Lot Essay
Né à Avignon, Joseph Vernet se rend en Italie à l'âge de vingt ans en cultivant l'ambition de devenir peintre d'histoire. Ses goûts, l'attrait des paysages italiens et la découverte de l'art de Claude Gellée, de Salvator Rosa et d'Andrea Locatelli l'incitent toutefois à s'orienter rapidement vers la peinture de paysage.
Le séjour italien de Joseph Vernet dure une vingtaine d'années, entre 1734 et 1752, années au cours desquelles le peintre voyage dans les régions de Rome et de Naples dont les paysages ne vont cesser de l'inspirer tout au long de sa carrière. Sa réputation de peintre de paysages et de marines s'étend rapidement, ce qui lui vaut de devenir membre de l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture en 1746.
Joseph Vernet rentre définitivement en France en 1753. Pendant dix années, son oeuvre est essentiellement marquée par la série des Ports de France, l'une des plus importantes commandes royales du règne de Louis XV.
A partir de 1765, et jusqu'à la fin de sa vie, il revient aux thèmes qui lui sont chers et qui lui avaient précédemment valu le succès, notamment des paysages, des marines, des clairs de lune et des tempêtes inspirés de son séjour en Italie.
C'est pendant cette période que Joseph Vernet a peint ce tableau, généralement présenté sous le titre des Environs de Reggio en Calabre, ainsi que son pendant, L'Entrée du Port de Palerme (Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg, fig. 1), tous deux datés de 1769.
Lorsque Vernet peint ce tableau, il est à l'apogée de son succès. Il bénéficie en effet des commandes les plus prestigieuses de sa carrière. Tous les grands collectionneurs français, qu'il s'agisse de Randon de Boisset, de Jullienne, de La Live, de Villette ou du comte de Caylus lui commandent des oeuvres. Sa réputation dépasse les frontières françaises et, ainsi qu'en atteste son Livre de Raison, il bénéficie de nombreuses commandes de collectionneurs étrangers, notamment anglais et russes (en 1769, date de ce tableau, il reçoit en particulier une commande de la part de l'Impératrice de Russie, Catherine II).
Célébré par la critique, il bénéficie des louanges de Marmontel ou de Grimm. Son oeuvre suscite surtout l'enthousiasme de Diderot qui considère qu'il élève le genre du paysage à celui de la peinture d'histoire et célèbre sa capacité à peindre non seulement la puissance de la nature mais également le caractère profondément humain de ses oeuvres. Ce dernier écrit notamment, à propos de ses tableaux exposés lors du Salon de 1765, "Vernet balance Claude Le Lorrain dans l'art d'élever des vapeurs sur la toile et il lui est infiniment supérieur dans l'invention des scènes, le dessin des figures, la variété des incidents et le reste. Le premier n'est qu'un grand paysagiste tout court, l'autre est un peintre d'histoire selon mon sens".
Les Environs de Reggio en Calabre constitue la synthèse des différences influences qui ont marqué l'art de Vernet. On y retrouve ainsi à la fois ce sentiment de la nature que Vernet a hérité de son séjour italien et toute une volonté d'humanisation, résultant de l'introduction de nombreux détails savoureux, caractéristique de la période française de Vernet. Vernet introduit des figures contemporaines pleines de vie et campées avec réalisme, animant ses compositions de pêcheurs, baigneuses et lavandières, très caractéristiques de son oeuvre. Au sublime de Poussin et au mystère de Lorrain, Vernet substitue une réalité poétique, introduisant un langage humain et familier.
Il ne faut sans doute pas chercher dans ce tableau une image exacte des environs de Reggio. Ainsi que le souligne Léon Lagrange dans son ouvrage consacré à l'oeuvre de Vernet (Joseph Vernet et la peinture au XVIIIème siècle, Paris, 1864), Vernet n'a jamais peint un véritable paysage d'après nature, excepté les ports de France et quelques vues d'Avignon et paysages romains. Il est d'ailleurs à peu près certain que Joseph Vernet n'est jamais allé à Reggio de Calabre, et encore moins à Palerme en Sicile, lieu qu'est censé représenter le pendant de ce tableau. Dans la plupart des cas, les titres des tableaux de Vernet ont d'ailleurs été donnés non pas par l'artiste lui-même, mais par les graveurs ou par les éditeurs des gravures réalisées d'après l'oeuvre de Vernet. Il est donc probable que le titre de ce tableau est une invention de Nicolas Dufour (1724-1818) qui a gravé ce tableau et son pendant (fig. 2).
