Lot Essay
Arrivé à Paris en 1884, Émile-Antoine Bourdelle intègre l’atelier de Falguière à l’École des Beaux-Arts, avant d’être engagé par Rodin
comme praticien vers 1893. Les deux hommes se lient rapidement d’amitié, et Rodin apporte à Bourdelle un soutien précieux au début de sa carrière, lui permettant d’exploiter ses dons avec une liberté que n’aurait pas permis les méthodes officielles. Comme le dit Rodin au sujet de son protégé : «Bourdelle est un de ces hommes et de ces artistes dont on doit parler. C’est un éclaireur de l’avenir» (‘Émile-Antoine Bourdelle’, in Volne Smery, Paris, 1909). Si l’infuence du maître est manifeste dans l’oeuvre de Bourdelle, ce
dernier cherche rapidement à gagner en indépendance et à afirmer son propre style. Evoquant Rodin, il écrit en 1905: «j’ai travaillé pour lui, et je le fréquente et l’admire profondément. Mais celui qui suit restera toujours en arrière. J’ai donc acquis toute la science que j’ai été capable d’acquérir des autres et après digestion je tends de toute ma pente naturelle à rester moi» (cité in P. Curtis, Lettre d’Émile-Antoine Bourdelle, Paris, 1988, p. 171).
Héraklès archer est ainsi l’oeuvre de la rupture, de l’envol. Si dès 1900, Bourdelle se tourne vers les sujets mythologiques, l’idée de l’Héraklès naît quant à elle d’une rencontre heureuse avec le commandant Doyen-Parigot, chez Rodin. Ce capitaine de cuirassiers, à l’imposante carrure et à la musculature exagérément développée, se porte comme modèle volontaire auprès du sculpteur. Impressionné par son physique inhabituel, Bourdelle s’attaque au modelage, et laisse ses mains travailler librement, sans objectif prédéfni. La position des membres, l’inclinaison de l’arc, évoluent au fl des heures de pose que le commandant décompte dans un carnet, au nombre de dix. Les maquettes se succèdent, ayant toutes en commun la posture audacieuse et l’équilibre presque intenable qui caractérisent l’Héraklès final. Si sur plusieurs esquisses le visage du commandant est identifable, il est modifé par Bourdelle à la demande du modèle pour les trois dernières étapes (Petit Héraklès, Héraklès, Intermédiaire, première étude et Héraklès, Intermédiaire défnitif).
Ce visage, «cette tête âpre et terrible, qui exprime la résolution farouche et le calcul avisé, tête de conquistador cruel et cupide» (G. de Céli, Gazette de France, 14 avril 1910), contribue largement au succès du sujet lors de sa première exposition en 1910. L’accueil du public est particulièrement chaleureux et la critique salue unanimement le travail de Bourdelle: «L’Hercule tuant les oiseaux du lac Stymphale, de M. Émile Bourdelle, est non seulement l’oeuvre la plus importante du Salon, mais encore l’un des plus remarquables et des plus audacieux morceaux de sculpture qu’il nous ait été donné de voir en ces dernières années» (E. Charles, Liberté, 28 avril 1910). La taille monumentale présentée à la Société nationale des Beaux-Arts est obtenue mécaniquement à partir d’un plâtre de l’Héraklès, Intermédiaire définitif, dont nous présentons ici une épreuve en bronze. Oferte par l’École des ponts et chaussées et son personnel au directeur Joseph Verdin à l’occasion de son départ à la retraite en 1923, elle a été précieusement conservée au sein de sa famille depuis lors, et est la première fonte anthume de l’Héraklès, Intermédiaire défnitif jamais présentée en vente publique.
