Lot Essay
D’une grande préciosité, ces vases en ivoire tourné et monture de bronze doré ont très probablement été réalisés par Louis XV ou par un membre de la famille royale. Luxueux passe-temps des aristocrates et des monarques, l’art du tour demande de la dextérité et un grand savoir-faire. Épaulée par les meilleurs artisans, la couronne de France a produit des ivoires tournés de très belle qualité, dont ces vases se font les témoins.
PIERRE-ÉLISABETH DE FONTANIEU (1731-1784), INTENDANT ET CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES MEUBLES DE LA COURONNE SOUS LOUIS XV
Pierre-Elisabeth de Fontanieu fut intendant et contrôleur général des Meubles de la couronne, des Académies royales des sciences et d'architecture et membre de l'Académie des sciences de 1767 à 1784. Il a présenté à Louis XV un ensemble de modèles d’ouvrages de tour, dont le roi fut enchanté. En 1770, il décide de faire publier un recueil regroupant ces modèles d’ouvrages de tour. Cet ouvrage contient une dédicace destinée au monarque, ainsi que 47 planches, dont 20 planches présentant en vis-à-vis les esquisses de modèles achevés de vases, les dernières planches représentent des pièces de tour montées sur de riches socles.
Nos vases sont directement réalisés à partir du modèle de vase n°1, planche 3, et du modèle de vase n°10, planche 21, de l’ouvrage de Pierre-Elisabeth de Fontanieu. Ces pièces, très probablement réalisées par Louis XV ou par un membre de la famille royale, sont les témoins de l’engouement pour les ivoires tournés qui anime le XVIIIe siècle et pour lesquels Louis XV avait une véritable passion.
L’ART DU TOUR, PASSION DU ROI LOUIS XV
Si l’invention du tour remonte à l’Antiquité, c’est à partir du XVIe siècle à Nuremberg, ville de mathématiciens et d’orfèvres, que naît une vogue pour les bois et les ivoires tournés qui gagna toute les cours d’Europe. La pratique du tour, qui suppose un double luxe d’argent et de temps, devient un passe-temps aristocratique et princier. En France, au début du XVIIIe siècle, elle constitue un élément incontournable de l’éducation du futur roi. En alliant la géométrie et les mathématiques, c’est aussi un moyen de travailler certaines vertus que le roi doit acquérir comme l’adresse, la patience et la concentration. Dès Louis XIII et tout au long du siècle des Lumières, cette pratique est attestée dans l'éducation des enfants royaux.
Dès son installation à Versailles en 1722, on fit aménager pour Louis XV une pièce du Tour dans les combles du château, au deuxième étage de la cour de Monseigneur le comte de Toulouse. Le roi ne cessa de développer ses cabinets de tour et jusqu’à treize pièces seront consacrées à cette activité de 1722 à 1774. Des cabinets de tour furent également aménagés dans d’autres résidences royales, notamment au château de Marly, de Compiègne et de Fontainebleau, témoignant ainsi de l’intérêt du roi pour cette pratique.
Louis XV et ses filles se consacrèrent à ce passe-temps. Le monarque tourna de ses mains une pendule dans le goût étrusque, offerte à la dauphine Marie-Antoinette à l’occasion de son mariage, puis inventoriée en 1793 dans ses collections comme « ouvrage de Louis 15 » et aujourd’hui conservée au musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg (inv. ZI (E)-10191). Une précieuse pendule similaire, probablement tournée par Louis XV et offerte à sa fille Madame Adélaïde, fait aujourd’hui partie des collections du château de Versailles (inv. VMB 14300). Saisie à la Révolution au château de Bellevue, cette pendule a fait partie de la vente des effets de Madame Adélaïde, alors déposés au garde-meuble de l’hôtel de Tingry, en 1793-1794.
