Lot Essay
La plupart des hochets-corbeaux étaient habituellement utilisés par les chefs et associés aux emblèmes héraldiques du clan. Cependant, certains semblent avoir eu également une utilité chamanique. Ce type de hochet adopte un motif conventionnel qui, dans la plupart des cas, montre un chaman allongé sur le dos d’un corbeau, avec sa langue s’étendant jusqu’à la bouche d’un martin-pêcheur. Dans de très rares cas, comme dans le cas présent, la figure du chaman est ornée d’une grenouille reposant sur sa poitrine. Chez les Tlingit, la grenouille, emblème du clan du Corbeau, était également l’une des sources d’informations ésotériques du chaman sur le monde surnaturel. Selon les croyances chamaniques, la langue d’un animal contenait sa force spirituelle et sa force vitale, ce qui nous permet d’interpréter la scène représentée ici comme celle d’un échange ésotérique entre un chaman et son esprit gardien. Sur la partie inférieure on distingue la représentation stylisée de la tête d’un faucon. Dans l’ensemble, le hochet, finement incisé en relief, est magnifiquement décoré de pigments noir, vert et rouge vermillon. Pour un hochet comparable, voir Holm, B. et Reid, B., Indian Art of the Northwest Coast. A Dialogue on Craftsmanship and Aesthetics, Washington, 1975, fig. 79. Malgré le degré hautement conventionnel de ce type de hochet, l’exemple pris par Holm et Reid est très semblable. On peut avancer l’hypothèse que ces deux hochets aient été sculptés par le même artiste. Holm mentionne en effet le fait qu’il connaisse « d’autres oeuvres réalisées par le même artiste ». Reid conclut : « non seulement il était un bon artiste et créateur, mais également un [réel] maître-sculpteur. » (Holm et Reid, ibid.,1975, pp. 196-197)