Lot Essay
par Marc Leo Felix
La maigre littérature disponible sur les arts de Tanzanie ne nous informe pas quant à cette figure en bois des plus inventives. Je suis pourtant convaincu que Peter Loebarth, son premier acquéreur, avait toutes les raisons de croire qu'elle était l’œuvre d’un sculpteur Kerewe de l'île d'Ukerewe, au sud-est du lac Nyanza Victoria.
Cette sculpture hyperstylisée d’une figure féminine élancée a été utilisée rituellement pendant de longues décennies, voire plusieurs siècles. Mes recherches en Tanzanie montrent que les rituels et les cérémonies n'avaient lieu qu'occasionnellement - certains à plusieurs années d’intervalle, d'autres une fois par an, ou lors des nouvelles lunes. La patine de la statue suggère qu'elle était tenue au cou et à la taille lorsqu’elle était utilisée. L'usure naturelle visible au cou et à la taille indique que l’objet a été utilisé des centaines, voire des milliers de fois.
Mon expérience dans cette région suggère deux possibilités rituelles. Dans un village Nyamwezi au cours des années 1970, j'ai vu une représentation féminine fort graphique crûment sculptée sur un bâton d’environ 120 cm de long. Il appartenait à une femme médium qui l’employait à communiquer avec l’esprit d’une mère décédée (elle insistait sur « mère ») en martelant le sol et en chantant pour établir le contact. Dans les années 1980, j’ai observé l’usage de longues effigies anthropomorphes en bois parmi les Sukuma, un peuple peu éloigné d'Ukerewe. Gerald Hartwig, spécialiste renommé de la culture Kerewe, mentionne que par le passé des groupes appelés amaleba dansaient avec de grandes figures en bois en forme d’hommes et de femmes. Ceci suggèrerait que cette sculpture aurait servi soit à communiquer avec des esprits ancestraux, soit à être dansée lors de festivités importantes.
La composition sculpturale de cette gracile silhouette féminine est simplement remarquable. Ses formes allongées sont tellement artistiques : la tête ovale au visage concave incliné vers le bas, le long cou surmontant un corps filiforme penché vers sa droite, les bras collés au corps d’où les mains se séparent, les jambes souples aux genoux et pieds marqués, tout y est élégant et féminin. Esthétiquement, cette femme grande et mince pourrait être la compagne immobile de l’Homme qui marche de Giacometti.
by Marc Leo Felix
The scant literature available on the arts of Tanzania does not provide information about this most inventive wooden figure. Yet, I am convinced that Peter Loebarth, its field collector, had good reasons to believe that it was made by a Kerewe sculptor from the Ukerewe Island in the southeast of Lake Nyanza Victoria.
This hyper-stylized sculpture depicting an elongated female figure was ritually used for many decades, if not centuries. My field research in Tanzania suggests that rituals and ceremonies occurred only occasionally - some every few years, others once a year, or possibly at the new moon. The surface of the figure suggests that it was held at the neck and also at the waist during use. Judging by the natural wear visible at the neck and midriff, it is evident that the figure was used hundreds, if not thousands of times.
My field experience in the same general area suggests two possible ritual patterns. In a Nyamwezi village during the 1970’s, I saw a rather crude staff of about 4 feet in length that graphically depicted a woman. The figure belonged to a female spiritual medium who used it to communicate with a deceased mother (she insisted on “mother”) as she tapped the ground with her staff and chanted to establish contact. In the 1980’s, I also witnessed the use of large human wooden figures among the Sukuma people who live not too far from Ukerewe. And Gerald Hartwig, a renowned specialist on Kerewe culture, mentions that, in the past, groups called amaleba danced with large male and female wooden figures. This suggests that this elongated female figure served either as a staff used by ritualists to communicate with ancestor spirits, or to be danced with at important festivities.
From a sculptural point of view, this attenuated female figure is remarkably composed. Her elongated features are so artistic: the oval head with a concave face, its mesmerizing eyes and deep open mouth, the neck standing above the thin columnar body and arms, the slightly bent hands and legs, are all so elegant and feminine. Aesthetically, this tall, thin, motionless woman is so simply perfect that she could easily stand proud next to Giacometti’s Walking Man.
