MASQUE NDOMA BAULÉ
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MASQUE NDOMA BAULÉ

CÔTE D'IVOIRE

Details
MASQUE NDOMA BAULÉ
CÔTE D'IVOIRE
Hauteur : 34 cm. (13 3⁄8 in.)
Provenance
Collection Roger Bédiat (1897-1958), Abidjan (très probablement)
Transmis par descendance
Georges Stoecklin (1937-1997), Juan-les-Pins
Collection Lucien van de Velde et Mariette Henau, Anvers, acquis ca. 1968
Collection Mariette Henau (1934-2012), Anvers, acquis en 1985
Collection Johan Henau, Anvers
Literature
Smets, A., Masques du monde. Het Masker in de Wereld, Bruxelles, 1974, n° 13
Vogel, S., Baule. African Art, Western Eyes, New Haven, 1997, p. 163
Exhibited
Bruxelles, Crédit Communal de Belgique, Masques du monde. Het Masker in de Wereld, 28 juin - 31 juillet 1974
New Haven, Yale University Art Gallery, Baule. African Art, Western Eyes, 30 août 1997 - 4 janvier 1998
Chicago, Art Institute of Chicago, Baule. African Art, Western Eyes, 14 février - 10 mai 1998
New York, Museum for African Art, Baule. African Art, Western Eyes, 11 septembre 1998 - 3 janvier 1999
Washington, Smithsonian Institution, National Museum of African Art, Baule. African Art, Western Eyes, 7 février - 9 mai 1999
Further details
BAULE NDOMA MASK, IVORY COAST

Brought to you by

Alexis Maggiar
Alexis Maggiar International Head, African & Oceanic Art, Vice Chairman of Christie's France

Lot Essay

Les artistes baoulé ont peut-être atteint l’acmé de leur art en sculptant les masques ndoma dont l’exquis raffinement leur permet de figurer parmi les plus beaux portraits que l’art africain ait pu produire.

Ndoma, que l’on pourrait traduire par « double », est une des manifestations du dualisme qui caractérise ce large groupe occupant le centre de l’arrière-pays ivoirien où rien n’est clairement établi, tout est bivalence et incertitude dans un monde partagé entre l’ordre et la protection offerts par le village et la menace de la brousse qui l’encercle, règne d’espèces dangereuses et d’esprits souvent mal intentionnés. La beauté n’ayant pas de genre, on pourrait s’interroger sur celui du portrait décrit dans ces lignes. La présence d’un ornement crénelé bordant joues et menton, bien qu’elle évoque intuitivement un collier de barbe, ne doit pas nous abuser : quoique le danseur qui portait ce type de masque lors des fêtes joyeuses du mblo, de commémorations ou de deuils fût un homme, on est toutefois enclin à y voir l’image d’une femme comme nous y incitent les témoignages, relevés à diverses époques, selon lesquels c’est majoritairement à la dame de ses pensées que cet hommage était destiné. Dans la localité akoué de Kami, « village des masques » comme le désignait un observateur du début du XXe siècle, Susan Vogel, dans les années 1970, avait pu photographier un masque et son modèle, une villageoise âgée qui lui révéla l’époque et les conditions dans lesquelles un artiste avait immortalisé ses traits. Sculpté en 1913 par Owie Kimoh, cet objet était pourtant également paré du même genre d’ornement en forme de barbe, suivant ainsi une tradition stylistique dont le plus ancien représentant connu enrichit longtemps la collection de Marceau Rivière. La même parure enjolive indifféremment les deux visages du célèbre et rarissime masque de l’ancienne collection Vérité dont il est d’ailleurs impossible de distinguer l’élément féminin de son jumeau masculin.

« La statuaire [africaine] part des yeux » confiait la peintre Lucie Cousturier à Félix Fénéon : les paupières lourdes de notre masque sont baissées, le regard semblant fixer le sol, comme si cette marque de pudeur voulait atténuer la sensualité qui se dégage du reste de ce ravissant visage. Son centre, délimité aux tempes et sur le front par des couples de chéloïdes de forme ovale, s’inscrit dans un cœur aux contours parfaits d’où se détachent la ligne très pure du nez aux ailes pleines et la bouche aux lèvres charnues. Le front ample est délimité par une coiffure trilobée traditionnelle dans toute la région ; son délicat et élégant tressage s’accroche comme du lierre à la parure sommitale composée de cornes d’antilope - sans doute bubale roux, désormais endémique en Côte d’Ivoire. Leur présence souligne l’indissociable intimité entre genre humain et animal. Ces êtres sauvages ou domestiques dont on partage le quotidien ne sont jamais oubliés dans les représentations sculpturales du monde akan et de ses voisins, particulièrement chez les Gouro. Une patine noire soyeuse, plus marquée sur les arêtes vives du visage, a imprégné le bois très dur et dense, mémoire des onctions répétées et attentionnées dont il a bénéficié lors de toute sa période d’activité.

Avant d’être précieusement conservée par son propriétaire pendant plus de 50 ans, l’œuvre décrite dans ces lignes fut très probablement acquise par Roger Bédiat, amateur au discernement incontesté, qui, entre les deux guerres, depuis sa plantation de café et de noix de cola située dans les environs du village atié d’Anyama, entrainait sa famille à la recherche de sculptures, avec une prédilection pour les proches terres baoulé. On peut ainsi émettre l’hypothèse qu’il acquit son masque à proximité, dans le sud du pays, berceau des masques-portraits, tels le merveilleux exemplaire rapporté de Lomo à la fin du XIXe siècle par Maurice Delafosse et désormais exposé au musée du quai Branly - Jacques Chirac ou celui du village de Kami.

