STATUE LOBI
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STATUE LOBI

BURKINA FASO

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STATUE LOBI
BURKINA FASO
Hauteur : 140 cm. (55 1⁄8 in.)
Provenance
Peter Loebarth (1941-2015), Hamelin
Galerie Fred Jahn, Munich
Collection privée, Allemagne
Sotheby's, Paris, 5 décembre 2007, lot 35
Collection Jean-Louis Danis, acquis lors de cette vente
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LOBI FIGURE, BURKINA FASO

Brought to you by

Alexis Maggiar
Alexis Maggiar International Head, African & Oceanic Art, Vice Chairman of Christie's France

Lot Essay

par Viviane Baeke

Nous nous trouvons ici devant une œuvre exceptionnelle, inhabituelle tant par sa taille et ses extraordinaires qualités esthétiques que par l’épaisse patine sacrificielle qui la recouvre en partie. En se penchant en outre sur sa signification et son contexte d’utilisation, nous allons voir que les aspect formels et esthétiques d’un objet sont chez les Lobi intimement liés à son importance rituelle et religieuse.

Les sculpteurs Lobi1 conféraient en effet à chaque œuvre qu’ils sculptaient des caractéristiques strictement régies par l’usage rituel auquel elle était destinée. Au premier regard, cette superbe effigie masculine ne peut qu’appartenir à la catégorie des figures thílkòtína, statues des grands ancêtres que tout chef de famille possède dans la chambre sacrée de sa maisonnée, le thílduù2. Entendons par là que cette sculpture personnifie un ancêtre accompli, un homme dont les deuxièmes funérailles, bobuùr, ont été menées à bien et dont le principe vital ou thil est d’abord concentré en une canne de bois posée dans le vestibule de la maison. Puis, après des années de « gestation », un rêve indiquera au chef de famille que ce père ou grand-père aspire au statut de kòtín, un grand ancêtre ayant droit à une représentation anthropomorphe. Et c’est alors que sa statue, ainsi que celle de son alter ego féminin, sera demandée à un sculpteur, et que ce couple de thílkòtína ira rejoindre ses ascendants plus anciens dans la chambre sacrée.

Ces figures vénérées obéissent à certains critères formels et une esthétique stricte. Elles adoptent invariablement une posture quasi-symétrique, hiératique, bras le long du corps ; ce qui n’exclut pas grâce et élégance, comme c’est le cas ici où les volumes des épaules, de la poitrine, du ventre et des cuisses se répondent harmonieusement, tandis que les jambes très légèrement fléchies et le ventre projeté en avant, creusant les reins, confèrent au personnage rythme et légèreté. Mais au-delà de cette posture hiératique imposée, les figures ancestrales, masculines comme féminines, se différencient, voire s’individualisent par leurs coiffures. Et si les statues féminines arborent presque toutes la tête rasée des femmes ménopausées, la plupart des coiffures qu’exhibent les figures masculines témoignent du statut prestigieux qu’ils avaient atteint de leur vivant, qu’il s’agisse de celui de devin ou de guérisseur, de guerrier, ou encore de grand chasseur.

La figure arbore la coiffure yuú-jimàní, la « tête qui commande »3. Formée d’une crête centrale et de fines tresses ramenées vers l’arrière, elle serait l’apanage de certains guérisseurs renommés, les thíldárá (sg. thíldaár), qui maîtrisent la manipulation de cette catégorie dangereuse de statues rituelles que constituent les bùthìba. Ces dernières se distinguent radicalement des figures d’ancêtre, aussi bien par leurs fonctions rituelles qu’au plan formel. Vouées à des cultes de protection, elles sont destinées à piéger le thíl ou principe vital d’un autre type de défunt, celui dont les secondes funérailles n’ont pu être accomplies, le vouant à jamais à l’errance et au statut d’ancêtre inachevé, animé la plupart du temps d’intentions malveillantes ; c’est la raison pour laquelle les bùthìba sont sculptés de façon à piéger ces thíla errants en adoptant une gestuelle codée - un ou deux bras levés, la main à la bouche ou sur le ventre, etc. - qui rappelle irrésistiblement les malheurs que ces esprits malveillants veulent provoquer, et que doit conjurer, en manipulant ces statues gesticulantes, le guérisseur thíldaár, un spécialiste rituel tel que celui qui est personnifié par cette magnifique figure d’ancêtre.

Alors que pour sculpter un bùthìb, l’artiste doit avoir atteint le troisième grade thíteldárá au sein de la hiérarchie des sculpteurs, pour façonner les thílkòtína, il doit avoir accédé au quatrième et ultime grade, celui de thíteldárá kòtín. Ces maîtres possèdent le talent de reproduire une figure « du même style » que celui des aïeux de bois déjà présents au sein du sanctuaire ; et cette ressemblance permet à ces « anciens » de reconnaître ce nouveau-venu comme « un des leurs », et donc de communiquer avec les vivants au travers de cet aïeul récemment ancestralisé.

Par sa facture exceptionnelle, sa taille et son épaisse patine sacrificielle, nous pensons que cette imposante effigie n’était pas posée dans le thílduù d’une simple maisonnée, mais était «plantée»4 dans la chambre sacrée d’une « grande maison », une còkòtín, sanctuaire initiatique de l’ensemble d’un lignage.

