Lot Essay
Œuvres perdues jusqu’à aujourd’hui, dont l’existence nous était uniquement connue grâce à leurs versions gravées, Palémon et Lavinia et les trois lots qui suivent, Amélie et Céladon, Allégorie de la Prudence et Allégories de la Miséricorde et de la Vérité sont des redécouvertes importantes dans l’œuvre peint d’Angelica Kauffmann (1741-1807). La fluidité d’exécution de ces compositions et la délicatesse de leur réalisation rappellent pourquoi les tableaux de l’artiste étaient si convoités dans les milieux aristocratiques du XVIIIe siècle. Son œuvre se situe au croisement entre le règne de la sensibilité et l’émergence du néoclassicisme.
Née en Suisse et formée en Italie, Angelica Kauffmann s'installe à Londres en 1766. Elle s’impose rapidement dans cette même ville comme l’une des artistes les plus importantes et les plus influentes de son temps. Elle y devient d’ailleurs l’un des deux seuls membres fondateurs féminins de la Royal Academy. Bien que Kauffmann connaisse un grand succès en tant que portraitiste, elle se définit avant tout comme peintre d'histoire, désignation inhabituelle pour une femme artiste au XVIIIe siècle. À cette époque, la peinture d'histoire était considérée comme la catégorie la plus distinguée de la peinture académique et, sous la direction de Sir Joshua Reynolds (1732-1792), ami proche de Kauffmann, la Royal Academy anglaise s'efforce de la promouvoir auprès d'un public autochtone plus intéressé par les portraits et les paysages. L’apathie de la part du peuple britannique envers la peinture d'histoire motive néanmoins la décision de Kauffmann de quitter l’Angleterre après son mariage avec l’artiste Antonio Zucchi (1726-1795) en 1781 et de retourner en Italie où ses tableaux sont plus recherchés.
La peinture d'histoire, la représentation d'actions humaines basées sur des thèmes tirés de l'histoire, de la mythologie et de la littérature, nécessite un apprentissage approfondi des écritures, une connaissance de la théorie de l'art et une formation plus technique comprenant l'étude de l'anatomie à partir du nu masculin. Cette dernière est interdite aux femmes à l’époque, pourtant Kauffmann réussit à franchir la frontière entre les sexes. Nous supposons qu’elle remplace l’étude du nu masculin par l’étude de sculptures antiques. Cette lacune imposée à son apprentissage explique pourquoi les personnages masculins de ses œuvres sont souvent considérés comme plus féminins que ceux de ses pairs à la Royal Academy.
Le sujet de Palémon et Lavinia est tiré de l’œuvre poétique Les Saisons de l’écrivain écossais James Thompson (1700-1748) dont la première partie, L’Hiver, paraît en 1726. L’ouvrage, composé de quatre parties – chacune dédiée à une des saisons – connaît un succès immédiat. Thompson puise son inspiration dans des sources aussi diverses que Virgile (70-19 av. J.-C.), Sir Isaac Newton (1642-1727), René Descartes (1596-1650) et Geoffrey Chaucer (vers 1345-1400). Ses poèmes sont des méditations sur la nature alternant histoires courtes et passages descriptifs. Palémon et Lavinia apparaissent dans L’Automne ; elle est une belle campagnarde et lui le seigneur du domaine. Lavinia glane les champs parce qu’elle doit soutenir sa mère, appauvrie, et Palémon, qui la voit peiner, tombe aussitôt amoureux d’elle. Dans son adaptation de l’histoire, Kauffmann retient l’aspect intemporel de l’œuvre poétique en juxtaposant deux styles de costumes. Palémon est théâtralement vêtu d'un somptueux costume de soie rouge qui rappelle la mode des portraits du roi Charles Ier (1600-1649) et de ses courtisans peints par van Dyck (1599-1641) au siècle précédent, or Lavinia s’habille simplement, à la manière d’une femme de la fin du XVIIIe siècle.
Kauffmann est loin d’être la seule à s’inspirer de l’œuvre de Thompson. Nous trouvons d’autres représentations de ses vers chez J. M. W Turner (1775-1851) et Sir Thomas Gainsborough (1727-1788) en Angleterre et la traduction allemande sert de livret écrit par Gottfried van Swieten (1733-1803) pour l’oratorio Die Jahrzeiten du compositeur Joseph Haydn (1732-1809). En France, Thompson n’est pas moins apprécié : Voltaire (1694-1778) fait l’éloge de la simplicité et de l'amour de l'humanité manifestés dans le texte, Rousseau (1712-1778) est plongé par sa lecture dans un "délire rural", et en 1793, au début de la Terreur, Madame Roland (1754-1793) récite ses vers dans sa cellule en attente de la guillotine.
