拍品專文
LIGNE DE DESCENDANCE
par Philippe Peltier
Est-il besoin de présenter William Ockelford Oldman, l’heureux propriétaire entre les deux guerres de cette étonnante sculpture māori ? Marchand londonien, actif surtout entre 1894 et 1926, Oldman sélectionna parmi les objets qui passèrent entre ses mains - et Dieu sait s’ils furent nombreux ! - ce qu’il considéra comme les meilleurs afin de constituer sa collection personnelle. Bien que spécialisé dans les armes et les armures, il rassembla plus particulièrement un ensemble d’objets polynésiens resté depuis inégalé, ensemble si précieux qu’il le garda longtemps caché aux yeux des amateurs friands de pièces rares. Qui n’a pas en mémoire cette photographie où l’on voit Oldman, le coude appuyé sur une cheminée dont le manteau présente une étourdissante vitrine de pectorals fidjiens et, à sa droite, une tout aussi étonnante cape de plumes d’Hawaii déployée au milieu d’autres objets ?
En 1948, un an avant sa mort, il vendit la plus grande partie de sa collection polynésienne au gouvernement de Nouvelle-Zélande, gardant cependant par devers lui quelques pièces auxquelles il était plus particulièrement attaché. Cette sculpture māori en faisait partie. On la voit d’ailleurs accrochée au-dessus de son bureau sur une autre photographie prise probablement en 1928 juste après son installation dans une maison de Clapham Park à Londres.
La pièce présente à sa base un tenon permettant sa fixation dans une structure plus complexe. Elle figure une tête surmontée par deux personnages qui laisse à penser qu’elle a pu trouver sa place au fronton de la façade d’une maison de chef. Ces maisons, dont le raffinement des sculptures de façade marquait le statut de son occupant, ont petit à petit disparu. A partir des années 1830, elles furent progressivement remplacées par des maisons communes qui, au fil des années, devinrent de plus en plus grandes et complexes. Seules quelques rares sculptures, témoins de l’existence de maisons des chefs ou des greniers à nourriture, sont connues. Elles sont le plus souvent conservées dans les collections publiques.
Les deux personnages et la tête sur laquelle ils s’appuient évoquent les ancêtres du clan auquel la maison appartient. Aucun de ces personnages n’a, comme on le voit le plus souvent sur ce type d’objet, de motifs gravés sur le corps si l’on excepte toutefois celui qui souligne les yeux de la figure sommitale. Seul le jeu des mains posées sur le ventre des personnages anime les corps aux formes tendues. Alors que parfois dans la sculpture māori les motifs viennent effacer les volumes ici, ils prennent toute leur ampleur. L’étonnante force de la sculpture naît de la répartition du rythme et du contrebalancement impeccable des masses. De face ou de profil, le jeu des courbes et des contre-courbes des personnages s’enchaîne dans un alignement et une tension sans faute. La réduction à l’essentiel des volumes révèle la maîtrise et la virtuosité de l’artiste à réduire les formes à la quintessence de l’art māori.
LINE OF DESCENDANTS
by Philippe Peltier
Is there any need to introduce William Ockelford Oldman, who was the lucky owner of this amazing Māori sculpture between the wars? A trader from London, who was mainly active between 1894 and 1926, Oldman selected the objects that he considered to be the best out of the many that passed through his hands. While he specialised in weapons and armour, more specifically he collected a series of Polynesian objects that has never been matched since, and was so precious to him that for a long time he kept it hidden from enthusiasts with a fondness for rare pieces. Who does not have a memory of that photograph featuring Oldman, with his elbow resting on a mantelpiece holding a staggering display of Fijian breastplates, and, to his right, an equally amazing feather cloak from Hawaii, laid out amongst other objects?
In 1948, one year before his death, he sold the majority of his Polynesian collection to the government of New Zealand, keeping for himself a few pieces to which he was particularly attached. This Māori sculpture was one of them. It can be seen hanging above his desk in another photograph that was probably taken in 1928 just after he moved to a house in Clapham Park in London.
The piece has a tenon on its base so it can be fixed into a more complex structure. It features a head with two figures on top of it, which indicates that it could have been positioned on the pediment of the facade of a chief's house. These houses, which showed the status of their occupant through the level of sophistication of the sculptures on their facades, have disappeared little by little. From the 1830s onwards, they were gradually replaced by common houses, which over the years became increasingly large and complex. Only a few rare sculptures, which are evidence of the existence of chief's houses or food barns, are known to exist. They are usually preserved in public collections.