Ses traits sont à demi dissimulés par les traces des sacrifices qui l’ont honoré et qui se concentrent surtout sur le visage et la coiffure, « la tête qui commande », témoignant de l’énorme importance que cet aïeul revêtait pour ses descendants. La tête légèrement inclinée vers le bas, les yeux mi-clos et la bouche grave, il semble porter avec détermination le poids de ses responsabilités envers les vivants de son lignage.

by Viviane Baeke

We see here an exceptional sculpture, unusual in size, its thick sacrificial patina, and its extraordinary aesthetic qualities. Looking at its significance and the context of its use, we will see that, among the Lobi, the formal and aesthetic aspects of an object are intimately linked to its ritual and religious importance.

Lobi sculptors1 gave to each work they carved characteristics that were strictly governed by the ritual use for which it was intended. We see from the first look that this superb male effigy belongs to the category of thílkòtína figures, statues of the great ancestors that every head of family possesses in the sacred chamber of his household, the thílduù2. We understand immediately that this sculpture personifies an accomplished ancestor, a man whose second funeral, bobuùr, has been successfully completed and whose vital principle or thil is first concentrated in a wooden cane placed in the vestibule of the house. Then, after years of 'gestation', a dream will tell the head of the family that this father or grandfather aspires to the status of kòtín, a great ancestor entitled to an anthropomorphic representation. It is then that his statue, along with that of his female alter ego, will be commissioned from a sculptor, and the thílkòtína couple will join their more ancient ancestors in the sacred chamber.

These venerated figures obey certain formal presence and strict aesthetics. They invariably adopt a quasi-symmetrical, hieratic posture, with their arms at their sides; this does not exclude grace and elegance, as is the case here where the volumes of the shoulders, chest, belly and thighs respond harmoniously, while the legs slightly bent and the belly projected forward, hollowing out the loins, convey rhythm and lightness to the figure. Beyond the imposition of their hieratic posture, the ancestral figures, both male and female, are differentiated, even individualised, by their hairstyles. And while almost all female statues display the shaven heads of menopausal women, most of the hairstyles worn by the male figures indicate the prestigious status they had attained during their lifetime, whether as soothsayer or healer, warrior or great hunter.

This figure is wearing the yuú-jimàní headdress, the “head that commands”3. Made up of a central crest and fine braids pulled back, it would be the prerogative of certain renowned healers, the thíldárá (sg. thíldaár), who mastered the handling of the dangerous category of ritual statues known as bùthìba. The latter are radically different from ancestor figures, in terms of both form and ritual function. Dedicated to a cult of protection, they are intended to trap the thíl or vital principle of another type of deceased, the one whose second funeral could not be held, condemning him or her forever to wandering and the status of an unfinished ancestor, most often animated by malevolent intentions. This is why the bùthìba are sculpted in such a way as to trap these wandering thíla by adopting a coded gesture - one or two arms raised, the hand in the mouth or on the stomach, etc. that is irresistibly reminiscent of the ills intended by these malevolent thíla that must be warded off by the manipulation of these gesticulating statues by the thíldaár healer, the ritual specialist personified by this magnificent figure of an ancestor.

Whereas to sculpt a bùthìb the artist must have reached the third grade (thíteldárá) in the hierarchy of sculptors, to fashion thílkòtína, he must have acceded the fourth and ultimate grade - thíteldárá kòtín. These masters have the talent to reproduce a figure “in the same style” as that of the wooden ancestors already present in the sanctuary; and this resemblance enables these “elders” to recognise the newcomer as “one of their own”, and hence, to communicate with the living through this recently ancestralised ancestor.

Given its exceptional workmanship, size and thick sacrificial patina, we believe that this imposing effigy was not placed in the thílduù of a simple household, but was “planted”4 in the sacred chamber of a “great house,” a còkòtín, the initiatory sanctuary of an entire lineage.

His features are half-concealed by the traces of the sacrifices that honoured him, which are concentrated mainly on his face and headdress, “the head that commands,” testifying to the enormous importance that this ancestor held for his descendants. With his head tilted slightly downwards, his eyes half-closed and his serious mouth, this ancestor seems to carry with determination the weight of his responsibilities towards the living members of his lineage.

1 Le terme « Lobi » est pris ici au sens large d’entité culturelle englobant l’ensemble des groupes ethniques qui participent à la grande initiation collective du Joro, c’est-à-dire principalement les Lobi proprement dit, les Birifor, les Dagara et les Teese / The term “Lobi” is used here in the broad sense of a cultural entity encompassing all the ethnic groups taking part in the great collective initiation of the Joro, i.e. principally the Lobi themselves, the Birifor, the Dagara and the Teese.
2 Le terme thilkotin, singulier de thikotina, n’est que rarement utilisé, parce qu’en règle générale la représentation de l’aïeul masculin était étroitement associée à une statue d’ancêtre féminine / The term thilkotin, singular of thikotina, is rarely used, because as a general rule the representation of the male ancestor was closely associated with a statue of a female ancestor.
3 Bognolo, D., Lobi, Milan, 2007, p. 42.
4 On dit qu’elles sont « plantées sur place » car ces supports de la mémoire du lignage ne pourront plus en bouger / They are said to be “planted in place” because these supports for the memory of the lineage can no longer be moved (Bognolo, D., « La figure de l’ancêtre : mémoire et sacralisation », in Images d’Afrique et sciences sociales : les pays lobi, birifor et dagara (Burkina Faso, Côte d'Ivoire et Ghana). Actes du colloque de Ouagadougou (10-15 décembre 1990), Paris, 1993, p. 382).

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