Lot Essay
Depuis ses toutes premières œuvres de jeunesse jusqu'aux paysages ténébreux de sa maturité, sans oublier ses expériences fauves éclatantes de couleurs, les rives de la Seine ont toujours été une source d'inspiration privilégiée pour Vlaminck. L'artiste a longuement arpenté l'ouest parisien à pied, en train ou à vélo, suivant de près le cours sinueux de la Seine tandis qu'elle serpente à travers champs et villes avant de rejoindre la mer. Les agglomérations et les paysages bucoliques qu'il croise sur sa route finissent par devenir le point central de son art, des villes animées d'Argenteuil, Poissy, Bezons ou Nanterre jusqu'à Chatou et ses environs, notamment Rueil, Croissy et Bougival, où il s'installe avec sa famille en 1906. Ce sera le long de ces berges, si ancrées dans son quotidien et sa vie intime, que Vlaminck parviendra enfin à formuler son approche toute personnelle de la peinture et à trouver son style accompli. S'il s'était essentiellement consacré à ses recherches fauves au début des années 1900, en 1907, il doute déjà des possibilités expressives du mouvement. Frustré de l'apparente pauvreté formelle du fauvisme, et avide de s'aventurer au-delà de l'expérience purement chromatique, Vlaminck se met alors à sonder de nouveaux territoires esthétiques. Il explique lui-même que la méthode directe de sa période fauve, le tube à même la toile, l'a conduit à un excès de facilité. « Le jeu de la couleur pure, orchestration outrancière dans laquelle je m’étais jeté à corps perdu, ne me contentait plus. Je souffrais de ne pouvoir frapper plus fort, d’être arrivé au maximum d’intensité, limité que je demeurais par le bleu et le rouge du marchand de couleur » (cité in D. Sutton, intro., Dangerous Corner, Londres, 1961, p. 15). Aussi, en se penchant sur ces vues familières de la Seine entre Chatou et Bougival, le style de Vlaminck s'engage peu à peu dans une nouvelle direction où les paysages et les constructions vont se révéler au travers d'un prisme inédit, d'une manière nouvelle de comprendre le monde.
En 1907, la double rétrospective consacrée à Paul Cézanne au Salon des Indépendants et au Salon d'Automne s'avère déterminante pour la suite du parcours artistique de Vlaminck. En découle notamment un sens renouvelé de la structure et de l'équilibre dans ses compositions. S'il s'est déjà certainement familiarisé avec la peinture de Cézanne par le biais du marchand d'art Ambroise Vollard, la profusion d'œuvres qu'il découvre en 1907 laisse sur Vlaminck une empreinte indélébile. Durant cette période charnière de sa carrière, son admiration pour le maître aixois prend de telles proportions qu'il finit par reléguer les innovations cubistes de Picasso à des tentatives d'améliorer la finesse structurelle que Cézanne avait déjà introduite dans la peinture « moderne » deux décennies plus tôt. Aux yeux de Vlaminck, celui-ci n'avait rien à envier à Rembrandt : « La peinture ne fait pas de progrès, elle se transforme selon l'époque, avec les moyens d'expression de l'époque. M. Rembrandt n'a pas plus de sensibilité ni plus de grandeur que Cézanne » (cité in F. Fels, Vlaminck. L’Art et la vie, Paris, 1928, p. 123-124).
L'impact de l'art de Cézanne est palpable dans Le Pont du chemin de fer à Chatou. On le perçoit notamment dans les coups de pinceau très articulés qui sous-tendent l'ensemble, et dans le choix de cette palette fraîche, restreinte à une gamme de bleus et d'ocres. Les plans superposés sur lesquels Vlaminck distille les reflets mouvants du fleuve et les lignes géométriques du pont résonnent, en outre, avec la manière qu'avait Cézanne de façonner les trois dimensions de l'espace.
From his earliest works as a youth to his vibrantly colored Fauve experiments, and the dark, brooding landscapes of his late career, the Seine valley to the west of Paris provided Vlaminck with unparalleled visual inspiration. Travelling on foot, by train or bicycle, the artist explored every corner of the hinterland around Paris, following the sinuous, looping path of the Seine as it meandered through the countryside on its way to the sea. Views of the verdant landscape and the small towns and villages he encountered along the way became the primary focus of his art, from the bustling hubs of Argenteuil and Poissy, to Bezons and Nanterre, and perhaps most importantly, Chatou and its environs, Rueil, Croissy and Bougival, where the artist settled with his family in 1906. It was in these enchanting landscapes, so closely linked to his personal life and daily experiences, that Vlaminck was able to develop his own unique, personal approach to painting.
Though Vlaminck had spent much of the early 1900s experimenting with Fauvism, by 1907 he had begun to seriously question the merits of the style as a means of expression. Dissatisfied with its apparent formlessness and eager to push beyond these purely coloristic experiments, Vlaminck began to search for a new painterly aesthetic. As he explained, “Working directly in this way, tube against canvas, one quickly arrives at an excessive facility… The play of pure colors, the extreme orchestration into which I threw myself unrestrainedly, no longer satisfies me. I could not stand being able to hit harder, to have to reach the maximum intensity, to be limited by the blue or red of the paint dealer…” (quoted in D. Sutton, intro., Dangerous Corner, London, 1961, p. 15). Taking the familiar sights of the Seine as it passed by Chatou and Bougival, Vlaminck began to advance his style in a new direction, filtering the landscape and its monuments through a new vision, a new means of understanding the world.