D'ailleurs, certains détails de la composition de ce tableau, comme le temple et un groupe de personnages, ont été repris (en sens inverse) quelques années plus tard, en 1773, par Joseph Vernet dans un autre tableau, commandé par le Roi de Pologne Stanislas II Auguste Poniatowski et finalement acquis par Robert Clive, et dont le titre (Calme : paysage au coucher du soleil avec le retour des pêcheurs) ne mentionne nullement les environs de Reggio.
Ce tableau bénéficie d'une provenance prestigieuse. Selon les indications figurant sur la gravure, ce tableau aurait à l'origine fait partie du cabinet de Monsieur de Longvillers à Montreuil-sur-Mer.
Selon Clément de Ris (op. cit.), il serait par la suite entré, avec son pendant, L'entrée du Port de Palerme (fig. 1), dans la collection de Jean-Baptiste-Laurent Boyer de Fonscolombe (1716-1788), collectionneur réputé de la ville d'Aix-en-Provence, dont le cabinet rassemblait de nombreux tableaux, dessins et estampes des artistes les plus prestigieux, passés ou contemporains (Poussin, Le Lorrain, Rembrandt, Boucher, Fragonard, Greuze, Pannini et Van Goyen). On sait notamment que sa collection comprenait plus de 200 tableaux et près de 1500 dessins. Boyer de Fonscolombe avait commandé plusieurs oeuvres à Joseph Vernet pour son cabinet, notamment une Partie de roches dans la manière de Salvator Rosa qui fut dans la vente de sa succession en 1790 et un Clair de Lune commandé à l'artiste en 1771, ainsi qu'en atteste le Livre de Raison de Joseph Vernet.
Ce tableau est probablement resté dans la famille Boyer de Fonscolombe après le décès de Jean-Baptiste-Laurent Boyer de Fonscolombe, puisqu'il ne figure pas dans les ventes de sa succession (18 janvier 1790 à Aix et 13 décembre 1790 à Paris).
En 1803, le tableau est acquis par le Tsar Alexandre Ier pour le musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg par l'intermédiaire du marchand Pirling et Cie, avec un autre tableau de Vernet, Vue aux environs de Città Nuova, exécuté par l'artiste en 1761, les deux tableaux ayant été payés 4.000 roubles. Le tableau porte au dos les numéros d'inventaire de l'Ermitage, notamment le numéro '1559', numéro sous lequel il est répertorié dans la plupart des catalogues de l'Ermitage (Fig. 3).
Le pendant de ce tableau, L'Entrée du Port de Palerme (Fig. 1), aurait également été acquis par l'Ermitage à la même époque et se trouve encore dans les collections du musée (numéro d'inventaire 1550). Si l'on se réfère au catalogue des collections de l'Ermitage rédigé par Louis Réau en 1929, l'acquisition de L'Entrée du Port de Palerme par le musée de l'Ermitage aurait probablement eu lieu quelques années avant l'acquisition des Environs de Reggio en Calabre, sous le règne du Tsar Paul Ier. Certains ouvrages, comme celui de F. Ingersoll-Smousse (op. cit.) ou celui de I. S. Nemilova (op. cit.), mentionnent en revanche que le tableau aurait été reçu par l'Ermitage en 1803 du marchand Pirling, c'est à dire en même temps que Les Environs de Reggio en Calabre.
C'est pendant son séjour en Russie que le tableau a fait l'objet d'un rentoilage, en 1840 (au dos de la toile et du châssis, on relève plusieurs indications d'inventaires russes et la mention suivante, en russe, 'Transposé d'une toile abîmée sur une toile neuve par M. A. Mitrochine en 1840 à St Pétersbourg' ; Fig. 3).
La tableau a quitté les collections de l'Ermitage le 28 mai 1933 pour être transmis à Antiqvariat (archives de l'Ermitage, Fond 1, série 5, no. 1521, p. 13), l'agence sociétique qui était chargée de vendre à l'étranger des tableaux des collections russes (entre 1928 et 1933, Antiqvariat a vendu 2.880 tableaux de l'Ermitage à des acheteurs étrangers).
