Lot Essay
Cette découverte est une très belle addition à l’œuvre de Giandomenico Tiepolo (1727-1804). Elle représente saint Jean Gualbert, fondateur de la congrégation des Vallombrosains. Fils d’une riche famille florentine, la vie de Jean change le jour où il pardonne à l’assassin de son frère en méditant sur la Passion du Christ. Il entre alors au monastère de San Miniato al Monte où il prend l'habit bénédictin, profondément transformé par son acte de rémission. Jean y est toutefois choqué par la simonie de l’évêque de Florence et la dénonce, avant de se retirer pour mener une vie plus austère d’ermite. En 1015, il se retire sans cléricature à Vallombreuse. Il y prend la direction de la communauté comme prévôt, puis comme abbé, après avoir accueilli de nombreux moines de San Miniato. La confrérie à Vallombreuse se fonde ainsi sur la règle de saint Benoit, tout en s’inspirant des enseignements des anciens Pères, et insiste sur la charité et la vie commune.
Le tableau de Tiepolo retranscrit deux évènements miraculeux de la vie du saint. Dans un premier temps, la croix qu’il tient se réfère à la vision qu’il reçoit en priant devant le grand crucifix de San Miniato – il vient tout juste de pardonner au bourreau de son frère, et la tête du Christ s’incline en signe d’absolution. Dans notre tableau, la tête du crucifix se tourne légèrement vers le saint, faisant écho à ce miracle. Plus subtilement, la maçonnerie derrière le saint renvoie probablement à l’histoire du monastère jugé trop luxueux par le saint, et qui s’effondra sur son ordre.
La remarquable conservation de ce tableau nous laisse admirer la luminosité subtile du coloris de Giandomenico, digne héritier de son père et maître, Giambattista Tiepolo (1696-1770). Dans l’atelier, fils et père œuvraient ensemble, en compagnie du frère de Giandomenico, Lorenzo (1736-1776), qui s’était pour sa part spécialisé dans la technique du pastel. Du fait de cette collaboration, aussi bien pour les tableaux que pour les fresques, le talent des fils resta longtemps dans l’obscurité.
Ce n’est qu’en 1971, avec le catalogue d’Adriano Mariuz (1938-2003) que l’œuvre de Giandomenico reçoit l’attention qu’elle méritait. Cet ouvrage nous apprend que les mécènes recherchaient particulièrement les œuvres de Giandomenico lorsqu’il s’agissait des tableaux de petit format voués à la dévotion privée. On connait aujourd’hui de sa main plusieurs tableaux qui représentent des saints à mi-corps, à l’exemple du Saint Louis de Gonzague conservé à la Pinacoteca di Brera à Milan, du Saint Joseph et l’Enfant Jésus du Museo Civico de Padoue et du Saint Dominique conservé au Museo Civico d’Udine.
Dans ces tableaux de dévotion, tout comme dans le nôtre, la fascination de Giandomenico pour la vie quotidienne est apparente ; ce sont ces petits détails touchants voire anecdotiques qui rendent les sujets religieux si humains. Ici ce sont surtout le sourire de saint Jean, avec deux dents légèrement écartées, ses rides, exécutées avec de vifs coups de pinceau, et ses mains rougeaudes, qui donnent toute son humanité à la figure du saint. Cette personne connait la pauvreté, le travail dur, la souffrance, mais elle est transformée en image radieuse, d’abord par la grâce de Dieu, puis par le talent du peintre. La sensibilité de Giandomenico pour les aspects poignants de la condition humaine résonne dans tout son œuvre. Bien qu’également présente dans les œuvres du père, ce n’est que dans les tableaux du fils qu’une place centrale leur est accordée.
Il existe différentes versions de cette composition, l’une se trouve au musée Rollins en Floride (inv. 1961.04), et une autre, seulement 'attribuée à Giandomenico' est récemment apparue sur le marché parisien (vente Drouot Estimations, hôtel Drouot, Paris, 16 avril 2022). Il est probable que la version du musée Rollins soit celle ayant figuré dans les collections du musée Martin von Wagner, à Würzburg, et qui avait été publiée dans le catalogue d’Adriano Mariuz en 1971 (A. Mariuz, Giandomenico Tiepolo, Venise, 1971, p. 152). Il la datait du début des années cinquante, période durant laquelle les Tiepolo travaillaient dans cette ville.
