Lot Essay
Emblématique de la rupture qui s’opère dans l’œuvre de Riopelle au tournant des années 1960, La promenade – peint en 1964 – figure sans doute parmi les œuvres les plus importantes et imposantes réalisées par l’artiste au cours de cette période faite de reconnaissance publique et de remises en cause.
La reconnaissance, l’artiste la côtoie désormais au quotidien après plusieurs expositions d’envergure internationale et en représentant notamment le Canada à la Biennale de Venise de 1962. L’année suivante, il voit également la Galerie nationale du Canada lui consacrer une importante rétrospective de son œuvre. Fort de ce succès, Riopelle ne se contente pourtant pas d’approfondir les codes qui ont fait connaître sa peinture. En effet, l’artiste refuse de se laisser enfermer dans une abstraction expressionniste qui l’enfermerait dans la décennie précédente. Au contraire, il tend à s’affranchir du carcan des écoles ou des mouvements pour jouir d’une liberté tout entière. Il laisse ainsi remonter le dessin à la surface de la matière. Il ne craint pas que l’image ressurgisse de cet agglomérat de couleurs, de couches et de transparences.
Provenant de l’ancienne collection du docteur Gabriel Illouz et de la musicienne Betsy Jolas, qui furent tous deux intimes de Riopelle et de sa compagne de l’époque, Joan Mitchell, La promenade possède, en filigrane, une histoire sur l’intimité et l’amitié du peintre. « Mon mari, Gabriel Illouz, était médecin, et pendant que nous séjournions dans le Midi, il avait été appelé pour soigner le marin de Jean-Paul. […] Il se trouve qu’en plus d’être médecin, Gabriel était passionné de peinture. Il a tout de suite compris qui était Jean-Paul. Entre eux, ça a accroché immédiatement et je l’ai bientôt, à l’invitation de Jean Paul et Joan, accompagné rue Frémicourt où ils habitaient. […] Tous les deux. Magnifiques, énormes. Deux êtres d’envergure. Savez-vous que c’est moi qui suis à la source de leur installation à Vétheuil ? Tout à fait par hasard. […] Un jour j’ouvre Le Monde et je vois une propriété à vendre à Vétheuil. Je le dis à Joan en lui suggérant d’aller voir. C’était une maison dont une partie avait été occupée par Monet. […] » (Betsy Jolas, citée in M. Waldberg, Riopelle vu par…, Paris, 2004, p. 88.)
La promenade appartient à un ensemble d’œuvres de très grand format réalisé entre 1963 et 1965, à l’image de Point de rencontre – Quintette (1963) conçue pour l’aéroport de Toronto et aujourd’hui conservée à l’Opéra Bastille de Paris ou encore Sans titre (1964), gigantesque triptyque appartenant au Hirshhorn Museum and Sculpture Garden de Washington. En 1964, notre tableau est d’ailleurs présenté dans une importante exposition organisée par le galeriste Jean Fournier autour de grands formats récents. Ce dernier se souvient d’ailleurs : « Sa deuxième exposition chez moi, et la plus importante, a eu lieu en 1964, elle fut intitulée Au-delà du 120. […] Giacometti était venu et comme Jean Paul était absent, je l’accueillis. En avançant dans la galerie, Giacometti aperçut à près de quinze mètres de distance un grand tableau et me dit : Jean Paul est un être extraordinaire ! » (Jean Fournier, cité in ibid., p. 32).
La palette de Riopelle se modifie, les tons sont plus subtiles, noyés dans cette lumière qu’apportent les touches de blanc et de gris. « Quand on se met devant une toile vierge pour peindre, on renie toutes les toiles qu’on a faites avant. Sinon, à quoi bon ? » explique l’artiste. En effet, il semble explorer constamment de nouvelles pistes mais avec toujours une volonté persistante de s’approcher un peu plus près d’une vérité de la peinture, celle qui transcrit au plus près l’impression persistante d’une nature désormais indissociable de sa peinture. A la fois souvenir, chimère et sensation perçue, la nature sourde dans La promenade comme une invitation à l’évasion et à la rêverie. Betsy Jolas, qui a vécu près d’un quart de siècle en compagnie de l’œuvre, synthétise parfaitement la posture unique de Riopelle : « Risquer ne lui posait aucun problème, c’était naturel chez lui. Alors que bien des artistes, même de talent se répètent une fois le succès venu, Riopelle, lui, ne s’est jamais répété. C’est là son mérite, sa grâce, son génie propre. C’est là sa générosité. ».
