CANAPÉ À CHÂSSIS D'ÉPOQUE LOUIS XV
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CANAPÉ À CHÂSSIS D'ÉPOQUE LOUIS XV

ESTAMPILLE DE NICOLAS HEURTAUT, VERS 1758

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CANAPÉ À CHÂSSIS D'ÉPOQUE LOUIS XV
ESTAMPILLE DE NICOLAS HEURTAUT, VERS 1758
En hêtre et noyer moulurés, sculptés et dorés à l'huile, à décor d'agrafes, de rinceaux feuillagés et fleuris, le dossier mouvementé et enveloppant, la ceinture répondant au même mouvement, les six pieds légèrement cambrés terminés en enroulement, estampillé à deux reprises N. HEURTAUT sur la traverse arrière, couverture de velours orangé
H.: 108 cm. (42 ½ in.) ; L.: 187 cm. (73 ½ in.) ; P.: 90 cm. (35 ½ in.)
Nicolas Heurtaut, reçu maître menuisier en 1753
Provenance
Peut-être Louise-Honorine Crozat du Châtel, duchesse de Choiseul ;
puis Marie-Marguerite-Adélaïde de Bullioud, comtesse de Séran, château de la Tour (Normandie) ;
puis probablement par descendance jusqu'à la fin du fin du XIXe siècle ;
puis princes de Beauvau, château de Sainte-Assise (Seine-et-Marne) très probablement jusqu’en 1922 ;
puis galerie Jean Albert Seligmann, 23 place Vendôme, Paris, vers 1933 ;
puis collection Ortiz Linares vers 1955 ;
puis collection Paul-Louis Weiller.
Literature
Cat. Expo., « 18e. Aux sources du design, chefs-d’œuvre du mobilier de 1650 à 1790 », Dijon, 2014, pp. 124-125. (illustré)
B.G.B. Pallot, L’Art du siège au XVIIIe siècle en France, Paris, 1987, p. 247.
A. Theunissen, Meubles et sièges du XVIIIe siècle, Paris, 1934, p. 88.

Bibliographie comparative :
Cat. Expo., "Chefs-d'oeuvre de la Curiosité du Monde", 1954, n°144.
Cat. Expo., "Grands ébénistes et menuisiers parisiens du XVIIIe siècle", 1955, n°130
B.G.B. Pallot, L’Art du siège au XVIIIe siècle en France, Paris, 1987, pp. 244-249.
P.A. Arizzoli-Clémentel, Le Mobilier du Versailles XVIIe et XVIIIe siècle, Tome II, Dijon, 2002, pp. 194-199.
Exhibited
Le 18ème aux sources du design, château de Versailles, 26 octobre 2014 - 22 février 2015.
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A LOUIS XV GILT BEECHWOOD SOFA STAMPED BY NICOLAS HEURTAUT, CIRCA 1758

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Lionel Gosset
Lionel Gosset

Lot Essay

Cet extraordinaire canapé à châssis appartient à un mobilier particulièrement majeur dans l’histoire des arts décoratifs français dont l’importance a été à nouveau soulignée par l’exposition récente 18e aux sources du Design. Chefs-d’œuvre du mobilier 1650-1790 (2014-2015) au château de Versailles dans laquelle il était présenté.
Conçu dans un rocaille symétrique, sculpté de riches lianes fleuries parcourant élégamment une ligne ample, mouvementée et doublée tout en souplesse d’acanthes, velum et autres agrafes feuillagées, le présent canapé illustre parfaitement le génie de son créateur : Nicolas Heurtaut.
Le mobilier est aujourd’hui précisément identifié comme comprenant un lit à la Polonaise, un canapé, une paire de petits canapés et huit fauteuils. L’ensemble des pièces est aujourd’hui dispersé. Seuls ce canapé, deux fauteuils et deux petits canapés sont dans des collections privées, les autres sièges étant conservés au château de Versailles.
L’histoire de ce mobilier dès son origine au XXe siècle est passionnante et mérite d’être exposée.