The two figures and the head on which they rest evoke the ancestors of the tribe to which the house belonged. None of the figures have motifs engraved on their bodies, as is most often seen on this type of object, with the exception of the motif underlining the eyes of the uppermost figure. Only the positioning of the hands on the stomachs of the figures brings life to the taut forms of the bodies. While sometimes in Māori sculpture the motifs can conceal the dimensions, here their size is evident. The amazing power of the sculpture stems from the distribution of rhythm and the impeccable counterbalancing of weight. Both face on and in profile, the positioning of the curves and reverse curves of the figures link together in a faultless alignment and tension. The way that the dimensions are reduced down to their essence reveals the mastery and virtuosity of the artist in reducing the shapes down to the very essence of Māori art.
par Philippe Peltier
Est-il besoin de présenter William Ockelford Oldman, l’heureux propriétaire entre les deux guerres de cette étonnante sculpture māori ? Marchand londonien, actif surtout entre 1894 et 1926, Oldman sélectionna parmi les objets qui passèrent entre ses mains - et Dieu sait s’ils furent nombreux ! - ce qu’il considéra comme les meilleurs afin de constituer sa collection personnelle. Bien que spécialisé dans les armes et les armures, il rassembla plus particulièrement un ensemble d’objets polynésiens resté depuis inégalé, ensemble si précieux qu’il le garda longtemps caché aux yeux des amateurs friands de pièces rares. Qui n’a pas en mémoire cette photographie où l’on voit Oldman, le coude appuyé sur une cheminée dont le manteau présente une étourdissante vitrine de pectorals fidjiens et, à sa droite, une tout aussi étonnante cape de plumes d’Hawaii déployée au milieu d’autres objets ?
En 1948, un an avant sa mort, il vendit la plus grande partie de sa collection polynésienne au gouvernement de Nouvelle-Zélande, gardant cependant par devers lui quelques pièces auxquelles il était plus particulièrement attaché. Cette sculpture māori en faisait partie. On la voit d’ailleurs accrochée au-dessus de son bureau sur une autre photographie prise probablement en 1928 juste après son installation dans une maison de Clapham Park à Londres.
La pièce présente à sa base un tenon permettant sa fixation dans une structure plus complexe. Elle figure une tête surmontée par deux personnages qui laisse à penser qu’elle a pu trouver sa place au fronton de la façade d’une maison de chef. Ces maisons, dont le raffinement des sculptures de façade marquait le statut de son occupant, ont petit à petit disparu. A partir des années 1830, elles furent progressivement remplacées par des maisons communes qui, au fil des années, devinrent de plus en plus grandes et complexes. Seules quelques rares sculptures, témoins de l’existence de maisons des chefs ou des greniers à nourriture, sont connues. Elles sont le plus souvent conservées dans les collections publiques.
Les deux personnages et la tête sur laquelle ils s’appuient évoquent les ancêtres du clan auquel la maison appartient. Aucun de ces personnages n’a, comme on le voit le plus souvent sur ce type d’objet, de motifs gravés sur le corps si l’on excepte toutefois celui qui souligne les yeux de la figure sommitale. Seul le jeu des mains posées sur le ventre des personnages anime les corps aux formes tendues. Alors que parfois dans la sculpture māori les motifs viennent effacer les volumes ici, ils prennent toute leur ampleur. L’étonnante force de la sculpture naît de la répartition du rythme et du contrebalancement impeccable des masses. De face ou de profil, le jeu des courbes et des contre-courbes des personnages s’enchaîne dans un alignement et une tension sans faute. La réduction à l’essentiel des volumes révèle la maîtrise et la virtuosité de l’artiste à réduire les formes à la quintessence de l’art māori.
LINE OF DESCENDANTS
by Philippe Peltier
Is there any need to introduce William Ockelford Oldman, who was the lucky owner of this amazing Māori sculpture between the wars? A trader from London, who was mainly active between 1894 and 1926, Oldman selected the objects that he considered to be the best out of the many that passed through his hands. While he specialised in weapons and armour, more specifically he collected a series of Polynesian objects that has never been matched since, and was so precious to him that for a long time he kept it hidden from enthusiasts with a fondness for rare pieces. Who does not have a memory of that photograph featuring Oldman, with his elbow resting on a mantelpiece holding a staggering display of Fijian breastplates, and, to his right, an equally amazing feather cloak from Hawaii, laid out amongst other objects?
In 1948, one year before his death, he sold the majority of his Polynesian collection to the government of New Zealand, keeping for himself a few pieces to which he was particularly attached. This Māori sculpture was one of them. It can be seen hanging above his desk in another photograph that was probably taken in 1928 just after he moved to a house in Clapham Park in London.
The piece has a tenon on its base so it can be fixed into a more complex structure. It features a head with two figures on top of it, which indicates that it could have been positioned on the pediment of the facade of a chief's house. These houses, which showed the status of their occupant through the level of sophistication of the sculptures on their facades, have disappeared little by little. From the 1830s onwards, they were gradually replaced by common houses, which over the years became increasingly large and complex. Only a few rare sculptures, which are evidence of the existence of chief's houses or food barns, are known to exist. They are usually preserved in public collections.
The two figures and the head on which they rest evoke the ancestors of the tribe to which the house belonged. None of the figures have motifs engraved on their bodies, as is most often seen on this type of object, with the exception of the motif underlining the eyes of the uppermost figure. Only the positioning of the hands on the stomachs of the figures brings life to the taut forms of the bodies. While sometimes in Māori sculpture the motifs can conceal the dimensions, here their size is evident. The amazing power of the sculpture stems from the distribution of rhythm and the impeccable counterbalancing of weight. Both face on and in profile, the positioning of the curves and reverse curves of the figures link together in a faultless alignment and tension. The way that the dimensions are reduced down to their essence reveals the mastery and virtuosity of the artist in reducing the shapes down to the very essence of Māori art.