Lot Essay
HARDIVILLIERS : « L’UN DES MEILLEURS EXECUTANTS DE TABATIERE D’OR »
Noël Hardivilliers complète son apprentissage d’abord chez Jean Chéret, fils du maître-orfèvre Antoine-Francois Chéret, de juin 1720 à août 1725 puis chez François-Siméon Barré. Il accède à la maîtrise en 1729 lorsqu’il est cautionné par son beau-père Jean-Baptiste Charbonné dont il a épousé la fille Marie-Anne en juillet 1720. Il est cité comme demeurant sur le Pont au Change jusqu’en 1771 lorsqu’il se retire à Auteuil.
Il occupe initialement jusqu’en 1754 le numéro 49 sous l’enseigne « le Cocq » qui lui donnera sans doute l’idée du différend de son poinçon ; il s’installe ensuite au numéro 16 sous l’enseigne au « Marteau d’or ». Il sera à deux reprises garde de la corporation qui confirme son importance au sein de la communauté des orfèvres.
Hardivilliers est un artisan prolifique qui contracte 183256 gr. d’or entre 1750, lorsque commencent les Registres de la Marque, et 1771 . Même si la production de ses 22 premières années est mal connue, le corpus des boîtes ayant survécu et étant connu indique que les tabatières qu’il fabrique au cours de la première moitié de sa carrière combinent l’usage de matières variées tels que les pierres dures, ivoire, burgau, coquilles et nacre montées « à cage » en or.
EMAILLEE PAR AUBERT ?
L’Encyclopédie définit la boîte « pleine » comme une « boëte dont le corps est massif d’or et enrichie de divers manières, selon le goût du public et de l’ouvrier » [Diderot, Alembert « Tabatière » tome 15, p. 792-794]. Leur fabrication nécessite donc l‘intervention d’un émailleur, corporation mal connue. Les émailleurs actifs à Paris au XVIIIe que l’on a pu identifier, se classent en trois catégories: ceux qui étaient d'abord orfèvres tels que Louis-François Aubert ou Herbert-Louis Cheval de Saint Hubert, ceux qui travaillaient comme peintres sur porcelaine à Sèvres et pour compléter leur salaire et leur activité travaillaient aussi pour les orfèvres, le plus connu étant Joseph Coteau et Philippe Parpette et enfin ceux qui signent leur travail comme Le Sueur.
Le travail d’émaillage de cette tabatière présente les caractéristiques du travail d’Aubert, comme mentionné dans les comptes des Menus-Plaisirs en 1751 pour des boîtes livrées par « Ducrollay, bijoutier, place Dauphine, Une boîte d'or, émaillée par Aubert, à fleurs de relief, fond mat à mosaïque et bordure d'or polie. 2,1 84 liv. — Une autre, à fleurs émaillées de relief. 2,184 liv. ». En 1753 le marchand-mercier, La Houguette, livre une boîte d’or, émaillée à fleurs peintes par Aubert, pour l’abbé de Lascarie. 1,272 liv. » [Maze-Sencier, p.153 et 154].
Henri Clouzot dans son Dictionnaire des Miniaturistes en Email fait aussi référence à un certain Louis-François Aubert « peintre en émail du roy » spécialisé en émaux en relief dont l’inventaire après-décès de l’atelier en 1755 révèle des boîtes de toutes tailles ( p.129 et 130). Certainement le style très particulier du décor de cette tabatière laisse penser que le travail d’émaillage est par Louis François Aubert.
UN DECOR DE FLEURS QUI APPARAIT DANS LES ANNEES 1740
La fleur occupe depuis toujours une place prépondérante dans les décors en tout genre : étoffes, porcelaine, marqueterie, orfèvrerie, … et les boîtes en or, faisant ainsi rentrer le jardin dans les maisons et satisfaisant ce besoin absolu de nature et de beauté. Chaque fleur s’est aussi vue attribuer une valeur symbolique, cachant un message au-delà de l’élément purement esthétique.
Les fleurs se prêtent et s’adaptent donc facilement aux boîtes en or et ne manquent pas de trouver une place centrale ou périphérique dans les décors ; elles restent certainement un motif favori des orfèvres.
