entre les mondes au travers d’un cycle de pluie qui s’infiltre dans les ruisseaux souterrains pour émerger ensuite sous forme de sources et de rivières qui se jettent dans un océan sans limite. Chahk, la divinité de la pluie et de la foudre, est évoquée dans l’art des premiers peuples mayas comme l’intercesseur divin qui met ce cycle en action3. Cette divinité est souvent représentée avec une tête de requin et des nageoires sur les pieds, se tenant debout dans les vagues tout en capturant des poissons qui sont placés dans un réceptacle d’où émergent des nuages et de l’eau (voir la Stèle 1 de Izapa)4. Les représentations de Chahk au cours de la Période Classique perdurent avec une iconographie de tête de requin ou de poisson, alors que les portaits des souverains de cette période comportent les mêmes caractéristiques. Les souverains de la Mésoamérique du sud étaient étroitement associés à Chahk, incarnant souvent le rôle de la divinité dans le maintien du cycle de la vie, et plus particulièrement sous la forme de la pluie.
Les caractéristiques stylistiques de ce pendentif indiquent une datation correspondant à la période du Préclassique Récent ou au tout début de la Période Classique, même si ces mêmes caractéristiques sont déjà aussi présentes auparavant chez les Mixe-Zoque et les Mayas de la zone qui s’étend du sud de la région de Veracruz jusqu’au piémont pacifique guatémaltèque (1200-250 av. J.-C). La représentation d’un poisson est déjà présente sur les pendentifs « cuillères » en jadéite portés comme signes disctinctifs par les dirigeants olmèques de la Période du Préclassique Moyen (900-600 av. J.-C). L’association iconographique poisson/eau est également présente sur deux pendentifs « cuillères » incisés d’un profil de poisson, l’un provenant de Chaksikin et l’autre de Peto dans le Yucatán5. Des études récentes confirment l’association des pendentifs « cuillères » avec l’eau, en interprétant leur forme comme l’imitation d’une coquille d’huître (Pteria) d’une variété nacrée et perlière courante que l’on retrouve sur les deux côtes de la Mésoamérique6.
Dorie Reents-Budet PhD
1Tarpy, C., « Maya Royal Grave, Unlooted Grave of a Maya King. Place of the Standing Stones » in National Geographic Magazine, Washington, mai 2004, vol. 205, n° 5, pp. 66-79
2Finamore, D. et Houston, S., Fiery Pool. The Maya and the Mythic Sea, New Haven, 2010
3Taube, K.A., « The Rainmakers: The Olmec and their contribution to Mesoamerican Belief and Ritual » in Coe, M., The Olmec World: Ritual and Rulership, New York, 1995, pp. 83-103
4Guernsey, J., « Rulers, Gods, and Potbellies: A Consideration of Sculptural Forms and Themes from the Preclassic Pacific Coast and Piedmont of Mesoamerica » in The Place of Stone Monuments in Mesoamerica's Preclassic Transition: Context, Use, and Meaning, Washington, 2011, fig. 9.2
5Andrews, W., « Research and Reflections in Archaeology and History: Essays in Honor of Doris Stone » in Middle American Research Institute, La Nouvelle-Orléans, 1986, vol. 57
6Turner, A., « The Olmec Spoon Reconsidered: Material Meanings of Jade, Nacreous Shells, and Pearls in Ancient Mesoamerica » in Ancient Mesoamerica, Cambridge, 2020, pp. 1-17
Pour un modèle similaire de poisson mythologique maya avec une symbolique de renaissance, voir les Dumbarton Oaks Research Library and Collections, Washington, inv. n° PC.B.543.