Lot Essay
Salué pour son inimitable art « métamorphique », Roberto Matta est l'un des acteurs-clé du dialogue entre expressionnisme abstrait et surréalisme. Originaire du Chili, il partage l'essentiel de sa vie entre l'Europe et les États-Unis, jouant un rôle déterminant au sein des avant-gardes des années 1930-1940 de part et d'autre de l'Atlantique. En 1944, Marcel Duchamp le qualifie de « peintre le plus profond de sa génération » (M. Duchamp, ‘Matta, Painter’, repris in M. Sanouillet & E. Peterson (éds.), The Writings of Marcel Duchamp, New York, 1989, p.154). L'artiste américain Robert Motherwell, quant à lui, estime que « celui qui nous a tous éveillés, c'est Matta. Il nous a inventés » (R. Motherwell in N. Rosenthal, ‘Remembering Matta—the first artist of infinite matter? (or maybe just of “the infinite”)’, in Matta / Duchamp, cat. exp., galerie Gmurzynska, Zurich, 2018, p. 85). Mirages d'un autre monde, les visions cosmiques de Matta cherchent à révéler les couches de réalité qui échappent à notre conscience. D'une grande subtilité, elles demeurent certaines des créations les plus importantes – et les plus énigmatiques – du milieu du XXe siècle.
« 60-Quand ? (1970) présente un espace de mouvement, un instant de la métamorphose d’une ‘mécanique’ que l’on connaît sans la reconnaître. La mutation des formes inconnues qui est donnée ici à voir est également métaphorique, c’est celle de notre espace mental ». - Ann Hindry
Né à Santiago en 1911, Matta suit une formation d'architecte avant de s'installer en France au cours des années 1930, où il est d'abord engagé par Le Corbusier. Durant cette période, il se lie d'amitié avec Salvador Dalí et rejoint vite le cercle surréaliste d'André Breton. L'effervescence artistique que le jeune Chilien découvre à Paris le marque profondément : il est particulièrement bouleversé par La Mariée mise à nu par ses célibataires, même (Le Grand Verre) (1915-1923) de Marcel Duchamp et par Guernica (1937), qu'il aperçoit à l'Exposition universelle de 1937. À l'empreinte laissée par le chef-d'œuvre de Pablo Picasso, symbole d'une Espagne à feu et à sang, s'ajoute bientôt le choc de la Seconde Guerre mondiale. Sous ces influences, la peinture de Matta se radicalise ; à la différence de nombre de ses contemporains, il se met volontiers à traiter par la peinture des sujets socio-politiques. Lors d'un séjour à New York dans les années 1940, son œuvre retient l'attention de Jackson Pollock, Arshile Gorky et d'autres jeunes expressionnistes abstraits, soucieux de tirer parti des leçons du surréalisme. Durant les années 1950 et 1960, sa pratique évolue librement au gré de voyages en Afrique et en Amérique latine, où il est notamment impressionné par les compositions vertigineuses des muralistes mexicains (Diego Rivera, José Clemente Orozco...).
Cinq pièces de Matta issues de la collection Renault sont offertes à la vente : quatre œuvres sur papier ainsi qu'un tableau d'une grande rareté. Créés entre 1967 et 1978, ces travaux datent d'un moment où l'artiste suit de près le contexte politique qui secoue son pays natal. Ouvertement engagé tant dans sa vie personnelle que dans son art, Matta coupe les ponts avec le Chili en 1973 après qu'Augusto Pinochet renverse brutalement le gouvernement socialiste de Salvador Allende. Les œuvres de cette époque reprennent le langage de ses fameuses « morphologies sociales » des années 1940, auxquelles il avait incorporé des éléments figuratifs en réponse au traumatisme de la guerre mondiale. De vagues formes de personnages, d'avions, d'objets évoquant souvent le rapport entre l'homme et la machine, viennent imprégner ces visions d'une atmosphère inquiétante, dystopique. Si les quatre dessins de la collection attestent la versatilité de son coup de crayon et la richesse de son répertoire de symboles, 60-Quand ? (1970) témoigne de son immuable virtuosité de peintre. Ici, dans une brume crépusculaire, Matta infuse chaque éclat strident de bleu, de vert et de jaune, d'une force percutante et dramatique.
« 60-Quand ? (1970) présente un espace de mouvement, un instant de la métamorphose d’une ‘mécanique’ que l’on connaît sans la reconnaître. La mutation des formes inconnues qui est donnée ici à voir est également métaphorique, c’est celle de notre espace mental ». - Ann Hindry
Né à Santiago en 1911, Matta suit une formation d'architecte avant de s'installer en France au cours des années 1930, où il est d'abord engagé par Le Corbusier. Durant cette période, il se lie d'amitié avec Salvador Dalí et rejoint vite le cercle surréaliste d'André Breton. L'effervescence artistique que le jeune Chilien découvre à Paris le marque profondément : il est particulièrement bouleversé par La Mariée mise à nu par ses célibataires, même (Le Grand Verre) (1915-1923) de Marcel Duchamp et par Guernica (1937), qu'il aperçoit à l'Exposition universelle de 1937. À l'empreinte laissée par le chef-d'œuvre de Pablo Picasso, symbole d'une Espagne à feu et à sang, s'ajoute bientôt le choc de la Seconde Guerre mondiale. Sous ces influences, la peinture de Matta se radicalise ; à la différence de nombre de ses contemporains, il se met volontiers à traiter par la peinture des sujets socio-politiques. Lors d'un séjour à New York dans les années 1940, son œuvre retient l'attention de Jackson Pollock, Arshile Gorky et d'autres jeunes expressionnistes abstraits, soucieux de tirer parti des leçons du surréalisme. Durant les années 1950 et 1960, sa pratique évolue librement au gré de voyages en Afrique et en Amérique latine, où il est notamment impressionné par les compositions vertigineuses des muralistes mexicains (Diego Rivera, José Clemente Orozco...).
Cinq pièces de Matta issues de la collection Renault sont offertes à la vente : quatre œuvres sur papier ainsi qu'un tableau d'une grande rareté. Créés entre 1967 et 1978, ces travaux datent d'un moment où l'artiste suit de près le contexte politique qui secoue son pays natal. Ouvertement engagé tant dans sa vie personnelle que dans son art, Matta coupe les ponts avec le Chili en 1973 après qu'Augusto Pinochet renverse brutalement le gouvernement socialiste de Salvador Allende. Les œuvres de cette époque reprennent le langage de ses fameuses « morphologies sociales » des années 1940, auxquelles il avait incorporé des éléments figuratifs en réponse au traumatisme de la guerre mondiale. De vagues formes de personnages, d'avions, d'objets évoquant souvent le rapport entre l'homme et la machine, viennent imprégner ces visions d'une atmosphère inquiétante, dystopique. Si les quatre dessins de la collection attestent la versatilité de son coup de crayon et la richesse de son répertoire de symboles, 60-Quand ? (1970) témoigne de son immuable virtuosité de peintre. Ici, dans une brume crépusculaire, Matta infuse chaque éclat strident de bleu, de vert et de jaune, d'une force percutante et dramatique.