Le décor floral est très la mode dans les années 1740 et on en connaît plusieurs versions en or qui semblent toutes inspirées du dessin conservé au Victoria & Albert Museum (E.296-1938). Christie’s a ainsi vendu deux boîtes en or très semblables : une le 29 novembre 2012 lot 564 datée 1746/47 et une le 5 décembre 2018 lot 21 par Pierre-Francois Delafons datée 1745/46. Parallèlement il existe plusieurs tabatières émaillées avec des décors similaires.
Cette tabatière est sans doute parmi les premières, sinon la première, où le décor floral est rehaussé par un émaillage, intensifiant ainsi l’effet de la boîte et attestant de la créativité d’Hardivilliers.
COMPARATIFS
L’étude comparative des boîtes fabriquées à la même période et qui présentent un décor similaire suggère que cette tabatière d’Hardivilliers est parmi les premières fabriquées.
La plus ancienne est une tabatière double illustrée dans Snowman, 1966 sous le numéro 129 datée 1737/38.
Cependant, la plus comparable en terme de décor est une tabatière illustrée dans K. Snowman sous le numéro 178 (collection Jeremy Harris) émaillée des mêmes papillons ultra colorés virevoltants dans un semis de fleurs et également datée 1740/42 sans que le maître-orfèvre n’ait été identifié.
On peut citer dans la collection Thyssen- Bornemisza [Somers et Truman p. 174-179] une tabatière datée 1747/48 (No 47) émaillée en vert translucide d’un treillage parsemé de fleurs émaillées en plein, une autre par Jean Moynat datée 1748/49 dont le couvercle est centré d’une gerbe de fleurs et d’un semis de fleurs sur les coins émaillés en plein sur un fond translucide vert (No 48) et enfin une tabatière datée 1748/49 bordé de fleurs similaires (No 49).
Le Louvre possède une tabatière datée 1747 dont l’orfèvre n’est pas non plus identifié et qui présente elle aussi une décor de fleurs OA 2117 (leg Lenoir).
Enfin, une boîte ovale de Jean Frémin datée 1756/57 dans la collection Wrightman No 13 p. 151 porte aussi le même décor.
Noël Hardivilliers complète son apprentissage d’abord chez Jean Chéret, fils du maître-orfèvre Antoine-Francois Chéret, de juin 1720 à août 1725 puis chez François-Siméon Barré. Il accède à la maîtrise en 1729 lorsqu’il est cautionné par son beau-père Jean-Baptiste Charbonné dont il a épousé la fille Marie-Anne en juillet 1720. Il est cité comme demeurant sur le Pont au Change jusqu’en 1771 lorsqu’il se retire à Auteuil.
Il occupe initialement jusqu’en 1754 le numéro 49 sous l’enseigne « le Cocq » qui lui donnera sans doute l’idée du différend de son poinçon ; il s’installe ensuite au numéro 16 sous l’enseigne au « Marteau d’or ». Il sera à deux reprises garde de la corporation qui confirme son importance au sein de la communauté des orfèvres.
Hardivilliers est un artisan prolifique qui contracte 183256 gr. d’or entre 1750, lorsque commencent les Registres de la Marque, et 1771 . Même si la production de ses 22 premières années est mal connue, le corpus des boîtes ayant survécu et étant connu indique que les tabatières qu’il fabrique au cours de la première moitié de sa carrière combinent l’usage de matières variées tels que les pierres dures, ivoire, burgau, coquilles et nacre montées « à cage » en or.
EMAILLEE PAR AUBERT ?
L’Encyclopédie définit la boîte « pleine » comme une « boëte dont le corps est massif d’or et enrichie de divers manières, selon le goût du public et de l’ouvrier » [Diderot, Alembert « Tabatière » tome 15, p. 792-794]. Leur fabrication nécessite donc l‘intervention d’un émailleur, corporation mal connue. Les émailleurs actifs à Paris au XVIIIe que l’on a pu identifier, se classent en trois catégories: ceux qui étaient d'abord orfèvres tels que Louis-François Aubert ou Herbert-Louis Cheval de Saint Hubert, ceux qui travaillaient comme peintres sur porcelaine à Sèvres et pour compléter leur salaire et leur activité travaillaient aussi pour les orfèvres, le plus connu étant Joseph Coteau et Philippe Parpette et enfin ceux qui signent leur travail comme Le Sueur.
