TRAVAILLEUSE D'EPOQUE LOUIS XVI

ESTAMPILLE DE JEAN-HENRI RIESENER

Details
TRAVAILLEUSE D'EPOQUE LOUIS XVI
ESTAMPILLE DE JEAN-HENRI RIESENER
En placage de sycomore, filets de bois clair et noirci et ornementation de bronze ciselé et doré, le plateau de forme rognon à décor de losanges, ouvrant à un tiroir, reposant sur des pieds entrelacés, réunis par une tablette d'époque postérieure, estampillée J.H.RIESENER, marque au pochoir Bronzes, Meubles, Curiosités/HOPILLIART rue des Saints-Pères,12/Paris et marque SC dans un médaillon dentelé
Hauteur: 69 cm. (27½ in.), Largeur: 86 cm. (33¾ in.), Profondeur: 43 cm. (17 in.)
Jean-Henri Riesener, reu maître en 1768
Provenance
Commandée aux environs de 1786 par Marie-Josèphe de Savoie, comtesse d'Artois, pour son Pavillon de Saint-Cloud, à l'ébéniste Jean- Henri Riesener.
Saisie par la République et vendue le 26 février 1794.
Collection du banquier Hainguerlot puis dans sa descendance jusqu'à nos jours.

Lot Essay

La Comtesse d'Artois et le pavillon de Saint-Cloud

Marie-Josèphe de Savoie-Carignan avait épousé le 16 novembre 1773 Monseigneur le Comte d'Artois, frère cadet du futur Louis XVI.
Délaissée par le Prince qui lui préférait les jolies "danseuses" ou "comédiennes" de la capitale, la Princesse s'ennuyait et menait une vie recluse à Versailles. Sa belle-soeur Marie-Antoinette, acheta le château de Saint-Cloud le 19 février 1785 et sa soeur, la Comtesse de Provence, était propriétaire d'une petite maison à Montreuil près de Versailles. C'est donc tout naturellement que la Comtesse d'Artois demanda à posséder ce que nous appellerions de nos jours une maison de campagne.

Bourboulon, l'intendant du Comte d'Artois, écrivit d'ailleurs: son but [la Comtesse] a été d'y venir chercher le plus souvent possible la retraite et la liberté ... j'ai réellement pitié de la vie ennuyeuse que mène notre Princesse. Elle est la seule qui n'aye pas un petit coin pour diriger sa promenade.
Situé à proximité du château de Saint-Cloud, non loin du château de Bellevue où vivaient Mesdames-Tantes du Roi, le pavillon combla tout de suite l'attente de la Princesse.
Le 22 août 1786, après d'âpres négociations, Chalut de Verin loua son pavillon meublé au Comte d'Artois pour une durée de neuf ans.
A cette occasion un inventaire des meubles et tableaux appartenant au financier fut dressé.
La Comtesse d'Artois vint y dîner la première fois le jour de la prise de possession, soit le 1 septembre 1786. Le 21 du même mois, la Princesse demandait qu'on fasse blanchir le salon du rez-de-chaussée il est à présent d'un vert fort sombre. La chambre à coucher et le boudoir attenant furent également repeints en blanc.
Les caisses du Comte d'Artois étant quasiment vides Madame Comtesse d'Artois en a bien répété qu'elle vous donnerait la preuve de la plus complète économie... pour les dépenses d'entretien, elle vous demandera une somme fixe à laquelle elle se bornera exactement.
Il semblerait cependant, d'après les comptes conservés, que la demeure coûta en trois ans plus de 276 000 livres. L'ameublement du pavillon coûta à lui seul 88 000 livres.
Jacob et Lelarge fournirent les sièges. Daguerre, le célèbre marchand-mercier de la rue Saint Honoré, livra des girandoles. Le doreur Rémond, le marchand de flambeaux Jousse, l'ébéniste Mauter complétèrent l'ameublement. L'ébéniste Jean-Henri Riesener fut chargé de l'exécution des ébénisteries les plus précieuses en partie réservées à l'usage exclusif de la Princesse.