Une hypothétique provenance Crozat-Choiseul
Bien qu’il s’agisse de l’un des mobiliers les plus virtuoses du milieu du XVIIIe siècle, la provenance – comtesse de Séran – qui ferait l’unanimité auprès des historiens d’art pourrait être précédée d’une autre provenance particulièrement séduisante selon d’autres auteurs, expliquant ainsi la raison d’un mobilier aussi fastueux chez la comtesse de Séran.
En effet, selon certains auteurs le mobilier pourrait avoir une provenance Crozat-Choiseul en rapprochant deux sources : un portrait de la duchesse et la célèbre tabatière en or de Louis-Nicolas van Blarenberghe.
Etienne-François de Choiseul Stainville, duc de Choiseul (mort en 1785), notamment diplomate et ministre de la Guerre, est un collectionneur avisé.
L’intérieur de l’hôtel parisien Crozat de Châtel du duc, rue Richelieu, qu’il a acquis en 1761, est représenté sur la tabatière en or précédemment citée, aujourd’hui conservée dans une collection privée, datée de 1770-1771. La boîte est ornée de panneaux de gouache fidèlement détaillés par Louis-Nicolas van Blarenberghe. Ces panneaux représentent les intérieurs rocaille de l’hôtel parisien ; les miniatures fouillées détaillent environ quarante-huit meubles, dont le célèbre bureau plat de Caffieri clairement reconnaissable. Cependant, l’échelle des miniatures interdit une identification positive des fauteuils dudit mobilier, bien qu’il soit tentant d’identifier le lit spectaculaire comme le lit à la Polonaise de cette suite.
Un tableau de Louis-Michel Van Loo daté 1767 (vente Me Ferri, Drouot, Paris, 9 décembre 1997, lot 18) et représentant les membres de la famille Choiseul pourrait apporter un élément supplémentaire intriguant à la provenance de ce mobilier. Louise Honorine Crozat du Châtel, duchesse de Choiseul (décédée en 1801), porte en bracelet un portrait de son époux en miniature, aux côtés de leur fils adoptif, Claude-Antoine de Choiseul-Beauptré (mort en 1838), élevé à Chanteloup. La duchesse est assise sur un grand fauteuil en bois doré couvert de tissu cramoisi, et sculpté de motifs sur la traverse supérieure du dossier particulièrement très proches voire identiques à ceux que l’on retrouve sur les fauteuils de ce mobilier.
Selon cette hypothèse, il serait alors possible que ce mobilier ait été vendu à l’hôtel Crozat de Châtel lorsque le duc de Choiseul est tombé en disgrâce et a été contraint de se retirer en 1770 à Chanteloup ; cet ensemble aurait alors pu être acquis par Louis XV qui l’aurait ensuite présenté à son amie (ou maîtresse selon les interprétations de chacun), la comtesse de Séran, à temps pour les rénovations de 1771 au château de La Tour.

