Lot Essay
En 1946, Matisse rencontre Zika Ascher, designer textile britannique, afin de discuter de la possibilité de produire une tenture murale à grande échelle. Matisse cherche depuis longtemps un moyen de retranscrire ses impressions sur son voyage dans les îles du Pacifique en 1930, le projet d’Ascher lui apporte soudain l’inspiration parfaite.
Lors de sa visite suivante dans l’atelier de Matisse, boulevard Montparnasse, l'artiste montre à Ascher deux dessins en papier découpé, qu’il appelle Océanie, le Ciel et Océanie, la Mer. Plusieurs années plus tard, Matisse décrit son enthousiasme pour le projet à Brassaï : « Les souvenirs de mon voyage à Tahiti ne me sont revenus que maintenant, quinze ans après, sous forme d’images obsédantes : madrépores, coraux, poissons, oiseaux, méduses, éponges… Il est curieux, n’est-ce pas, que tous ces enchantements du ciel et de la mer ne m’aient guère incité tout de suite… Tous ces éléments, je les découpe et les fixe aux murs, provisoirement. Les petits traits représentent la ligne d’horizon… Je ne sais pas encore ce que ça donnera… Ça fera d’horizon… Je ne sais pas encore ce que ça donnera… Ça fera peut-être des panneaux, des tentures murales… ». (Conversations avec Picasso, Paris, 1964, pp. 305-306.)
Dans le numéro du 23 décembre 1946 de Labyrinthe, Matisse ajoute : « Ce panneau, imprimé sur lin - blanc pour les motifs et beige quant au fond - forme, avec le second, une tenture murale composée au cours de rêveries venues quinze ans après un voyage en Océanie. Là-bas, les enchantements du ciel, de la mer, des poissons et des coraux dans ses lagons tout d’abord me plongent dans l’inaction d’un ravissement complet. Les tons locaux des choses n’étaient pas changés, mais leur résultante, dans la lumière du Pacifique, me procurait une sensation semblable à celle que j’ai éprouvée en regardant à l’intérieur d’une grande coupe d’or. Par les yeux grands ouverts, j’absorbais tout, comme une éponge absorbe le liquide. Ce n’est qu’aujourd’hui que ces merveilles me sont revenues avec tendresse et précision et m’ont permis, avec une certaine délectation, d’exécuter les deux panneaux en question. »
Matisse considère ces deux séries de tentures murales comme extrêmement importantes pour son développement artistique de l’époque, notamment parce qu’elles précèdent ses découpes monumentales des années 1950 et ses sérigraphies pour des publications telles que Jazz.
Les galeries parisiennes et suisses les plus prestigieuses approchent Matisse dès qu’elles ont vent du projet. Dans une lettre adressée à Ascher, le 24 octobre 1946, Matisse note : « Cette tenture que vous allez imprimer est appelée à un certain retentissement si elle est bien exécutée - car la galerie Thannhauser-Rosengart successeur de Lausanne la désire ; il doit souscrire chez vous. Il veut l’exposer à Lausanne entourée de mes dessins. La Galerie Maeght, la plus belle de Paris, galerie nouvelle, veut l’exposer en janvier. Mais il ne faut pas précipiter la fabrication pour cette date. Quand l’œuvre sera terminée, il sera très fier de l’exposer. En tout cas, si en janvier vous avez une seule épreuve, ça suffirait. Art et Décoration, revue d’art ancienne et une des premières de Paris, va reproduire les photos des deux panneaux ».
Même un an environ après la parution des tentures, Matisse fait savoir l’importance qu’elles ont à ses yeux en insistant pour que des exemples des deux soient exposés lors de la grande rétrospective de son œuvre au Musée National d’Art Moderne à Paris en 1949.
D’autres exemplaires d’Océanie, le Ciel sont conservés au Musée Matisse de Nice (don de l’artiste) et au Musée National d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris.
In 1946 Matisse met Zika Ascher, the English textile designer, to discuss the possibility of producing a wall hanging on the grand scale. Matisse had long been searching for a medium in which to record his impressions of his trip to the Pacific Islands in 1930 and suddenly in Ascher's project, he found the perfect inspiration.
When Ascher next visited Matisse's studio in the boulevard Montparnasse he was shown two paper cut out designs which he called Océanie, le Ciel and Océanie, la Mer. Several years later Matisse described his enthusiasm for the project to Brassaï; "Les souvenirs de mon voyage à Tahiti ne me sont revenus que maintenant, quinze ans après, sous forme d'images obsédantes: madrépores, coraux, poissons, oiseaux, méduses, éponges ... Il est curieux, n'est-ce pas, que tous ces enchantements du ciel et de la mer ne m'aient guère incité tout de suite ... Tous ces éléments, je les découpe et les fixe aux murs, provisoirement. Les petits traits représentent la ligne d'horizon ... Je ne sais pas encore ce que ça donnera ... Ça fera d'horizon ... Je ne sais pas encore ce que ça donnera ... Ça fera peut-être des panneaux, des tentures murales ...". (Conversations avec Picasso, Paris, 1964, pp. 305-306.)