Having arrived in Paris in 1884, Émile-Antoine Bourdelle joined Falguière’s studio at the École des Beaux-arts, before Rodin appointed him as an assistant in around 1893. The two men quickly became friends and Rodin gave Bourdelle valuable support at the beginning of his career, enabling him to make use of his talents with a freedom that oficial methods would not have permitted. As Rodin said on the subject of his protégé “Bourdelle is one of those people and artists that one has to talk about. He is a pathfnder of the future” (‘Émile-Antoine Bourdelle’ in Volne Smery, Paris, 1909). While the infuence of the master is evident in his work, Bourdelle soon sought to become more independent and establish his own style. Referring to Rodin, in 1905 he wrote: “I worked for him, and I spend time with him and profoundly admire him. But who follows will always be looking back. So I learned all the science I was capable of learning from others and after digesting it I aim with all my natural inclination to remain myself” (cited in P. Curtis, Lettre d’Émile-
Antoine Bourdelle, Paris, 1988, p. 171). Héraklès archer is the breakaway work, when Bourdelle takes to the wing and fies. While from 1900, Bourdelle turned to mythological subjects, the idea of Héraklès resulted from a fortuitous meeting with Commander Doyen-Parigot at Rodin’s. This ‘cuirassier’ captain, of impressive stature and over-developed muscles, was a willing model for the sculptor. Impressed by his unusual physique, Bourdelle launched into the modelling, letting his hands work freely, with no predefned objective. The position of the limbs, the angle of the bow, evolved over the ten hours of posing that the commander recorded in a notebook. Maquettes followed one after the other, all sharing in common the daring posture and almost untenable balance that characterised the final Héraklès. Although the commander’s face is identifiable in several of the versions, at the request of the model it was altered for the final three stages (Petit Héraklès, Héraklès, Intermédiaire, première étude et Héraklès, Intermédiaire
définitif). This face, “this cruel and terrible head, which expresses ferce determination and shrewd calculation, the head of a cruel and grasping conquistador” (G. de Céli, Gazette de France, 14 April 1910), largely contributed to the success of the subject when it was frst exhibited in 1910. The public response was particularly receptive and the critics unanimously hailed Bourdelle’s work: “Hercules killing the birds of Lake Stymphale, by M. Émile Bourdelle, is not only the most important work in the Show but indeed one of the most remarkable and most audacious pieces of sculpture that we have seen in recent years” (E. Charles, Liberté, 28 April 1910). The monumental carving presented to the Société nationale des Beaux-Arts was mechanically enlarged from a plaster Héraklès, Intermédiaire défnitif, a bronze copy of which we present here. Presented by the École des ponts et chaussées and its staf to its director, Joseph Verdin, on his retirement in 1923, it has been kept safe and sound in the family ever since, and is the frst lifetime cast of Héraklès, Intermédiaire défnitif ever presented at auction.
comme praticien vers 1893. Les deux hommes se lient rapidement d’amitié, et Rodin apporte à Bourdelle un soutien précieux au début de sa carrière, lui permettant d’exploiter ses dons avec une liberté que n’aurait pas permis les méthodes officielles. Comme le dit Rodin au sujet de son protégé : «Bourdelle est un de ces hommes et de ces artistes dont on doit parler. C’est un éclaireur de l’avenir» (‘Émile-Antoine Bourdelle’, in Volne Smery, Paris, 1909). Si l’infuence du maître est manifeste dans l’oeuvre de Bourdelle, ce
dernier cherche rapidement à gagner en indépendance et à afirmer son propre style. Evoquant Rodin, il écrit en 1905: «j’ai travaillé pour lui, et je le fréquente et l’admire profondément. Mais celui qui suit restera toujours en arrière. J’ai donc acquis toute la science que j’ai été capable d’acquérir des autres et après digestion je tends de toute ma pente naturelle à rester moi» (cité in P. Curtis, Lettre d’Émile-Antoine Bourdelle, Paris, 1988, p. 171).
Héraklès archer est ainsi l’oeuvre de la rupture, de l’envol. Si dès 1900, Bourdelle se tourne vers les sujets mythologiques, l’idée de l’Héraklès naît quant à elle d’une rencontre heureuse avec le commandant Doyen-Parigot, chez Rodin. Ce capitaine de cuirassiers, à l’imposante carrure et à la musculature exagérément développée, se porte comme modèle volontaire auprès du sculpteur. Impressionné par son physique inhabituel, Bourdelle s’attaque au modelage, et laisse ses mains travailler librement, sans objectif prédéfni. La position des membres, l’inclinaison de l’arc, évoluent au fl des heures de pose que le commandant décompte dans un carnet, au nombre de dix. Les maquettes se succèdent, ayant toutes en commun la posture audacieuse et l’équilibre presque intenable qui caractérisent l’Héraklès final. Si sur plusieurs esquisses le visage du commandant est identifable, il est modifé par Bourdelle à la demande du modèle pour les trois dernières étapes (Petit Héraklès, Héraklès, Intermédiaire, première étude et Héraklès, Intermédiaire défnitif).