Nous tenons à remercier Dr. Bettina Baumgärtel d'avoir confirmé l'attribution de ce tableau à Angelica Kauffmann sur base d'un examen direct de l'oeuvre qu'elle prévoit d'inclure dans le catalogue raisonné de l'artiste en préparation.
Née en Suisse et formée en Italie, Angelica Kauffmann s'installe à Londres en 1766. Elle s’impose rapidement dans cette même ville comme l’une des artistes les plus importantes et les plus influentes de son temps. Elle y devient d’ailleurs l’un des deux seuls membres fondateurs féminins de la Royal Academy. Bien que Kauffmann connaisse un grand succès en tant que portraitiste, elle se définit avant tout comme peintre d'histoire, désignation inhabituelle pour une femme artiste au XVIIIe siècle. À cette époque, la peinture d'histoire était considérée comme la catégorie la plus distinguée de la peinture académique et, sous la direction de Sir Joshua Reynolds (1732-1792), ami proche de Kauffmann, la Royal Academy anglaise s'efforce de la promouvoir auprès d'un public autochtone plus intéressé par les portraits et les paysages. L’apathie de la part du peuple britannique envers la peinture d'histoire motive néanmoins la décision de Kauffmann de quitter l’Angleterre après son mariage avec l’artiste Antonio Zucchi (1726-1795) en 1781 et de retourner en Italie où ses tableaux sont plus recherchés.
La peinture d'histoire, la représentation d'actions humaines basées sur des thèmes tirés de l'histoire, de la mythologie et de la littérature, nécessite un apprentissage approfondi des écritures, une connaissance de la théorie de l'art et une formation plus technique comprenant l'étude de l'anatomie à partir du nu masculin. Cette dernière est interdite aux femmes à l’époque, pourtant Kauffmann réussit à franchir la frontière entre les sexes. Nous supposons qu’elle remplace l’étude du nu masculin par l’étude de sculptures antiques. Cette lacune imposée à son apprentissage explique pourquoi les personnages masculins de ses œuvres sont souvent considérés comme plus féminins que ceux de ses pairs à la Royal Academy.
Le sujet de Palémon et Lavinia est tiré de l’œuvre poétique Les Saisons de l’écrivain écossais James Thompson (1700-1748) dont la première partie, L’Hiver, paraît en 1726. L’ouvrage, composé de quatre parties – chacune dédiée à une des saisons – connaît un succès immédiat. Thompson puise son inspiration dans des sources aussi diverses que Virgile (70-19 av. J.-C.), Sir Isaac Newton (1642-1727), René Descartes (1596-1650) et Geoffrey Chaucer (vers 1345-1400). Ses poèmes sont des méditations sur la nature alternant histoires courtes et passages descriptifs. Palémon et Lavinia apparaissent dans L’Automne ; elle est une belle campagnarde et lui le seigneur du domaine. Lavinia glane les champs parce qu’elle doit soutenir sa mère, appauvrie, et Palémon, qui la voit peiner, tombe aussitôt amoureux d’elle. Dans son adaptation de l’histoire, Kauffmann retient l’aspect intemporel de l’œuvre poétique en juxtaposant deux styles de costumes. Palémon est théâtralement vêtu d'un somptueux costume de soie rouge qui rappelle la mode des portraits du roi Charles Ier (1600-1649) et de ses courtisans peints par van Dyck (1599-1641) au siècle précédent, or Lavinia s’habille simplement, à la manière d’une femme de la fin du XVIIIe siècle.
Kauffmann est loin d’être la seule à s’inspirer de l’œuvre de Thompson. Nous trouvons d’autres représentations de ses vers chez J. M. W Turner (1775-1851) et Sir Thomas Gainsborough (1727-1788) en Angleterre et la traduction allemande sert de livret écrit par Gottfried van Swieten (1733-1803) pour l’oratorio Die Jahrzeiten du compositeur Joseph Haydn (1732-1809). En France, Thompson n’est pas moins apprécié : Voltaire (1694-1778) fait l’éloge de la simplicité et de l'amour de l'humanité manifestés dans le texte, Rousseau (1712-1778) est plongé par sa lecture dans un "délire rural", et en 1793, au début de la Terreur, Madame Roland (1754-1793) récite ses vers dans sa cellule en attente de la guillotine.
Nous tenons à remercier Dr. Bettina Baumgärtel d'avoir confirmé l'attribution de ce tableau à Angelica Kauffmann sur base d'un examen direct de l'oeuvre qu'elle prévoit d'inclure dans le catalogue raisonné de l'artiste en préparation.