Lot Essay
"En songe, voici que sous mes yeux, Hector a paru se dresser
devant moi, infiniment triste, versant d'abondantes larmes ;
comme naguère, il était tout noir de sang et de poussière,
traîné par l'attelage, les pieds gonflés et déchirés par une courroie. (…)
Hélas, fils de déesse, fuis ; arrache-toi à ces flammes.
L'ennemi tient nos murs ; de toute sa hauteur Troie s'écroule.
(…) Troie te confie ses objets sacrés et ses Pénates ; prends-les,
qu'ils accompagnent ton destin (…)"
Énéide, livre II, 270-273, 289-290, 293-294
Suivant à la lettre le texte de Virgile (70 av. J.-C.-19 av. J.-C.), Girodet (1767-1824) décrit littéralement dans cette subtile peinture le songe du guerrier Enée. Le soldat est endormi tandis que Troie brûle à l’arrière-plan, mais le jeune lieutenant troyen est enjoint en rêve par Hector, défunt prince de Troie, à défendre la ville envahie au milieu de la nuit par les guerriers d’Ulysse, sortis du célèbre cheval, l’offrande trompeuse.
C’est autour de 1790 que l’éditeur français Pierre Didot (1761-1793) commande au peintre David (1748-1825) des illustrations pour différents recueils à paraître, notamment Virgile et Racine. Didot souhaitait certainement concurrencer l’éditeur anglais Boydell (1719-1804) qui venait de confier aux peintres Füssli (1741-1825), West (1738-1820) ou Reynolds (1723-1792) des illustrations des œuvres de Shakespeare, en octroyant à des peintres français une tâche semblable pour la littérature classique et française.
David, extrêmement sollicité, confie le projet à deux de ses élèves : Gérard (1770-1837) et Girodet ; tout en supervisant de près leur exécution. Girodet fut chargé de dessiner six illustrations devant servir à la gravure en plus d’un dessin pour le frontispice. Les deux jeunes artistes envoyaient ainsi régulièrement des compositions à David que le maître corrigeait afin de garantir une homogénéité à l’ouvrage. La gravure finale du sujet ci-présent, retenue pour l’illustration de Virgile, sera d’ailleurs présentée au Salon de 1793 comme 'd’après David' (Cabinet des estampes, Paris, voir S. Bellenger, 2005, op. cit., p. 155). Si cette dernière version (fig. 1) diffère des premières compositions dessinées ou peintes par Girodet, on remarque dans ses premières études – dont la nôtre fait partie – la personnalité propre du jeune artiste s’émancipant quelque peu de son écrasant maître. L’année 1793 était notamment pour Girodet l’année de la présentation au Salon de son Sommeil d’Endymion (musée du Louvre, Paris, no. inv. 4935) dont la sensualité déjà romantique n’est pas sans évoquer dans la pose, le jeune Enée.
Girodet préparait ses esquisses sur différents supports et dans différents médiums, dessins, huiles sur toile ou panneaux. C’est ainsi qu’une copie sur toile de notre Songe d’Énée fut acquise par le musée Girodet (Montargis, no. inv. 8217) en 1982 la tenant pour originale. La provenance de cette toile fut confondue avec celle de notre panneau, qui était bien celui de la vente après-décès de l’artiste, acquis par son ami Pannetier (1772-1859). Pannetier, aidé d’autres amis du peintre, se chargea par la suite de diffuser les esquisses de Girodet sous forme d’estampes, de lithographies afin de continuer de promouvoir l’invention riche du brillant artiste.
Ce tableau sera intégré au catalogue raisonné de l'artiste préparé par Madame Sidonie Lemeux-Fraitot.
devant moi, infiniment triste, versant d'abondantes larmes ;
comme naguère, il était tout noir de sang et de poussière,
traîné par l'attelage, les pieds gonflés et déchirés par une courroie. (…)
Hélas, fils de déesse, fuis ; arrache-toi à ces flammes.
L'ennemi tient nos murs ; de toute sa hauteur Troie s'écroule.
(…) Troie te confie ses objets sacrés et ses Pénates ; prends-les,
qu'ils accompagnent ton destin (…)"
Énéide, livre II, 270-273, 289-290, 293-294
Suivant à la lettre le texte de Virgile (70 av. J.-C.-19 av. J.-C.), Girodet (1767-1824) décrit littéralement dans cette subtile peinture le songe du guerrier Enée. Le soldat est endormi tandis que Troie brûle à l’arrière-plan, mais le jeune lieutenant troyen est enjoint en rêve par Hector, défunt prince de Troie, à défendre la ville envahie au milieu de la nuit par les guerriers d’Ulysse, sortis du célèbre cheval, l’offrande trompeuse.
C’est autour de 1790 que l’éditeur français Pierre Didot (1761-1793) commande au peintre David (1748-1825) des illustrations pour différents recueils à paraître, notamment Virgile et Racine. Didot souhaitait certainement concurrencer l’éditeur anglais Boydell (1719-1804) qui venait de confier aux peintres Füssli (1741-1825), West (1738-1820) ou Reynolds (1723-1792) des illustrations des œuvres de Shakespeare, en octroyant à des peintres français une tâche semblable pour la littérature classique et française.
David, extrêmement sollicité, confie le projet à deux de ses élèves : Gérard (1770-1837) et Girodet ; tout en supervisant de près leur exécution. Girodet fut chargé de dessiner six illustrations devant servir à la gravure en plus d’un dessin pour le frontispice. Les deux jeunes artistes envoyaient ainsi régulièrement des compositions à David que le maître corrigeait afin de garantir une homogénéité à l’ouvrage. La gravure finale du sujet ci-présent, retenue pour l’illustration de Virgile, sera d’ailleurs présentée au Salon de 1793 comme 'd’après David' (Cabinet des estampes, Paris, voir S. Bellenger, 2005, op. cit., p. 155). Si cette dernière version (fig. 1) diffère des premières compositions dessinées ou peintes par Girodet, on remarque dans ses premières études – dont la nôtre fait partie – la personnalité propre du jeune artiste s’émancipant quelque peu de son écrasant maître. L’année 1793 était notamment pour Girodet l’année de la présentation au Salon de son Sommeil d’Endymion (musée du Louvre, Paris, no. inv. 4935) dont la sensualité déjà romantique n’est pas sans évoquer dans la pose, le jeune Enée.
Girodet préparait ses esquisses sur différents supports et dans différents médiums, dessins, huiles sur toile ou panneaux. C’est ainsi qu’une copie sur toile de notre Songe d’Énée fut acquise par le musée Girodet (Montargis, no. inv. 8217) en 1982 la tenant pour originale. La provenance de cette toile fut confondue avec celle de notre panneau, qui était bien celui de la vente après-décès de l’artiste, acquis par son ami Pannetier (1772-1859). Pannetier, aidé d’autres amis du peintre, se chargea par la suite de diffuser les esquisses de Girodet sous forme d’estampes, de lithographies afin de continuer de promouvoir l’invention riche du brillant artiste.
Ce tableau sera intégré au catalogue raisonné de l'artiste préparé par Madame Sidonie Lemeux-Fraitot.