Lot Essay
Le 6 octobre 1789, les ouvriers de la manufacture de Sèvres virent le roi, la reine et le jeune dauphin escortés par une foule de milliers de personnes en colère venant de Versailles par Sèvres pour rentrer à Paris. Quel contraste avec les précédentes visites de la famille royale à la manufacture pour inspecter l'établissement ou acheter de la porcelaine. La période devient difficile pour la manufacture de Sèvres, perdant sa clientèle aristocratique aisée rapidement remplacée par de nouveaux acheteurs désignés citoyens dans les registres de la manufacture. La manufacture de Sèvres n'a jamais fermé ses portes mais les ouvriers ne sont pas payés ou partiellement seulement. Elle reste la propriété du Roi jusqu'à la fondation de la République en août 1792 lorsqu'elle passe sous le contrôle du ministère des Contributions publiques. En 1793, le ministre de l’Intérieur, Dominique-Joseph Garat ordonne la destruction des moules et modèles liés à la famille royale. Le directeur de la manufacture, Antoine Régnier, dépêcha sept ouvriers qui passèrent quatre jours à casser les porcelaines en stock évoquant les tyrans. La marque LL entrelacées est remplacée par une marque RF pour République Française, seule ou avec le mot Sèvres. Au cours de cette période sombre, la manufacture de Sèvres est employée pour diffuser la propagande politique révolutionnaire. De nouveaux modèles de groupe biscuit sont dessinés par Louis-Simon Boizot. Fini l’Éducation de l’Amour, un des groupes les plus charmants de Falconet désormais remplacé par l’Éducation du Citoyen, La France gardant sa Constitution, La Liberté et l’Égalité. Le musée des Arts décoratifs de Paris possède deux gobelets litron à fond beau bleu intitulés l'Égalité et la Liberté, peints en 1793. Le musée Carnavalet de Paris conserve deux vases datés de 1794 représentant La Force guidée par la Raison et La France gardant la Constitution. Sur nos deux gobelets étrusques, forme créée par Boizot pour la laiterie de Marie-Antoinette à Rambouillet, les emblèmes révolutionnaires bordés par le nouveau drapeau tricolore sont entrés dans le répertoire des peintres. Le bonnet de la liberté - bonnet phrygien - inspiré du chapeau porté par les esclaves romains affranchis se retrouve avec le faisceau de licteur romain et le triangle équilatéral de la franc-maçonnerie, symbole d'égalité et de reconstruction. Ils sont également accompagnés des symboles de la réunion des Ordres, de la Constitution de 1791 et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Plusieurs de ces symboles figurent sur un dessin par Nicolas Pierre Pithou Jeune, daté 1793, conservé aux archives de la manufacture de Sèvres (fig. 1).
Nos deux gobelets sont reproduits par Ian Wardropper, News from a Radiant Future, Soviet Porcelain, The Art Institute of Chicago, 1992, page 14 et figure 1, page 16, comme exemple d’un premier emploi de la porcelaine comme support de la propagande.
Pour une étude de porcelaine de Sèvres à décor révolutionnaire voir Christian Béalu, « Les porcelaines révolutionnaires », Art & Curiosités, 1989, n°108, pp. 10-39 et Pamela Roditi, « A minute Sèvres Revolutionary Gobelet Litron et soucoupe and its possible sources », The French Porcelain Society Journal, vol. III, 2007, pp. 167-178.
Nos deux gobelets sont reproduits par Ian Wardropper, News from a Radiant Future, Soviet Porcelain, The Art Institute of Chicago, 1992, page 14 et figure 1, page 16, comme exemple d’un premier emploi de la porcelaine comme support de la propagande.
Pour une étude de porcelaine de Sèvres à décor révolutionnaire voir Christian Béalu, « Les porcelaines révolutionnaires », Art & Curiosités, 1989, n°108, pp. 10-39 et Pamela Roditi, « A minute Sèvres Revolutionary Gobelet Litron et soucoupe and its possible sources », The French Porcelain Society Journal, vol. III, 2007, pp. 167-178.