Louis XV transmit cette passion pour le travail de l’ivoire à sa descendance. Bien que peu d’exemples soient aujourd’hui conservés, de nombreux ivoires tournés garnissaient les cabinets des résidences royales. Deux ivoires tournés, d’une extrême virtuosité, réputés avoir été réalisés par Louis XV ou Mesdames, sont aujourd’hui conservés au château de Versailles (inv. VMB 14404.1 et .2). En 1786, Madame Victoire possédait neuf vases au château de Bellevue. Cette passion fut transmise également à Louis XVI et à ses frères, les comtes d’Artois et de Provence. De nombreux vases royaux en ivoire ont été dispersés lors des ventes révolutionnaires. Notons l’inventaire du château de Bellevue, dressé au cours de l’an II de la République (1793⁄1794) qui mentionne ainsi « deux vases en ivoire garnis de dorures avec deux cages en cuivre doré garnies de leurs verres ».
Certains de ces ivoires tournés enrichirent les collections des plus grands musées du monde. Un vase ajouré, dit brûle-parfum, est aujourd’hui conservé au musée du Louvre (inv. OA7370). Il peut être rapproché d’un autre modèle reproduit dans l’ouvrage de Pierre-Elisabeth Fontanieu (Pierre-Elisabeth Fontanieu, op. cit., modèle de vase n°14, planche 28 et 29). Une paire de vases ayant appartenue à Marie-Antoinette, et portant son chiffre couronné, est conservée au musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg (inv. E-4805 et E-4806). Enfin, nous pouvons noter une paire similaire conservée au Metropolitan Museum of Art de New York (inv. 41.190.59a et b). Ces deux dernières paires ont sans doute été réalisées d’après un dessin de François Voisin, maître de tour du Roi, d'après le modèle nommé « vase couvert orné de pampres, de deux têtes de femmes et de guirlandes de fleurs et de feuillages » (François Voisin, Nouveau cahier composé par Voisin Fils, vers 1784-1792, planche 4).
LES MAÎTRES DE TOUR DU ROI ET LES BRONZIERS : PERSONNAGES INDISSOCIABLES DES CRÉATIONS ROYALES
Ces chefs d’œuvres d’une grande préciosité sont réalisés par, ou pour, la famille royale et font l’objet de cadeaux diplomatiques. Derrière l’attribution au roi et à sa famille, ces objets en ivoire sont sans doute, en réalité, l’ouvrage de professionnels qui ont guidé leurs royaux élèves.
Louis XV fut initié par Jeanne-Madeleine Maubois (1689-1777), fille de Jacques Maubois, réputé comme le plus grand tourneur de son siècle, qui occupait la charge de maître de Tour du roi Louis XIV. Le périodique Le Mercure rapporte que le roi tourna pour la première fois le 10 octobre 1721, initié par Jeanne-Madeleine Maubois qui toucha une pension de 1500 livres. D’après le journal, le jeune Louis XV « fait paraitre beaucoup d’adresse et de goût dans cet amusement » (Le Mercure, octobre 1721, p. 210). Pour Louis XVI et ses frères, les comtes d’Artois et de Provence, ces professeurs furent Michel Voisin (1729-1786) et son fils François Voisin, artisans réputés qui furent nommés maîtres de tour du Roi. C’est donc plutôt à eux qu’il convient d’attribuer les différents exemples de vases en ivoire exécutés sous le règne de Louis XVI et dont subsistent quelques précieux exemples.
Les maîtres de tour du Roi associèrent régulièrement leurs efforts à ceux des ciseleurs du Roi. Les dépenses de Louis XVI faites sur sa cassette personnelle en 1787 mentionnent ainsi, à titre d’exemple, une somme destinée au bronzier Pierre-Philippe Thomire (1751-1843) et à l’orfèvre-joaillier Massé pour des « ouvrages faits à un vase d'ivoire et commandés par Voisin fils en mars 1786 ». C’est notamment le cas de la paire conservée au musée de l’Ermitage, dont la monture en bronze a été réalisée par Pierre-Philippe Thomire.
Finalement, l’intérêt de nos vases réside autant dans leur rareté, et leur préciosité, que dans leur simplicité. En effet, la pendule et les ivoires tournés conservés au château de Versailles sont réputés comme avoir été réalisés par Louis XV ou ses filles. Néanmoins, nous pouvons supposer la grande implication des artisans tourneurs dans la création de ces pièces. À côté de ces ouvrages complexes qui nécessitent un très grand savoir-faire, nos vases ont une forme beaucoup plus simple, que les membres de la famille royale ont pu eux-mêmes réaliser.