La maigre littérature disponible sur les arts de Tanzanie ne nous informe pas quant à cette figure en bois des plus inventives. Je suis pourtant convaincu que Peter Loebarth, son premier acquéreur, avait toutes les raisons de croire qu'elle était l’œuvre d’un sculpteur Kerewe de l'île d'Ukerewe, au sud-est du lac Nyanza Victoria.
Cette sculpture hyperstylisée d’une figure féminine élancée a été utilisée rituellement pendant de longues décennies, voire plusieurs siècles. Mes recherches en Tanzanie montrent que les rituels et les cérémonies n'avaient lieu qu'occasionnellement - certains à plusieurs années d’intervalle, d'autres une fois par an, ou lors des nouvelles lunes. La patine de la statue suggère qu'elle était tenue au cou et à la taille lorsqu’elle était utilisée. L'usure naturelle visible au cou et à la taille indique que l’objet a été utilisé des centaines, voire des milliers de fois.
Mon expérience dans cette région suggère deux possibilités rituelles. Dans un village Nyamwezi au cours des années 1970, j'ai vu une représentation féminine fort graphique crûment sculptée sur un bâton d’environ 120 cm de long. Il appartenait à une femme médium qui l’employait à communiquer avec l’esprit d’une mère décédée (elle insistait sur « mère ») en martelant le sol et en chantant pour établir le contact. Dans les années 1980, j’ai observé l’usage de longues effigies anthropomorphes en bois parmi les Sukuma, un peuple peu éloigné d'Ukerewe. Gerald Hartwig, spécialiste renommé de la culture Kerewe, mentionne que par le passé des groupes appelés amaleba dansaient avec de grandes figures en bois en forme d’hommes et de femmes. Ceci suggèrerait que cette sculpture aurait servi soit à communiquer avec des esprits ancestraux, soit à être dansée lors de festivités importantes.
La composition sculpturale de cette gracile silhouette féminine est simplement remarquable. Ses formes allongées sont tellement artistiques : la tête ovale au visage concave incliné vers le bas, le long cou surmontant un corps filiforme penché vers sa droite, les bras collés au corps d’où les mains se séparent, les jambes souples aux genoux et pieds marqués, tout y est élégant et féminin. Esthétiquement, cette femme grande et mince pourrait être la compagne immobile de l’Homme qui marche de Giacometti.
by Marc Leo Felix
The scant literature available on the arts of Tanzania does not provide information about this most inventive wooden figure. Yet, I am convinced that Peter Loebarth, its field collector, had good reasons to believe that it was made by a Kerewe sculptor from the Ukerewe Island in the southeast of Lake Nyanza Victoria.
This hyper-stylized sculpture depicting an elongated female figure was ritually used for many decades, if not centuries. My field research in Tanzania suggests that rituals and ceremonies occurred only occasionally - some every few years, others once a year, or possibly at the new moon. The surface of the figure suggests that it was held at the neck and also at the waist during use. Judging by the natural wear visible at the neck and midriff, it is evident that the figure was used hundreds, if not thousands of times.
My field experience in the same general area suggests two possible ritual patterns. In a Nyamwezi village during the 1970’s, I saw a rather crude staff of about 4 feet in length that graphically depicted a woman. The figure belonged to a female spiritual medium who used it to communicate with a deceased mother (she insisted on “mother”) as she tapped the ground with her staff and chanted to establish contact. In the 1980’s, I also witnessed the use of large human wooden figures among the Sukuma people who live not too far from Ukerewe. And Gerald Hartwig, a renowned specialist on Kerewe culture, mentions that, in the past, groups called amaleba danced with large male and female wooden figures. This suggests that this elongated female figure served either as a staff used by ritualists to communicate with ancestor spirits, or to be danced with at important festivities.
From a sculptural point of view, this attenuated female figure is remarkably composed. Her elongated features are so artistic: the oval head with a concave face, its mesmerizing eyes and deep open mouth, the neck standing above the thin columnar body and arms, the slightly bent hands and legs, are all so elegant and feminine. Aesthetically, this tall, thin, motionless woman is so simply perfect that she could easily stand proud next to Giacometti’s Walking Man.