In the 23rd December 1946 issue of Labyrinth Matisse added; "Ce panneau, imprimé sur lin - blanc pour les motifs et beige quant au fond - forme, avec le second, une tenture murale composée au cours de rêveries venues quinze ans après un voyage en Océanie. Là-bas, les enchantements du ciel, de la mer, des poissons et des coraux dans ses lagons tout d'abord me plongent dans l'inaction d'un ravissement complet. Les tons locaux des choses n'étaient pas changés, mais leur résultante, dans la lumière du Pacifique, me procurait une sensation semblable à celle que j'ai éprouvée en regardant à l'intérieur d'une grande coupe d'or. Par les yeux grands ouverts, j'absorbais tout, comme une éponge absorbe le liquide. Ce n'est qu'aujourd'hui que ces merveilles me sont revenues avec tendresse et précision et m'ont permis, avec une certaine délectation, d'exécuter les deux panneaux en question".
Matisse considered these two series of wall hangings to be extremely important in his artistic development in later life, not least because they preceded his monumental cut-outs of the 1950s and screenprints for publications such as Jazz.
The most prestigious Parisian and Swiss galleries approached Matisse as soon as they got wind of the project. Writing to Ascher on 24 October 1946 Matisse notes, "Cette tenture que vous allez imprimer est appelée à un certain retentissement si elle est bien exécutée - car la galerie Thannhauser-Rosengart successeur de Lausanne la désire; il doit souscrire chez vous. Il veut l'exposer à Lausanne entourée de mes dessins. La Galerie Maeght, la plus belle de Paris, galerie nouvelle, veut l'exposer en janvier. Mais il ne faut pas précipiter la fabrication pour cette date. Quand l'oeuvre sera terminée, il sera très fier de l'exposer. En tout cas, si en janvier vous avez une seule épreuve, ça suffirait. Art et Décoration, revue d'art ancienne est une des premières de Paris, va reproduire les photos des deux panneaux".
Even a year or so after the hangings appeared, Matisse made it known how important he considered them by insisting that examples of both should be exhibited at the major retrospective of his work in the Musée National d'Art Modern in Paris in 1949.
Other examples of Océanie, le Ciel are housed in the Musée Matisse in Nice (a gift of the artist) and the Musée National d'Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris.
Lors de sa visite suivante dans l’atelier de Matisse, boulevard Montparnasse, l'artiste montre à Ascher deux dessins en papier découpé, qu’il appelle Océanie, le Ciel et Océanie, la Mer. Plusieurs années plus tard, Matisse décrit son enthousiasme pour le projet à Brassaï : « Les souvenirs de mon voyage à Tahiti ne me sont revenus que maintenant, quinze ans après, sous forme d’images obsédantes : madrépores, coraux, poissons, oiseaux, méduses, éponges… Il est curieux, n’est-ce pas, que tous ces enchantements du ciel et de la mer ne m’aient guère incité tout de suite… Tous ces éléments, je les découpe et les fixe aux murs, provisoirement. Les petits traits représentent la ligne d’horizon… Je ne sais pas encore ce que ça donnera… Ça fera d’horizon… Je ne sais pas encore ce que ça donnera… Ça fera peut-être des panneaux, des tentures murales… ». (Conversations avec Picasso, Paris, 1964, pp. 305-306.)
Dans le numéro du 23 décembre 1946 de Labyrinthe, Matisse ajoute : « Ce panneau, imprimé sur lin - blanc pour les motifs et beige quant au fond - forme, avec le second, une tenture murale composée au cours de rêveries venues quinze ans après un voyage en Océanie. Là-bas, les enchantements du ciel, de la mer, des poissons et des coraux dans ses lagons tout d’abord me plongent dans l’inaction d’un ravissement complet. Les tons locaux des choses n’étaient pas changés, mais leur résultante, dans la lumière du Pacifique, me procurait une sensation semblable à celle que j’ai éprouvée en regardant à l’intérieur d’une grande coupe d’or. Par les yeux grands ouverts, j’absorbais tout, comme une éponge absorbe le liquide. Ce n’est qu’aujourd’hui que ces merveilles me sont revenues avec tendresse et précision et m’ont permis, avec une certaine délectation, d’exécuter les deux panneaux en question. »
Matisse considère ces deux séries de tentures murales comme extrêmement importantes pour son développement artistique de l’époque, notamment parce qu’elles précèdent ses découpes monumentales des années 1950 et ses sérigraphies pour des publications telles que Jazz.