Un dessin préparatoire des mains et du crucifix a été identifié par l’historien Giorgio Vigni parmi la collection du musée Correr à Venise (inv. Cl. III, n. 7084) (A. Mariuz, op. cit., p. 152). Les traits du modèle de saint Jean Gualbert ont dû plaire à l’artiste puisqu’on les retrouve dans un tableau du même format conservé à l’Ambrosiana à Milan, représentant un évêque.
Nous remercions Adelheid M. Gealt de son aide apportée à la rédaction de cette notice.
Le tableau de Tiepolo retranscrit deux évènements miraculeux de la vie du saint. Dans un premier temps, la croix qu’il tient se réfère à la vision qu’il reçoit en priant devant le grand crucifix de San Miniato – il vient tout juste de pardonner au bourreau de son frère, et la tête du Christ s’incline en signe d’absolution. Dans notre tableau, la tête du crucifix se tourne légèrement vers le saint, faisant écho à ce miracle. Plus subtilement, la maçonnerie derrière le saint renvoie probablement à l’histoire du monastère jugé trop luxueux par le saint, et qui s’effondra sur son ordre.
La remarquable conservation de ce tableau nous laisse admirer la luminosité subtile du coloris de Giandomenico, digne héritier de son père et maître, Giambattista Tiepolo (1696-1770). Dans l’atelier, fils et père œuvraient ensemble, en compagnie du frère de Giandomenico, Lorenzo (1736-1776), qui s’était pour sa part spécialisé dans la technique du pastel. Du fait de cette collaboration, aussi bien pour les tableaux que pour les fresques, le talent des fils resta longtemps dans l’obscurité.
Ce n’est qu’en 1971, avec le catalogue d’Adriano Mariuz (1938-2003) que l’œuvre de Giandomenico reçoit l’attention qu’elle méritait. Cet ouvrage nous apprend que les mécènes recherchaient particulièrement les œuvres de Giandomenico lorsqu’il s’agissait des tableaux de petit format voués à la dévotion privée. On connait aujourd’hui de sa main plusieurs tableaux qui représentent des saints à mi-corps, à l’exemple du Saint Louis de Gonzague conservé à la Pinacoteca di Brera à Milan, du Saint Joseph et l’Enfant Jésus du Museo Civico de Padoue et du Saint Dominique conservé au Museo Civico d’Udine.
Dans ces tableaux de dévotion, tout comme dans le nôtre, la fascination de Giandomenico pour la vie quotidienne est apparente ; ce sont ces petits détails touchants voire anecdotiques qui rendent les sujets religieux si humains. Ici ce sont surtout le sourire de saint Jean, avec deux dents légèrement écartées, ses rides, exécutées avec de vifs coups de pinceau, et ses mains rougeaudes, qui donnent toute son humanité à la figure du saint. Cette personne connait la pauvreté, le travail dur, la souffrance, mais elle est transformée en image radieuse, d’abord par la grâce de Dieu, puis par le talent du peintre. La sensibilité de Giandomenico pour les aspects poignants de la condition humaine résonne dans tout son œuvre. Bien qu’également présente dans les œuvres du père, ce n’est que dans les tableaux du fils qu’une place centrale leur est accordée.
Il existe différentes versions de cette composition, l’une se trouve au musée Rollins en Floride (inv. 1961.04), et une autre, seulement 'attribuée à Giandomenico' est récemment apparue sur le marché parisien (vente Drouot Estimations, hôtel Drouot, Paris, 16 avril 2022). Il est probable que la version du musée Rollins soit celle ayant figuré dans les collections du musée Martin von Wagner, à Würzburg, et qui avait été publiée dans le catalogue d’Adriano Mariuz en 1971 (A. Mariuz, Giandomenico Tiepolo, Venise, 1971, p. 152). Il la datait du début des années cinquante, période durant laquelle les Tiepolo travaillaient dans cette ville.
Un dessin préparatoire des mains et du crucifix a été identifié par l’historien Giorgio Vigni parmi la collection du musée Correr à Venise (inv. Cl. III, n. 7084) (A. Mariuz, op. cit., p. 152). Les traits du modèle de saint Jean Gualbert ont dû plaire à l’artiste puisqu’on les retrouve dans un tableau du même format conservé à l’Ambrosiana à Milan, représentant un évêque.
Nous remercions Adelheid M. Gealt de son aide apportée à la rédaction de cette notice.