The dual 1907 retrospectives of Paul Cézanne’s work at the Salon des Indépendants and the Salon d’Automne proved to be a watershed moment within Vlaminck’s career, ushering in a new sense of structure and balance in his compositions. While the artist can hardly have been ignorant of Cézanne’s oeuvre prior to these events, thanks to his association with Ambroise Vollard, seeing such a large number of his works left an indelible impression on Vlaminck. Such was his admiration for Cézanne during this critical period in his career that Vlaminck dismissed Picasso’s cubist experiments as attempts to better the structural finesse already introduced to ‘modern’ paintings two decades previously by Cézanne. Indeed, he went further still, claiming that Cézanne was an even greater artist than Rembrandt: “Painting does not make progress, it is transformed according to the time, with the means of expression of the time. Monsieur Rembrandt has no more sensibility or more grandeur than Cézanne” (quoted in F. Fels, Vlaminck, L’Art et la vie, Paris, 1928, p. 123-124).
The impact of Cézanne’s art can be clearly detected in Le Pont du chemin de fer à Chatou, particularly in the highly constructive brushstrokes which form the scene and the reduction of the palette to a cool range of blues and ochres. The shimmering surface of the flowing river, and the geometric facades of the bridge, are distilled to a series of overlapping, structural planes which echo Cézanne’s modeling of three-dimensional space.
En 1907, la double rétrospective consacrée à Paul Cézanne au Salon des Indépendants et au Salon d'Automne s'avère déterminante pour la suite du parcours artistique de Vlaminck. En découle notamment un sens renouvelé de la structure et de l'équilibre dans ses compositions. S'il s'est déjà certainement familiarisé avec la peinture de Cézanne par le biais du marchand d'art Ambroise Vollard, la profusion d'œuvres qu'il découvre en 1907 laisse sur Vlaminck une empreinte indélébile. Durant cette période charnière de sa carrière, son admiration pour le maître aixois prend de telles proportions qu'il finit par reléguer les innovations cubistes de Picasso à des tentatives d'améliorer la finesse structurelle que Cézanne avait déjà introduite dans la peinture « moderne » deux décennies plus tôt. Aux yeux de Vlaminck, celui-ci n'avait rien à envier à Rembrandt : « La peinture ne fait pas de progrès, elle se transforme selon l'époque, avec les moyens d'expression de l'époque. M. Rembrandt n'a pas plus de sensibilité ni plus de grandeur que Cézanne » (cité in F. Fels, Vlaminck. L’Art et la vie, Paris, 1928, p. 123-124).
L'impact de l'art de Cézanne est palpable dans Le Pont du chemin de fer à Chatou. On le perçoit notamment dans les coups de pinceau très articulés qui sous-tendent l'ensemble, et dans le choix de cette palette fraîche, restreinte à une gamme de bleus et d'ocres. Les plans superposés sur lesquels Vlaminck distille les reflets mouvants du fleuve et les lignes géométriques du pont résonnent, en outre, avec la manière qu'avait Cézanne de façonner les trois dimensions de l'espace.
From his earliest works as a youth to his vibrantly colored Fauve experiments, and the dark, brooding landscapes of his late career, the Seine valley to the west of Paris provided Vlaminck with unparalleled visual inspiration. Travelling on foot, by train or bicycle, the artist explored every corner of the hinterland around Paris, following the sinuous, looping path of the Seine as it meandered through the countryside on its way to the sea. Views of the verdant landscape and the small towns and villages he encountered along the way became the primary focus of his art, from the bustling hubs of Argenteuil and Poissy, to Bezons and Nanterre, and perhaps most importantly, Chatou and its environs, Rueil, Croissy and Bougival, where the artist settled with his family in 1906. It was in these enchanting landscapes, so closely linked to his personal life and daily experiences, that Vlaminck was able to develop his own unique, personal approach to painting.
Though Vlaminck had spent much of the early 1900s experimenting with Fauvism, by 1907 he had begun to seriously question the merits of the style as a means of expression. Dissatisfied with its apparent formlessness and eager to push beyond these purely coloristic experiments, Vlaminck began to search for a new painterly aesthetic. As he explained, “Working directly in this way, tube against canvas, one quickly arrives at an excessive facility… The play of pure colors, the extreme orchestration into which I threw myself unrestrainedly, no longer satisfies me. I could not stand being able to hit harder, to have to reach the maximum intensity, to be limited by the blue or red of the paint dealer…” (quoted in D. Sutton, intro., Dangerous Corner, London, 1961, p. 15). Taking the familiar sights of the Seine as it passed by Chatou and Bougival, Vlaminck began to advance his style in a new direction, filtering the landscape and its monuments through a new vision, a new means of understanding the world.
The dual 1907 retrospectives of Paul Cézanne’s work at the Salon des Indépendants and the Salon d’Automne proved to be a watershed moment within Vlaminck’s career, ushering in a new sense of structure and balance in his compositions. While the artist can hardly have been ignorant of Cézanne’s oeuvre prior to these events, thanks to his association with Ambroise Vollard, seeing such a large number of his works left an indelible impression on Vlaminck. Such was his admiration for Cézanne during this critical period in his career that Vlaminck dismissed Picasso’s cubist experiments as attempts to better the structural finesse already introduced to ‘modern’ paintings two decades previously by Cézanne. Indeed, he went further still, claiming that Cézanne was an even greater artist than Rembrandt: “Painting does not make progress, it is transformed according to the time, with the means of expression of the time. Monsieur Rembrandt has no more sensibility or more grandeur than Cézanne” (quoted in F. Fels, Vlaminck, L’Art et la vie, Paris, 1928, p. 123-124).
The impact of Cézanne’s art can be clearly detected in Le Pont du chemin de fer à Chatou, particularly in the highly constructive brushstrokes which form the scene and the reduction of the palette to a cool range of blues and ochres. The shimmering surface of the flowing river, and the geometric facades of the bridge, are distilled to a series of overlapping, structural planes which echo Cézanne’s modeling of three-dimensional space.