Les galeries parisiennes et suisses les plus prestigieuses approchent Matisse dès qu’elles ont vent du projet. Dans une lettre adressée à Ascher, le 24 octobre 1946, Matisse note : « Cette tenture que vous allez imprimer est appelée à un certain retentissement si elle est bien exécutée - car la galerie Thannhauser-Rosengart successeur de Lausanne la désire ; il doit souscrire chez vous. Il veut l’exposer à Lausanne entourée de mes dessins. La Galerie Maeght, la plus belle de Paris, galerie nouvelle, veut l’exposer en janvier. Mais il ne faut pas précipiter la fabrication pour cette date. Quand l’œuvre sera terminée, il sera très fier de l’exposer. En tout cas, si en janvier vous avez une seule épreuve, ça suffirait. Art et Décoration, revue d’art ancienne et une des premières de Paris, va reproduire les photos des deux panneaux ».
Même un an environ après la parution des tentures, Matisse fait savoir l’importance qu’elles ont à ses yeux en insistant pour que des exemples des deux soient exposés lors de la grande rétrospective de son œuvre au Musée National d’Art Moderne à Paris en 1949.
D’autres exemplaires d’Océanie, le Ciel sont conservés au Musée Matisse de Nice (don de l’artiste) et au Musée National d’Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris.
In 1946 Matisse met Zika Ascher, the English textile designer, to discuss the possibility of producing a wall hanging on the grand scale. Matisse had long been searching for a medium in which to record his impressions of his trip to the Pacific Islands in 1930 and suddenly in Ascher's project, he found the perfect inspiration.
When Ascher next visited Matisse's studio in the boulevard Montparnasse he was shown two paper cut out designs which he called Océanie, le Ciel and Océanie, la Mer. Several years later Matisse described his enthusiasm for the project to Brassaï; "Les souvenirs de mon voyage à Tahiti ne me sont revenus que maintenant, quinze ans après, sous forme d'images obsédantes: madrépores, coraux, poissons, oiseaux, méduses, éponges ... Il est curieux, n'est-ce pas, que tous ces enchantements du ciel et de la mer ne m'aient guère incité tout de suite ... Tous ces éléments, je les découpe et les fixe aux murs, provisoirement. Les petits traits représentent la ligne d'horizon ... Je ne sais pas encore ce que ça donnera ... Ça fera d'horizon ... Je ne sais pas encore ce que ça donnera ... Ça fera peut-être des panneaux, des tentures murales ...". (Conversations avec Picasso, Paris, 1964, pp. 305-306.)
In the 23rd December 1946 issue of Labyrinth Matisse added; "Ce panneau, imprimé sur lin - blanc pour les motifs et beige quant au fond - forme, avec le second, une tenture murale composée au cours de rêveries venues quinze ans après un voyage en Océanie. Là-bas, les enchantements du ciel, de la mer, des poissons et des coraux dans ses lagons tout d'abord me plongent dans l'inaction d'un ravissement complet. Les tons locaux des choses n'étaient pas changés, mais leur résultante, dans la lumière du Pacifique, me procurait une sensation semblable à celle que j'ai éprouvée en regardant à l'intérieur d'une grande coupe d'or. Par les yeux grands ouverts, j'absorbais tout, comme une éponge absorbe le liquide. Ce n'est qu'aujourd'hui que ces merveilles me sont revenues avec tendresse et précision et m'ont permis, avec une certaine délectation, d'exécuter les deux panneaux en question".
Matisse considered these two series of wall hangings to be extremely important in his artistic development in later life, not least because they preceded his monumental cut-outs of the 1950s and screenprints for publications such as Jazz.
The most prestigious Parisian and Swiss galleries approached Matisse as soon as they got wind of the project. Writing to Ascher on 24 October 1946 Matisse notes, "Cette tenture que vous allez imprimer est appelée à un certain retentissement si elle est bien exécutée - car la galerie Thannhauser-Rosengart successeur de Lausanne la désire; il doit souscrire chez vous. Il veut l'exposer à Lausanne entourée de mes dessins. La Galerie Maeght, la plus belle de Paris, galerie nouvelle, veut l'exposer en janvier. Mais il ne faut pas précipiter la fabrication pour cette date. Quand l'oeuvre sera terminée, il sera très fier de l'exposer. En tout cas, si en janvier vous avez une seule épreuve, ça suffirait. Art et Décoration, revue d'art ancienne est une des premières de Paris, va reproduire les photos des deux panneaux".
Even a year or so after the hangings appeared, Matisse made it known how important he considered them by insisting that examples of both should be exhibited at the major retrospective of his work in the Musée National d'Art Modern in Paris in 1949.
Other examples of Océanie, le Ciel are housed in the Musée Matisse in Nice (a gift of the artist) and the Musée National d'Art Moderne, Centre Georges Pompidou, Paris.