La reconnaissance, l’artiste la côtoie désormais au quotidien après plusieurs expositions d’envergure internationale et en représentant notamment le Canada à la Biennale de Venise de 1962. L’année suivante, il voit également la Galerie nationale du Canada lui consacrer une importante rétrospective de son œuvre. Fort de ce succès, Riopelle ne se contente pourtant pas d’approfondir les codes qui ont fait connaître sa peinture. En effet, l’artiste refuse de se laisser enfermer dans une abstraction expressionniste qui l’enfermerait dans la décennie précédente. Au contraire, il tend à s’affranchir du carcan des écoles ou des mouvements pour jouir d’une liberté tout entière. Il laisse ainsi remonter le dessin à la surface de la matière. Il ne craint pas que l’image ressurgisse de cet agglomérat de couleurs, de couches et de transparences.
Provenant de l’ancienne collection du docteur Gabriel Illouz et de la musicienne Betsy Jolas, qui furent tous deux intimes de Riopelle et de sa compagne de l’époque, Joan Mitchell, La promenade possède, en filigrane, une histoire sur l’intimité et l’amitié du peintre. « Mon mari, Gabriel Illouz, était médecin, et pendant que nous séjournions dans le Midi, il avait été appelé pour soigner le marin de Jean-Paul. […] Il se trouve qu’en plus d’être médecin, Gabriel était passionné de peinture. Il a tout de suite compris qui était Jean-Paul. Entre eux, ça a accroché immédiatement et je l’ai bientôt, à l’invitation de Jean Paul et Joan, accompagné rue Frémicourt où ils habitaient. […] Tous les deux. Magnifiques, énormes. Deux êtres d’envergure. Savez-vous que c’est moi qui suis à la source de leur installation à Vétheuil ? Tout à fait par hasard. […] Un jour j’ouvre Le Monde et je vois une propriété à vendre à Vétheuil. Je le dis à Joan en lui suggérant d’aller voir. C’était une maison dont une partie avait été occupée par Monet. […] » (Betsy Jolas, citée in M. Waldberg, Riopelle vu par…, Paris, 2004, p. 88.)
La promenade appartient à un ensemble d’œuvres de très grand format réalisé entre 1963 et 1965, à l’image de Point de rencontre – Quintette (1963) conçue pour l’aéroport de Toronto et aujourd’hui conservée à l’Opéra Bastille de Paris ou encore Sans titre (1964), gigantesque triptyque appartenant au Hirshhorn Museum and Sculpture Garden de Washington. En 1964, notre tableau est d’ailleurs présenté dans une importante exposition organisée par le galeriste Jean Fournier autour de grands formats récents. Ce dernier se souvient d’ailleurs : « Sa deuxième exposition chez moi, et la plus importante, a eu lieu en 1964, elle fut intitulée Au-delà du 120. […] Giacometti était venu et comme Jean Paul était absent, je l’accueillis. En avançant dans la galerie, Giacometti aperçut à près de quinze mètres de distance un grand tableau et me dit : Jean Paul est un être extraordinaire ! » (Jean Fournier, cité in ibid., p. 32).
La palette de Riopelle se modifie, les tons sont plus subtiles, noyés dans cette lumière qu’apportent les touches de blanc et de gris. « Quand on se met devant une toile vierge pour peindre, on renie toutes les toiles qu’on a faites avant. Sinon, à quoi bon ? » explique l’artiste. En effet, il semble explorer constamment de nouvelles pistes mais avec toujours une volonté persistante de s’approcher un peu plus près d’une vérité de la peinture, celle qui transcrit au plus près l’impression persistante d’une nature désormais indissociable de sa peinture. A la fois souvenir, chimère et sensation perçue, la nature sourde dans La promenade comme une invitation à l’évasion et à la rêverie. Betsy Jolas, qui a vécu près d’un quart de siècle en compagnie de l’œuvre, synthétise parfaitement la posture unique de Riopelle : « Risquer ne lui posait aucun problème, c’était naturel chez lui. Alors que bien des artistes, même de talent se répètent une fois le succès venu, Riopelle, lui, ne s’est jamais répété. C’est là son mérite, sa grâce, son génie propre. C’est là sa générosité. ».