PIERRE-ÉLISABETH DE FONTANIEU (1731-1784), INTENDANT ET CONTRÔLEUR GÉNÉRAL DES MEUBLES DE LA COURONNE SOUS LOUIS XV
Pierre-Elisabeth de Fontanieu fut intendant et contrôleur général des Meubles de la couronne, des Académies royales des sciences et d'architecture et membre de l'Académie des sciences de 1767 à 1784. Il a présenté à Louis XV un ensemble de modèles d’ouvrages de tour, dont le roi fut enchanté. En 1770, il décide de faire publier un recueil regroupant ces modèles d’ouvrages de tour. Cet ouvrage contient une dédicace destinée au monarque, ainsi que 47 planches, dont 20 planches présentant en vis-à-vis les esquisses de modèles achevés de vases, les dernières planches représentent des pièces de tour montées sur de riches socles.
Nos vases sont directement réalisés à partir du modèle de vase n°1, planche 3, et du modèle de vase n°10, planche 21, de l’ouvrage de Pierre-Elisabeth de Fontanieu. Ces pièces, très probablement réalisées par Louis XV ou par un membre de la famille royale, sont les témoins de l’engouement pour les ivoires tournés qui anime le XVIIIe siècle et pour lesquels Louis XV avait une véritable passion.
L’ART DU TOUR, PASSION DU ROI LOUIS XV
Si l’invention du tour remonte à l’Antiquité, c’est à partir du XVIe siècle à Nuremberg, ville de mathématiciens et d’orfèvres, que naît une vogue pour les bois et les ivoires tournés qui gagna toute les cours d’Europe. La pratique du tour, qui suppose un double luxe d’argent et de temps, devient un passe-temps aristocratique et princier. En France, au début du XVIIIe siècle, elle constitue un élément incontournable de l’éducation du futur roi. En alliant la géométrie et les mathématiques, c’est aussi un moyen de travailler certaines vertus que le roi doit acquérir comme l’adresse, la patience et la concentration. Dès Louis XIII et tout au long du siècle des Lumières, cette pratique est attestée dans l'éducation des enfants royaux.
Dès son installation à Versailles en 1722, on fit aménager pour Louis XV une pièce du Tour dans les combles du château, au deuxième étage de la cour de Monseigneur le comte de Toulouse. Le roi ne cessa de développer ses cabinets de tour et jusqu’à treize pièces seront consacrées à cette activité de 1722 à 1774. Des cabinets de tour furent également aménagés dans d’autres résidences royales, notamment au château de Marly, de Compiègne et de Fontainebleau, témoignant ainsi de l’intérêt du roi pour cette pratique.
Louis XV et ses filles se consacrèrent à ce passe-temps. Le monarque tourna de ses mains une pendule dans le goût étrusque, offerte à la dauphine Marie-Antoinette à l’occasion de son mariage, puis inventoriée en 1793 dans ses collections comme « ouvrage de Louis 15 » et aujourd’hui conservée au musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg (inv. ZI (E)-10191). Une précieuse pendule similaire, probablement tournée par Louis XV et offerte à sa fille Madame Adélaïde, fait aujourd’hui partie des collections du château de Versailles (inv. VMB 14300). Saisie à la Révolution au château de Bellevue, cette pendule a fait partie de la vente des effets de Madame Adélaïde, alors déposés au garde-meuble de l’hôtel de Tingry, en 1793-1794.
Louis XV transmit cette passion pour le travail de l’ivoire à sa descendance. Bien que peu d’exemples soient aujourd’hui conservés, de nombreux ivoires tournés garnissaient les cabinets des résidences royales. Deux ivoires tournés, d’une extrême virtuosité, réputés avoir été réalisés par Louis XV ou Mesdames, sont aujourd’hui conservés au château de Versailles (inv. VMB 14404.1 et .2). En 1786, Madame Victoire possédait neuf vases au château de Bellevue. Cette passion fut transmise également à Louis XVI et à ses frères, les comtes d’Artois et de Provence. De nombreux vases royaux en ivoire ont été dispersés lors des ventes révolutionnaires. Notons l’inventaire du château de Bellevue, dressé au cours de l’an II de la République (1793⁄1794) qui mentionne ainsi « deux vases en ivoire garnis de dorures avec deux cages en cuivre doré garnies de leurs verres ».