Madame de Séran : maîtresse de Louis XV ?
Marie-Marguerite-Adélaïde de Bullioud, comtesse de Séran (décédée en 1793) entretient une amitié régulière avec Louis XV, que certains qualifieront d’adultère. Cette relation est connue à travers les Mémoires de l’un des locataires de la comtesse, l’essayiste, philosophe et encyclopédiste Jean-François Marmontel (1723-1799), ancien protégé de la Pompadour où il raconte avec détails les origines. Le roi en effet avait « mis pour condition à son consentement [à l’obtention d’une position auprès de la duchesse de Chartres] qu’après sa présentation elle [Madame de Séran] irait l’en remercier ; article secret pour M. de Séran (…) et lorsqu’au rendez-vous que lui donna le roi dans ses petits cabinets, il fallut aller seule le remercier tête à tête, j’ai su qu’elle en était tremblante. (…) En changeant de propos, il lui a demandé si elle trouvait ses petits appartements meublés d’assez bon goût. « Si vous vous y plaisez, lui a-t-il dit, j’espère que vous voudrez bien y venir quelquefois, par exemple tous les dimanches, à la même heure qu’aujourd’hui ». Elle l’a assuré qu’elle saisirait tous les moments de lui faire sa cour. (…) Elle annonça donc à tous qu’elle sera l’amie du roi, et qu’elle ne sera rien de plus. » Marmontel se fait témoin d’une relation qu’il définit comme respectable.
Bénéficiant de la générosité de Louis XV, la comtesse se voit offrir un hôtel particulier à Paris au n° 44 de la rue de l’Observatoire et vraisemblablement le mobilier le garnissant. Le présent canapé et le reste du mobilier de Heurtaut pourraient également faire partie de ce cadeau royal.
A la mort du roi, en 1774, bien que dorénavant dame d’atour de Mesdames, la comtesse vend son hôtel parisien au nouveau Surintendant des Bâtiments, Charles-Claude Flahaut de la Billarderie, comte d’Angivilliers et partage son temps entre Versailles, où elle sert en qualité de maîtresse des robes Madame Elisabeth, et le château de La Tour près de Saint Pierre de Canivet, construit plus tôt en 1769 par un certain architecte Basché sur ordre de son époux le comte Louis François Anne de Séran.
Le mobilier d’Heurtaut serait alors transféré de son hôtel particulier parisien au château de La Tour.
Heuraut continue à travailler pour la comtesse de Séran puisqu’il fournit des moulures sculptées en bois doré de filets à la grecque dans un style plus néoclassique (illustrées dans B. Pallot, op. cit., p. 231) s’accordant ainsi avec le château qui évoquait déjà « le style Louis XVI par sa sobriété et son dépouillement. »
A la fin du XVIIIe siècle, sur l’impulsion de Madame de Séran, le château devient « l’un des [lieux de] rendez-vous les plus célèbres des écrivains du temps. »

Les princes de Beauvau
C’est en 1827 que le prince Charles de Beauvau (1793-1864) acquiert le château de Sainte-Assise (Seine et Marne) où son fils Marc de Beauvau y séjourne régulièrement. C’est un château familial où l’on y a rassemblé une collection importante de mobilier où l’on retrouve notamment l’ensemble d’Heurtaut. Charles Louis de Beauvau (1878-1942) décide cependant de se séparer de la propriété familiale en 1922. Il est très probable alors que les antiquaires Marcel Bissey et Seligmann aient acquis des pièces de ce mobilier lors de la vente du château.