C'est probablement par ce biais que Paul Cailleux a acquis le tableau. Le tableau fut exposé à deux reprises, en 1935 à Copenhague puis en 1947 à la Galerie Charpentier à Paris avant d'être vendu le 16 février 1951 à la famille de l'actuel propriétaire.
Le séjour italien de Joseph Vernet dure une vingtaine d'années, entre 1734 et 1752, années au cours desquelles le peintre voyage dans les régions de Rome et de Naples dont les paysages ne vont cesser de l'inspirer tout au long de sa carrière. Sa réputation de peintre de paysages et de marines s'étend rapidement, ce qui lui vaut de devenir membre de l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture en 1746.
Joseph Vernet rentre définitivement en France en 1753. Pendant dix années, son oeuvre est essentiellement marquée par la série des Ports de France, l'une des plus importantes commandes royales du règne de Louis XV.
A partir de 1765, et jusqu'à la fin de sa vie, il revient aux thèmes qui lui sont chers et qui lui avaient précédemment valu le succès, notamment des paysages, des marines, des clairs de lune et des tempêtes inspirés de son séjour en Italie.
C'est pendant cette période que Joseph Vernet a peint ce tableau, généralement présenté sous le titre des Environs de Reggio en Calabre, ainsi que son pendant, L'Entrée du Port de Palerme (Musée de l'Ermitage, Saint-Pétersbourg, fig. 1), tous deux datés de 1769.
Lorsque Vernet peint ce tableau, il est à l'apogée de son succès. Il bénéficie en effet des commandes les plus prestigieuses de sa carrière. Tous les grands collectionneurs français, qu'il s'agisse de Randon de Boisset, de Jullienne, de La Live, de Villette ou du comte de Caylus lui commandent des oeuvres. Sa réputation dépasse les frontières françaises et, ainsi qu'en atteste son Livre de Raison, il bénéficie de nombreuses commandes de collectionneurs étrangers, notamment anglais et russes (en 1769, date de ce tableau, il reçoit en particulier une commande de la part de l'Impératrice de Russie, Catherine II).
Célébré par la critique, il bénéficie des louanges de Marmontel ou de Grimm. Son oeuvre suscite surtout l'enthousiasme de Diderot qui considère qu'il élève le genre du paysage à celui de la peinture d'histoire et célèbre sa capacité à peindre non seulement la puissance de la nature mais également le caractère profondément humain de ses oeuvres. Ce dernier écrit notamment, à propos de ses tableaux exposés lors du Salon de 1765, "Vernet balance Claude Le Lorrain dans l'art d'élever des vapeurs sur la toile et il lui est infiniment supérieur dans l'invention des scènes, le dessin des figures, la variété des incidents et le reste. Le premier n'est qu'un grand paysagiste tout court, l'autre est un peintre d'histoire selon mon sens".
Les Environs de Reggio en Calabre constitue la synthèse des différences influences qui ont marqué l'art de Vernet. On y retrouve ainsi à la fois ce sentiment de la nature que Vernet a hérité de son séjour italien et toute une volonté d'humanisation, résultant de l'introduction de nombreux détails savoureux, caractéristique de la période française de Vernet. Vernet introduit des figures contemporaines pleines de vie et campées avec réalisme, animant ses compositions de pêcheurs, baigneuses et lavandières, très caractéristiques de son oeuvre. Au sublime de Poussin et au mystère de Lorrain, Vernet substitue une réalité poétique, introduisant un langage humain et familier.
Il ne faut sans doute pas chercher dans ce tableau une image exacte des environs de Reggio. Ainsi que le souligne Léon Lagrange dans son ouvrage consacré à l'oeuvre de Vernet (Joseph Vernet et la peinture au XVIIIème siècle, Paris, 1864), Vernet n'a jamais peint un véritable paysage d'après nature, excepté les ports de France et quelques vues d'Avignon et paysages romains. Il est d'ailleurs à peu près certain que Joseph Vernet n'est jamais allé à Reggio de Calabre, et encore moins à Palerme en Sicile, lieu qu'est censé représenter le pendant de ce tableau. Dans la plupart des cas, les titres des tableaux de Vernet ont d'ailleurs été donnés non pas par l'artiste lui-même, mais par les graveurs ou par les éditeurs des gravures réalisées d'après l'oeuvre de Vernet. Il est donc probable que le titre de ce tableau est une invention de Nicolas Dufour (1724-1818) qui a gravé ce tableau et son pendant (fig. 2).
