Lot Essay
DISSIMULER POUR MIEUX SE RÉVÉLER
Un corps craquelé par des années d’usure et de pratiques rituelles, un bois noirci presque charbonneux et une grimace étrangement envoûtante ; difficile de pas être fasciné par cette statue bamiléké qui vous fixe de ses yeux ronds et saillants. D’après sa typologie, nous pouvons supposer qu’il s’agit d’une statuette mupo ou lekak propre aux Bamiléké, peuple vivant dans le sud du Grassland au Cameroun. Liés à la société secrète du kun’ngang, ces objets étaient utilisés afin de protéger les habitants ou la localité ; les membres du culte les portaient dans les bras ou sur une main tout en défilant lors de cérémonies. Une fois chargées de substances magiques, ces statues devenaient des supports pour le ké. Ce concept, bien que difficile à définir, peut être résumé comme une puissance transcendante qui relève à la fois de la magie, de la religion mais aussi de l’art et de la technique de la manier. « Le ké se laisse surtout définir par ses manifestations ou expressions à travers les objets culturels qui lui servent de support, et les symboles qui le matérialisent en partie, enfin les rites qui lui servent de cadres (Notué, J.-P., Batcham : sculptures du Cameroun. Nouvelles perspectives anthropologiques, Marseille, 1993, p. 64). Lorsqu’elles sont privées de leur contexte, il est complexe de définir avec précision l’usage de chaque statue, toutefois il est certain que celle-ci était destinée à des fins magiques ou rituelles, à protéger ou attirer les faveurs du sort. L’épaisse patine noire qui la recouvre en est le meilleur témoin. Habitué à recevoir divers substances dites charges magiques, une couche sombre s’est formée sur le bois, enveloppant la sculpture et lui conférant une aura intemporelle, comme pétrifiée.
C’est cette patine hors du commun qui rend cette statuette particulièrement exceptionnelle et fait d’elle un chef-d’œuvre de cette vente. Les deux mains posées sur le menton, symbole de méditation et de sagesse, elle ouvre la bouche, laissant deviner des dents échancrées émoussées par le temps. Les volumes de cette mystérieuse figure sont courbés et exagérés ; son ventre proéminent, métaphore de la fertilité, fait écho aux joues gonflées et donne un certain équilibre à l’ensemble. Cette exagération des formes est propre à l’esthétique du peuple Bamiléké. Si l’art du Cameroun laisse rarement insensible, de façon générale les pièces bamilékés sont très prisées et constituent de véritables trésors de l’art africain. Cet exemplaire ne fait pas exception et demeure le plus beau encore en mains privées. Pour un exemple analogue, dont la patine n’égale pas l’œuvre présentée ici, voir celui de l’ancienne collection Clyman publié dans Geary, C., Art in Cameroon : Sculptural Dialogues, Purchase, 2011, p. 33, n° 29.
CONCEAL TO BETTER REVEAL ONESELF
A body crackled by years of wear and tear along with ritual practices, a blackened, almost charcoal-like wood and a strangely bewitching grimace; it is difficult not to be fascinated by this Bamileke statue that stares at you with its round, protruding eyes. From its typology we can assume that it is a mupo or lekak statuette specific to the Bamileke, a people living in the southern Grasslands of Cameroon. Linked to the secret society of the kun'ngang, these objects were used to protect the inhabitants or the locality; the members of the cult carried them in their arms or on one hand while parading during ceremonies. Once loaded with magical substances, these statues became supports for the ké. Although difficult to define this concept can be summarised as a transcendent power that is part magic, part religion while on the other hand it sets forth the art and technique of handling it. “The ké can be defined above all by its manifestations or expressions through the cultural objects that serve as its support, the symbols that partly materialise it, as well as the rites that serve as its frameworks (Notué, J.-P., Batcham : Sculptures du Cameroun. Nouvelles perspectives anthropologiques, Marseille, 1993, p. 64). When they are deprived of their context, it is complex to define the precise use of each statue, but it is certain that it was intended for magical or ritual purposes, to protect or attract the favours of fate. The thick black patina that covers it is the best evidence of this. Accustomed to receiving various substances known as magical charges, a dark layer has formed on the wood, enveloping the sculpture and giving it a timeless aura, as if petrified.
This unusual patina renders this statuette particularly exceptional and makes it a masterpiece of this sale. With both hands resting on her chin, a symbol of meditation and wisdom, she opens her mouth, revealing the indented teeth that have been dulled by time. The volumes of this mysterious figure are curved and exaggerated; her prominent belly, a metaphor for fertility, echoes the swollen cheeks and gives a certain balance to the whole. This exaggeration of shapes is characteristic of the aesthetics of the Bamileke people and makes it recognisable. If the art of Cameroon rarely leaves one unmoved, in general Bamileke pieces are highly prized and constitute true treasures of African art. This example is no exception and remains the most beautiful piece still in private hands. For a similar example, whose patina does not match the work presented here, see the one from the former Clyman collection published in Geary, C., Art in Cameroon: Sculptural Dialogues, Purchase, 2011, p. 33, no. 29.