Le mobilier Heurtaut au XXe siècle
Le présent canapé appartient donc à un mobilier plus vaste, aujourd’hui dispersé, composé à l’origine de douze pièces : ce canapé d’alcôve, une paire de petits canapés - uniques en leur genre car à un accotoir appelés aussi coins de feu, une suite de huit fauteuils à la reine et un lit à la Polonaise.
Le présent canapé est cité par l’auteur Theunissen dans son ouvrage (op. cit.) avec la paire de petits canapés comme ayant été vus en 1933 dans la galerie de Jean Albert Seligmann (1903-1941) au 23, place Vendôme.
Puis on retrouve les petits canapés sur un cliché de l’exposition Les maîtres du XIXe siècle de la galerie Rosenberg au 21 rue La Boétie (Cat. Expo., « 21 rue La Boétie, Picasso, Matisse, Braque, Léger … », Paris, 2017, fig. 11) où le galeriste Paul Rosenberg (1881-1959) exposait les peintures surplombant les meubles luxueux de son beau-frère et antiquaire parisien Jacques Helft. Ces canapés seront ensuite acquis lors d’une vacation parisienne de Maître Ader le 14 mai 1965 sous le lot 67 par le prince Marc de Beauveau (1921-1982) pour réapparaître sur le marché de l’art en 2016 (vente Sotheby’s, Paris, 28 novembre 2016, lot 270).
Quant au présent canapé, il figure par la suite, très certainement par l’entremise de l’antiquaire et décorateur Marcel Bissey (né en 1901) dans les collections Ortiz-Linares. En effet, on le retrouve mentionné en 1955 ainsi que six des huit fauteuils dans les archives des Douanes en Angleterre (aujourd’hui conservées au Victoria & Albert Museum) ; l’état de connaissance actuel ne permettant pas de savoir si ces sept sièges sont entrés ou sortis de Grande-Bretagne en 1955.
Puis enfin il rejoint les collections Paul-Louis Weiller.
Le canapé et les deux coins de feu ont été conçus en suite. En effet, Bill Pallot dans 18e aux sources du Design précise que les petits canapés « devaient venir raccorder leur côté sans accotoir avec celui du canapé (…) formant ainsi un espace de conversation en fer à cheval. »
En 1982, les six fauteuils en question sont offerts au château de Versailles (inv. V 5212-5217) par Jaime Ortiz-Patino et Georges Ortiz-Linarès en souvenir de leurs parents.
Les deux autres fauteuils complétant la série ont également appartenu à Jorge Ortiz-Patino, pour ensuite gagner en 1968 la collection Leven, Paris pour finalement réapparaître sur le marché de l’art en 2014 (The Exceptional Sale, Christie’s, Londres, 10 juillet 2014, lot 12).
Enfin le lit à la Polonaise est aujourd’hui conservé au château de Versailles (inv. V 3809) grâce au don en 1962 de Guy du Boisrouvray et de sa fille Albina en souvenir de la comtesse du Boisrouvray née Patino.
Entre temps, ce lit est présenté dans deux expositions mémorables du musée des Arts Décoratifs de Paris : la première Chefs-d’œuvre de la Curiosité du Monde en 1954 sous le n°144 et la seconde Grands Ebénistes et Menuisiers parisiens du XVIIIe siècle en 1955-1956 sous le n°130.

Nicolas Heurtaut
Heurtaut est considéré comme l’un des plus grands menuisiers et sculpteurs virtuoses de sièges du milieu du XVIIIe siècle, adaptant son style de la rocaille à la transition Louis XV – Louis XVI afin de refléter les changements de goût et de mode.
Fils de Claude Heurtaut, Nicolas débute sa carrière de sculpteur en siège après son entrée à l’Académie de Saint-Luc en 1742 pour travailler dans les ateliers des grands maîtres menuisiers de l’époque : Tilliard, Sené puis probablement Avisse et Saint-George, avant de devenir lui-même maître-menuisier le 9 décembre 1755 et d’installer son atelier rue de Bourbon-Villeneuve à Paris.
Ainsi, à la fois sculpteur et menuisier, Heurtaut décore les meubles sortis de son propre atelier pour ensuite les envoyer en sous-traitance à d’autres corps de métier (doreur, tapissier, etc.). Ses clients étaient tout aussi variés allant des marchands, tapissiers à une clientèle aisée, dont le marquis de Villarceaux, le duc de Jaucourt et le duc de la Rochefoucault.
Le savoir-faire extraordinaire d’Heurtaut à travers l’extravagante ornementation rocaille de coquillages, volutes, feuilles de palmes et autres guirlandes florales s’illustre à merveille sur le présent canapé.
A juste titre, B. Pallot souligne les « bois larges, (l’)ampleur des proportions, (la) sculpture profonde et nerveuse » qui sont caractéristiques « de la manière de Heurtaut » pour ensuite attirer l’attention sur « la belle jonction console d’accotoir-traverse latérale à décor de rocaille, les branches de palmier montant de chaque côté des pieds, le puissant double C affronté enserrant une coquille à larges sillons, la bordure de châssis à l’imitation d’une passementerie à clous dorés – bordure que l’on retrouve curieusement sur les montants extérieurs du dossier et sur le montant opposé à l’accotoir unique des deux petits canapés – et enfin, les larges montants torsadés s’ouvrant en partie supérieure sur les côtés. »
P. Kjellberg décrit avec justesse son style : « un rythme nerveux et en même temps parfaitement harmonieux semble animer les fauteuils dont le décor est chaque fois légèrement différent. » (Kjellberg, op. cit., p. 441).

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