D'ailleurs, certains détails de la composition de ce tableau, comme le temple et un groupe de personnages, ont été repris (en sens inverse) quelques années plus tard, en 1773, par Joseph Vernet dans un autre tableau, commandé par le Roi de Pologne Stanislas II Auguste Poniatowski et finalement acquis par Robert Clive, et dont le titre (Calme : paysage au coucher du soleil avec le retour des pêcheurs) ne mentionne nullement les environs de Reggio.
Ce tableau bénéficie d'une provenance prestigieuse. Selon les indications figurant sur la gravure, ce tableau aurait à l'origine fait partie du cabinet de Monsieur de Longvillers à Montreuil-sur-Mer.
Selon Clément de Ris (op. cit.), il serait par la suite entré, avec son pendant, L'entrée du Port de Palerme (fig. 1), dans la collection de Jean-Baptiste-Laurent Boyer de Fonscolombe (1716-1788), collectionneur réputé de la ville d'Aix-en-Provence, dont le cabinet rassemblait de nombreux tableaux, dessins et estampes des artistes les plus prestigieux, passés ou contemporains (Poussin, Le Lorrain, Rembrandt, Boucher, Fragonard, Greuze, Pannini et Van Goyen). On sait notamment que sa collection comprenait plus de 200 tableaux et près de 1500 dessins. Boyer de Fonscolombe avait commandé plusieurs oeuvres à Joseph Vernet pour son cabinet, notamment une Partie de roches dans la manière de Salvator Rosa qui fut dans la vente de sa succession en 1790 et un Clair de Lune commandé à l'artiste en 1771, ainsi qu'en atteste le Livre de Raison de Joseph Vernet.
Ce tableau est probablement resté dans la famille Boyer de Fonscolombe après le décès de Jean-Baptiste-Laurent Boyer de Fonscolombe, puisqu'il ne figure pas dans les ventes de sa succession (18 janvier 1790 à Aix et 13 décembre 1790 à Paris).
En 1803, le tableau est acquis par le Tsar Alexandre Ier pour le musée de l'Ermitage à Saint-Pétersbourg par l'intermédiaire du marchand Pirling et Cie, avec un autre tableau de Vernet, Vue aux environs de Città Nuova, exécuté par l'artiste en 1761, les deux tableaux ayant été payés 4.000 roubles. Le tableau porte au dos les numéros d'inventaire de l'Ermitage, notamment le numéro '1559', numéro sous lequel il est répertorié dans la plupart des catalogues de l'Ermitage (Fig. 3).
Le pendant de ce tableau, L'Entrée du Port de Palerme (Fig. 1), aurait également été acquis par l'Ermitage à la même époque et se trouve encore dans les collections du musée (numéro d'inventaire 1550). Si l'on se réfère au catalogue des collections de l'Ermitage rédigé par Louis Réau en 1929, l'acquisition de L'Entrée du Port de Palerme par le musée de l'Ermitage aurait probablement eu lieu quelques années avant l'acquisition des Environs de Reggio en Calabre, sous le règne du Tsar Paul Ier. Certains ouvrages, comme celui de F. Ingersoll-Smousse (op. cit.) ou celui de I. S. Nemilova (op. cit.), mentionnent en revanche que le tableau aurait été reçu par l'Ermitage en 1803 du marchand Pirling, c'est à dire en même temps que Les Environs de Reggio en Calabre.
C'est pendant son séjour en Russie que le tableau a fait l'objet d'un rentoilage, en 1840 (au dos de la toile et du châssis, on relève plusieurs indications d'inventaires russes et la mention suivante, en russe, 'Transposé d'une toile abîmée sur une toile neuve par M. A. Mitrochine en 1840 à St Pétersbourg' ; Fig. 3).
La tableau a quitté les collections de l'Ermitage le 28 mai 1933 pour être transmis à Antiqvariat (archives de l'Ermitage, Fond 1, série 5, no. 1521, p. 13), l'agence sociétique qui était chargée de vendre à l'étranger des tableaux des collections russes (entre 1928 et 1933, Antiqvariat a vendu 2.880 tableaux de l'Ermitage à des acheteurs étrangers).
C'est probablement par ce biais que Paul Cailleux a acquis le tableau. Le tableau fut exposé à deux reprises, en 1935 à Copenhague puis en 1947 à la Galerie Charpentier à Paris avant d'être vendu le 16 février 1951 à la famille de l'actuel propriétaire.