Ce visage, «cette tête âpre et terrible, qui exprime la résolution farouche et le calcul avisé, tête de conquistador cruel et cupide» (G. de Céli, Gazette de France, 14 avril 1910), contribue largement au succès du sujet lors de sa première exposition en 1910. L’accueil du public est particulièrement chaleureux et la critique salue unanimement le travail de Bourdelle: «L’Hercule tuant les oiseaux du lac Stymphale, de M. Émile Bourdelle, est non seulement l’oeuvre la plus importante du Salon, mais encore l’un des plus remarquables et des plus audacieux morceaux de sculpture qu’il nous ait été donné de voir en ces dernières années» (E. Charles, Liberté, 28 avril 1910). La taille monumentale présentée à la Société nationale des Beaux-Arts est obtenue mécaniquement à partir d’un plâtre de l’Héraklès, Intermédiaire définitif, dont nous présentons ici une épreuve en bronze. Oferte par l’École des ponts et chaussées et son personnel au directeur Joseph Verdin à l’occasion de son départ à la retraite en 1923, elle a été précieusement conservée au sein de sa famille depuis lors, et est la première fonte anthume de l’Héraklès, Intermédiaire défnitif jamais présentée en vente publique.
Having arrived in Paris in 1884, Émile-Antoine Bourdelle joined Falguière’s studio at the École des Beaux-arts, before Rodin appointed him as an assistant in around 1893. The two men quickly became friends and Rodin gave Bourdelle valuable support at the beginning of his career, enabling him to make use of his talents with a freedom that oficial methods would not have permitted. As Rodin said on the subject of his protégé “Bourdelle is one of those people and artists that one has to talk about. He is a pathfnder of the future” (‘Émile-Antoine Bourdelle’ in Volne Smery, Paris, 1909). While the infuence of the master is evident in his work, Bourdelle soon sought to become more independent and establish his own style. Referring to Rodin, in 1905 he wrote: “I worked for him, and I spend time with him and profoundly admire him. But who follows will always be looking back. So I learned all the science I was capable of learning from others and after digesting it I aim with all my natural inclination to remain myself” (cited in P. Curtis, Lettre d’Émile-
Antoine Bourdelle, Paris, 1988, p. 171). Héraklès archer is the breakaway work, when Bourdelle takes to the wing and fies. While from 1900, Bourdelle turned to mythological subjects, the idea of Héraklès resulted from a fortuitous meeting with Commander Doyen-Parigot at Rodin’s. This ‘cuirassier’ captain, of impressive stature and over-developed muscles, was a willing model for the sculptor. Impressed by his unusual physique, Bourdelle launched into the modelling, letting his hands work freely, with no predefned objective. The position of the limbs, the angle of the bow, evolved over the ten hours of posing that the commander recorded in a notebook. Maquettes followed one after the other, all sharing in common the daring posture and almost untenable balance that characterised the final Héraklès. Although the commander’s face is identifiable in several of the versions, at the request of the model it was altered for the final three stages (Petit Héraklès, Héraklès, Intermédiaire, première étude et Héraklès, Intermédiaire
définitif). This face, “this cruel and terrible head, which expresses ferce determination and shrewd calculation, the head of a cruel and grasping conquistador” (G. de Céli, Gazette de France, 14 April 1910), largely contributed to the success of the subject when it was frst exhibited in 1910. The public response was particularly receptive and the critics unanimously hailed Bourdelle’s work: “Hercules killing the birds of Lake Stymphale, by M. Émile Bourdelle, is not only the most important work in the Show but indeed one of the most remarkable and most audacious pieces of sculpture that we have seen in recent years” (E. Charles, Liberté, 28 April 1910). The monumental carving presented to the Société nationale des Beaux-Arts was mechanically enlarged from a plaster Héraklès, Intermédiaire défnitif, a bronze copy of which we present here. Presented by the École des ponts et chaussées and its staf to its director, Joseph Verdin, on his retirement in 1923, it has been kept safe and sound in the family ever since, and is the frst lifetime cast of Héraklès, Intermédiaire défnitif ever presented at auction.