Jean-Henri Riesener et la table

Dès septembre 1786 la princesse commandait un secrétaire en bois d'acajou et deux petites tables pareilles à Riesener
En 1788, 1 000 livres étaient encore dues à l'ébéniste qui livra plusieurs autres meubles dont les archives privées de la comtesse n'ont gardé trace. Un vide-poche, une table tric-trac, une commode, une console, une table de salle à manger estampillées ou attribuées à ce maître existent dans des collections privées et portent tous la marque du garde-meuble de la princesse.
Le boudoir d'angle, boisé sur toute sa hauteur, était la pièce que la Princesse affectionnait le plus. Après avoir été repeints, les panneaux furent en partie couverts d'un papier peint arabesque livré par le marchand Windsor. Sur la cheminée nouvellement posée, une pendule d'albâtre en forme de vase avait son socle richement garni de bronzes dorés. La Princesse commanda un sofa et trois chaises recouverts de toile peinte à petits ramages fond blanc.
C'est donc dans cette demeure, remise au goût du jour, que la Princesse passa en compagnie de ses enfants Angoulème et Berry des moments de bucolique simplicité un téléscope, la pêche à la ligne dans le bassin, la promenade, un travail de broderie....ont rempli la journée de la Princesse jusqu'à huit heures et de demie.
Après le départ en émigration de la Comtesse le 6 septembre 1789 puis la chute de la monarchie le 10 août 1792, il fut, douze jours plus tard, procédé à l'inventaire du pavillon. Les meubles appartenant à la famille Chalut de Verin en furent évidemment exceptés.

Dans le boudoir de la Princesse les commissaires inventorièrent un secrétaire en bois satiné et acajou à dessus de marbre blanc. Ce secrétaire aujourd'hui conservé dans une grande collection privée, présente un décor assorti à notre table (placage de losanges de satiné gris).

Toujours dans le boudoir nous trouvons Une table à écrire et un vide-gousset aussi en bois satiné et acajou le tout garni de ses cuivres dorés d'or moulu.
Un an plus tard le mobilier était une nouvelle fois inventorié sous le numéro 92 figurait Une table en tricoteuse avec un tiroir en bois d'acajou et bois veiné avec ornements de bronze doré d'or moulu 60 livres.
Le 8 ventôse an II (26 février 1794) sous le numéro 140 du procès verbal de vente, la table était alienée au citoyen Jubault 180 livres. Jubault n'était autre que l'ancien intendant du comte d'Artois qui se payait en meubles des avances qu'il avait accordées à son employeur.

Le pavillon de Saint-Cloud

Ce pavillon, communément appelé Maison de l'Electeur, avait été loué par Max Emmanuel de Bavière lors de son exil en France dans les premières années du XVIIIème siècle. Sous la direction de l'architecte Boffrand des transformations y furent effectuées. Dominant la Seine, jouissant d'une vue splendide sur la capitale, le pavillon ouvrait par treize croisées sur le jardin. Trois niveaux d'habitation en faisaient une des demeures les plus agréables des environs de Paris. Habité par le Prince de Grimberghen, après le départ de l'Electeur de Bavière, il fut acheté par le Fermier général Chalut de Verin en 1749. Au XIXème siècle, le pavillon fut la propriété des Comtes de Béarn. Incendié par les Prussiens en 1870, il éleva fièrement ses ruines jusqu'à son anéantissement total au XXème siècle.

La marque SC

Lors du bail de septembre 1786, la demeure fut louée meublée au Comte d'Artois. Tous les meubles de Chalut de Verin furent numérotés afin que s'ils sont transportés d'une pièce à l'autre, on puisse les suivre et les reconnaître.

Sur les meubles apportés ou commandés par la Comtesse d'Artois, le garde-meuble du Prince apposa sa marque composée des lettres entrelacées SC (Saint-Cloud) au centre d'un cartouche ovale dentelé (allusion possible à l'écu de la province d'Artois).

Les lettres G.M. apposées sous le cartouche signifiaient probablement garde-meuble. Ces initiales devant être interprêtées non comme une réserve de meubles mais comme l'administration du garde-meuble princier.

Jean-Henri Riesener et les tables travailleuses

Nous avons dans ce modèle de table l'aboutissement de la carrière de l'ébéniste de la couronne. En 1783-1784, Jean-Henri Riesener, ébéniste du Roi et fournisseur attitré de Marie-Antoinette depuis 1771, inventa pour l'appartement de la souveraine aux Tuileries ce type de marqueterie en placage de losanges de bois gris satiné.

Nous retrouverons sur les meubles livrés aux Tuileries, les mêmes torsadés de bronze doré protégeant les angles des meubles.

En 1788, Marie-Antoinette, commanda à Riesener pour son cabinet intérieur au château de Saint-Cloud, une table similaire aujourd'hui conservée au Musée Nissim de Camondo.

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