Certains de ces ivoires tournés enrichirent les collections des plus grands musées du monde. Un vase ajouré, dit brûle-parfum, est aujourd’hui conservé au musée du Louvre (inv. OA7370). Il peut être rapproché d’un autre modèle reproduit dans l’ouvrage de Pierre-Elisabeth Fontanieu (Pierre-Elisabeth Fontanieu, op. cit., modèle de vase n°14, planche 28 et 29). Une paire de vases ayant appartenue à Marie-Antoinette, et portant son chiffre couronné, est conservée au musée de l’Ermitage, à Saint-Pétersbourg (inv. E-4805 et E-4806). Enfin, nous pouvons noter une paire similaire conservée au Metropolitan Museum of Art de New York (inv. 41.190.59a et b). Ces deux dernières paires ont sans doute été réalisées d’après un dessin de François Voisin, maître de tour du Roi, d'après le modèle nommé « vase couvert orné de pampres, de deux têtes de femmes et de guirlandes de fleurs et de feuillages » (François Voisin, Nouveau cahier composé par Voisin Fils, vers 1784-1792, planche 4).
LES MAÎTRES DE TOUR DU ROI ET LES BRONZIERS : PERSONNAGES INDISSOCIABLES DES CRÉATIONS ROYALES
Ces chefs d’œuvres d’une grande préciosité sont réalisés par, ou pour, la famille royale et font l’objet de cadeaux diplomatiques. Derrière l’attribution au roi et à sa famille, ces objets en ivoire sont sans doute, en réalité, l’ouvrage de professionnels qui ont guidé leurs royaux élèves.
Louis XV fut initié par Jeanne-Madeleine Maubois (1689-1777), fille de Jacques Maubois, réputé comme le plus grand tourneur de son siècle, qui occupait la charge de maître de Tour du roi Louis XIV. Le périodique Le Mercure rapporte que le roi tourna pour la première fois le 10 octobre 1721, initié par Jeanne-Madeleine Maubois qui toucha une pension de 1500 livres. D’après le journal, le jeune Louis XV « fait paraitre beaucoup d’adresse et de goût dans cet amusement » (Le Mercure, octobre 1721, p. 210). Pour Louis XVI et ses frères, les comtes d’Artois et de Provence, ces professeurs furent Michel Voisin (1729-1786) et son fils François Voisin, artisans réputés qui furent nommés maîtres de tour du Roi. C’est donc plutôt à eux qu’il convient d’attribuer les différents exemples de vases en ivoire exécutés sous le règne de Louis XVI et dont subsistent quelques précieux exemples.
Les maîtres de tour du Roi associèrent régulièrement leurs efforts à ceux des ciseleurs du Roi. Les dépenses de Louis XVI faites sur sa cassette personnelle en 1787 mentionnent ainsi, à titre d’exemple, une somme destinée au bronzier Pierre-Philippe Thomire (1751-1843) et à l’orfèvre-joaillier Massé pour des « ouvrages faits à un vase d'ivoire et commandés par Voisin fils en mars 1786 ». C’est notamment le cas de la paire conservée au musée de l’Ermitage, dont la monture en bronze a été réalisée par Pierre-Philippe Thomire.
Finalement, l’intérêt de nos vases réside autant dans leur rareté, et leur préciosité, que dans leur simplicité. En effet, la pendule et les ivoires tournés conservés au château de Versailles sont réputés comme avoir été réalisés par Louis XV ou ses filles. Néanmoins, nous pouvons supposer la grande implication des artisans tourneurs dans la création de ces pièces. À côté de ces ouvrages complexes qui nécessitent un très grand savoir-faire, nos vases ont une forme beaucoup plus simple, que les membres de la famille royale ont pu eux-mêmes réaliser.