Un corps craquelé par des années d’usure et de pratiques rituelles, un bois noirci presque charbonneux et une grimace étrangement envoûtante ; difficile de pas être fasciné par cette statue bamiléké qui vous fixe de ses yeux ronds et saillants. D’après sa typologie, nous pouvons supposer qu’il s’agit d’une statuette mupo ou lekak propre aux Bamiléké, peuple vivant dans le sud du Grassland au Cameroun. Liés à la société secrète du kun’ngang, ces objets étaient utilisés afin de protéger les habitants ou la localité ; les membres du culte les portaient dans les bras ou sur une main tout en défilant lors de cérémonies. Une fois chargées de substances magiques, ces statues devenaient des supports pour le ké. Ce concept, bien que difficile à définir, peut être résumé comme une puissance transcendante qui relève à la fois de la magie, de la religion mais aussi de l’art et de la technique de la manier. « Le ké se laisse surtout définir par ses manifestations ou expressions à travers les objets culturels qui lui servent de support, et les symboles qui le matérialisent en partie, enfin les rites qui lui servent de cadres (Notué, J.-P., Batcham : sculptures du Cameroun. Nouvelles perspectives anthropologiques, Marseille, 1993, p. 64). Lorsqu’elles sont privées de leur contexte, il est complexe de définir avec précision l’usage de chaque statue, toutefois il est certain que celle-ci était destinée à des fins magiques ou rituelles, à protéger ou attirer les faveurs du sort. L’épaisse patine noire qui la recouvre en est le meilleur témoin. Habitué à recevoir divers substances dites charges magiques, une couche sombre s’est formée sur le bois, enveloppant la sculpture et lui conférant une aura intemporelle, comme pétrifiée.
C’est cette patine hors du commun qui rend cette statuette particulièrement exceptionnelle et fait d’elle un chef-d’œuvre de cette vente. Les deux mains posées sur le menton, symbole de méditation et de sagesse, elle ouvre la bouche, laissant deviner des dents échancrées émoussées par le temps. Les volumes de cette mystérieuse figure sont courbés et exagérés ; son ventre proéminent, métaphore de la fertilité, fait écho aux joues gonflées et donne un certain équilibre à l’ensemble. Cette exagération des formes est propre à l’esthétique du peuple Bamiléké. Si l’art du Cameroun laisse rarement insensible, de façon générale les pièces bamilékés sont très prisées et constituent de véritables trésors de l’art africain. Cet exemplaire ne fait pas exception et demeure le plus beau encore en mains privées. Pour un exemple analogue, dont la patine n’égale pas l’œuvre présentée ici, voir celui de l’ancienne collection Clyman publié dans Geary, C., Art in Cameroon : Sculptural Dialogues, Purchase, 2011, p. 33, n° 29.
CONCEAL TO BETTER REVEAL ONESELF
A body crackled by years of wear and tear along with ritual practices, a blackened, almost charcoal-like wood and a strangely bewitching grimace; it is difficult not to be fascinated by this Bamileke statue that stares at you with its round, protruding eyes. From its typology we can assume that it is a mupo or lekak statuette specific to the Bamileke, a people living in the southern Grasslands of Cameroon. Linked to the secret society of the kun'ngang, these objects were used to protect the inhabitants or the locality; the members of the cult carried them in their arms or on one hand while parading during ceremonies. Once loaded with magical substances, these statues became supports for the ké. Although difficult to define this concept can be summarised as a transcendent power that is part magic, part religion while on the other hand it sets forth the art and technique of handling it. “The ké can be defined above all by its manifestations or expressions through the cultural objects that serve as its support, the symbols that partly materialise it, as well as the rites that serve as its frameworks (Notué, J.-P., Batcham : Sculptures du Cameroun. Nouvelles perspectives anthropologiques, Marseille, 1993, p. 64). When they are deprived of their context, it is complex to define the precise use of each statue, but it is certain that it was intended for magical or ritual purposes, to protect or attract the favours of fate. The thick black patina that covers it is the best evidence of this. Accustomed to receiving various substances known as magical charges, a dark layer has formed on the wood, enveloping the sculpture and giving it a timeless aura, as if petrified.
This unusual patina renders this statuette particularly exceptional and makes it a masterpiece of this sale. With both hands resting on her chin, a symbol of meditation and wisdom, she opens her mouth, revealing the indented teeth that have been dulled by time. The volumes of this mysterious figure are curved and exaggerated; her prominent belly, a metaphor for fertility, echoes the swollen cheeks and gives a certain balance to the whole. This exaggeration of shapes is characteristic of the aesthetics of the Bamileke people and makes it recognisable. If the art of Cameroon rarely leaves one unmoved, in general Bamileke pieces are highly prized and constitute true treasures of African art. This example is no exception and remains the most beautiful piece still in private hands. For a similar example, whose patina does not match the work presented here, see the one from the former Clyman collection published in Geary, C., Art in Cameroon: Sculptural Dialogues, Purchase, 2011, p. 33, no. 29.