Le travail d’émaillage de cette tabatière présente les caractéristiques du travail d’Aubert, comme mentionné dans les comptes des Menus-Plaisirs en 1751 pour des boîtes livrées par « Ducrollay, bijoutier, place Dauphine, Une boîte d'or, émaillée par Aubert, à fleurs de relief, fond mat à mosaïque et bordure d'or polie. 2,1 84 liv. — Une autre, à fleurs émaillées de relief. 2,184 liv. ». En 1753 le marchand-mercier, La Houguette, livre une boîte d’or, émaillée à fleurs peintes par Aubert, pour l’abbé de Lascarie. 1,272 liv. » [Maze-Sencier, p.153 et 154].
Henri Clouzot dans son Dictionnaire des Miniaturistes en Email fait aussi référence à un certain Louis-François Aubert « peintre en émail du roy » spécialisé en émaux en relief dont l’inventaire après-décès de l’atelier en 1755 révèle des boîtes de toutes tailles ( p.129 et 130). Certainement le style très particulier du décor de cette tabatière laisse penser que le travail d’émaillage est par Louis François Aubert.
UN DECOR DE FLEURS QUI APPARAIT DANS LES ANNEES 1740
La fleur occupe depuis toujours une place prépondérante dans les décors en tout genre : étoffes, porcelaine, marqueterie, orfèvrerie, … et les boîtes en or, faisant ainsi rentrer le jardin dans les maisons et satisfaisant ce besoin absolu de nature et de beauté. Chaque fleur s’est aussi vue attribuer une valeur symbolique, cachant un message au-delà de l’élément purement esthétique.
Les fleurs se prêtent et s’adaptent donc facilement aux boîtes en or et ne manquent pas de trouver une place centrale ou périphérique dans les décors ; elles restent certainement un motif favori des orfèvres.
Le décor floral est très la mode dans les années 1740 et on en connaît plusieurs versions en or qui semblent toutes inspirées du dessin conservé au Victoria & Albert Museum (E.296-1938). Christie’s a ainsi vendu deux boîtes en or très semblables : une le 29 novembre 2012 lot 564 datée 1746/47 et une le 5 décembre 2018 lot 21 par Pierre-Francois Delafons datée 1745/46. Parallèlement il existe plusieurs tabatières émaillées avec des décors similaires.
Cette tabatière est sans doute parmi les premières, sinon la première, où le décor floral est rehaussé par un émaillage, intensifiant ainsi l’effet de la boîte et attestant de la créativité d’Hardivilliers.
COMPARATIFS
L’étude comparative des boîtes fabriquées à la même période et qui présentent un décor similaire suggère que cette tabatière d’Hardivilliers est parmi les premières fabriquées.
La plus ancienne est une tabatière double illustrée dans Snowman, 1966 sous le numéro 129 datée 1737/38.
Cependant, la plus comparable en terme de décor est une tabatière illustrée dans K. Snowman sous le numéro 178 (collection Jeremy Harris) émaillée des mêmes papillons ultra colorés virevoltants dans un semis de fleurs et également datée 1740/42 sans que le maître-orfèvre n’ait été identifié.
On peut citer dans la collection Thyssen- Bornemisza [Somers et Truman p. 174-179] une tabatière datée 1747/48 (No 47) émaillée en vert translucide d’un treillage parsemé de fleurs émaillées en plein, une autre par Jean Moynat datée 1748/49 dont le couvercle est centré d’une gerbe de fleurs et d’un semis de fleurs sur les coins émaillés en plein sur un fond translucide vert (No 48) et enfin une tabatière datée 1748/49 bordé de fleurs similaires (No 49).
Le Louvre possède une tabatière datée 1747 dont l’orfèvre n’est pas non plus identifié et qui présente elle aussi une décor de fleurs OA 2117 (leg Lenoir).
Enfin, une boîte ovale de Jean Frémin datée 1756/57 dans la collection Wrightman No 13 p. 151 porte aussi le même décor.