Rarissimes étant les lieux d’acquisition avérés, il serait toutefois téméraire de supputer d’avantage l’origine géographique de ce masque, mais, du moins, peut-on l’intégrer avec certitude à un corpus très restreint dont fait partie le masque double de l’ancienne collection Vérité, titulaire du record d’enchères en vente publique pour ce type d’objet. Cet ensemble stylistique se caractérise par des visages emplis d’humanité, qui, au-delà d’une morphologie identique, affichent, avec la même sensibilité, une gamme d’expressions qu’on imagine fidèles à la personnalité de leur modèle. Se joint à ce club très fermé un couple de masques-portrait réunis à l’occasion de l’exposition Baule. African Art, Western Eyes en 1998 aux côtés de notre masque, puis, à nouveau, dans Les maîtres de la sculpture dete dIvoire en 2015 au musée du quai Branly - Jacques Chirac. Nés de la même main et dotés de coiffes spectaculaires, l’un avait appartenu au célèbre collectionneur Gaston de Havenon, l’autre à Frederick Pleasants, conservateur de musée pour l’art d’Afrique aux États-Unis et un des experts détachés en Europe à l’issue de la seconde guerre mondiale pour rejoindre les Monuments Men.

par Bertrand Goy

Baule artists may have reached the peak of their art by sculpting ndoma masks, whose exquisite refinement places them among the most beautiful portraits of African art ever produced.

Ndoma, which could be translated as "double", is one of the manifestations of the dualism that characterizes this large group, occupying the centre of the Ivorian hinterland, where nothing is clearly established. Everything is bivalence and uncertainty in a world divided between the order and protection offered by the village and the threat of the encircling bush, the reign of dangerous species and spirits that are often malicious. Since beauty has no gender, one might wonder about the gender of the portrait described in these lines. The presence of a crenelated ornament bordering the cheeks and chin, although it intuitively evokes a beard, should not mislead us: although the dancer who wore this type of mask during joyful mblo celebrations, commemorations or mourning, was a man, we are nonetheless inclined to see in it the image of a woman, as testimonies from various periods encourage us to do, according to which it was mainly to the lady of his thoughts that this homage was intended. In the Akue locality of Kami, the “village of masks” as an observer from the beginning of the 20th century called it, Susan Vogel, in the 1970s, was able to photograph a mask and its model, an elderly village woman who revealed to her the time and conditions in which an artist had immortalized her features. Sculpted in 1913 by Owie Kimoh, this object was also adorned with the same kind of beard-shaped ornament, thus following a stylistic tradition whose oldest known representative enriched Marceau Rivière's collection for a long time. The same adornment enhances both faces of the famous and extremely rare mask from the old Vérité collection, whose female element is indistinguishable from its male twin.

“[African] statuary starts with the eyes,” confided the painter Lucie Cousturier to Félix Fénéon: the heavy eyelids of our mask are lowered, the gaze seems to be fixed on the ground, as if this mark of modesty wanted to attenuate the sensuality that emanates from the rest of this ravishing face. The centre of the face, delimited at the temples and on the forehead by paired up oval keloids, is set in a heart with perfect contours, from which the very pure line of the nose with its full wings and the mouth with its fleshy lips stand out. The broad forehead is trimmed by a tri-lobed hairstyle traditional throughout the region; its delicate and elegant braiding clings like ivy to the top ornament composed of antelope horns - probably the red hartebeest species, now endemic to the Ivory Coast. Their presence underlines the inseparable intimacy between man and animal. These wild or domesticated beings whose daily lives we share are never forgotten in the sculptural representations of the Akan world and its neighbors, particularly among the Gouro. A silky black patina, more pronounced on the sharp edges of the face, has impregnated the very hard and dense wood, a memory of the repeated and attentive anointing from which it benefited throughout its period of activity.

Before being carefully preserved by its owner for more than 50 years, the work described in these lines was most probably acquired by Roger Bédiat, an amateur of undisputed discernment, who, between the two wars, from his coffee and kola nut plantation located in the vicinity of the Atié village of Anyama, led his family in search of sculptures, with a predilection for the nearby Baule territory. We can therefore hypothesize that he acquired his mask in the southern part of the country - cradle of portrait masks such as the marvelous example brought back from Lomo at the end of the 19th century by Maurice Delafosse and now exhibited at the Musée du quai Branly - Jacques Chirac, or that of the village of Kami.

Rarely are the places of acquisition proven , so it would be rash to speculate further on the geographical origin of this mask, but it can at least be included with certainty in a very limited corpus, including the double mask from the former Vérité collection, which holds the auction record for this type of object. This stylistic ensemble is characterized by faces full of humanity, which, beyond an identical morphology, display, with the same sensitivity, a range of expressions that one imagines to be faithful to the personality of their model. This limited corpus includes a couple of portrait masks gathered for the exhibition Baule. African Art, Western Eyes, in 1998, alongside our mask, and again in Les maîtres de la sculpture de Côte d'Ivoire in 2015 at the Musée du quai Branly - Jacques Chirac. Created by the same hand and endowed with spectacular headdresses, one belonged to the famous collector Gaston de Havenon, the other to Frederick Pleasants, a museum curator of African art in the United States and one of the experts sent on the mission to Europe at the end of the Second World War to join the famous contingent of Monuments Men.

by Bertrand Goy

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