Lot Essay
UN ROI DE FONTEM
OEUVRE DU SCULPTEUR ATEU ATSA
par Bernard Dulon
[…] Des sociétés, ostensibles ou secrètes, régulaient l’ensemble de la vie des royaumes, au nombre desquels il convient de citer celle du Troh1, puissante et redoutée car bourreaux et faiseurs de rois, et celle du Lefem2, composée de nobles responsables de la garde des double cloches en fer forgé et des statues commémoratives royales. Ni autels, ni fétiches, ces représentations étaient les symboles tangibles de la puissance dynastique. Nommées individuellement et protégées par des serviteurs attitrés, elles apparaissaient parcimonieusement, à l’abri du bosquet sacré lors des manifestations organisées par la société Lefem (funérailles et investitures royales, cérémonies liées à la fertilité des sols).
Dans les royaumes Bangwa le sculpteur jouissait d’une grande notoriété. […] Le plus talentueux d’entre eux était mandé par le Fwa3 pour réaliser ses effigies dynastiques.
[…] L’histoire a retenu seulement quelques noms de ces sculpteurs dont le plus celèbre et le plus talentueux fut indéniablement Ateu Atsa (ca. 1840-1910). Auteur de six statues royales, il se permit de jouer un tour pendable au Fon de Banyang pour qui il travaillait ce qui lui valut un gain de popularité immense au sein de son peuple. Ses deux premières sculptures parvenues jusqu’à nous ont été acquises par Gustav Conrau en 1899. Elles sont maintenant conservées au Musée ethnographique de Berlin (inv. n° III C 10.514 et III C 10.515). Deux autres oeuvres appartiennent respectivement aux collections du Museum für Völkerkunde de Hambourg (inv. n° 11.10.1) et du Rautenstauch-Joest Museum de Cologne (inv. n° 48.796).
L’oeuvre majeure de la collection Périnet fait partie de cet ensemble. Elle fut photographiée par Brain et Pollock4 dans le courant des années 1960. D’après Harter5 il pourrait s’agir de Foretia Nkengasong, troisième Fwa de Foretia, une chefferie satellite de Fontem.
Son visage est allongé et résolument prognathe, sa bouche ovale s’ouvre sur deux rangées de dents épointées. Ses yeux grands ouverts semblent repousser le front en une bosse dominant le nez long et droit. Ses oreilles decollées pointent à l’horizontal. Enfin un bonnet nobiliaire trop petit, bilobé et orné de pompons, se remarque curieusement perché au sommet de son crâne. Les épaules ceintes d’un collier royal, il tient fermement dans ses mains une corne à libations et une pipe au très long tuyau. Dans le style caractéristique d’Ateu Atsa, le pagne est gaufré et dissimule en partie des jambes bien modelées et légèrement fléchies, les pieds sont solidement campés de part et d’autre d’une base cylindrique évidée en son centre.
Les facettes vives du travail à l’herminette sont noyées sous une épaisse patine de noir de fumée.
La dispersion de la collection Michel Périnet nous permet aujourd’hui d’entamer un dialogue avec cette oeuvre magistrale, véritable monument de la culture Bangwa.
1Ou société de la nuit
2Ou société des gongs
3Fon chez les Bamileke
4Brain, R. et Pollock, A., Bangwa funerary sculptures, Londres, 1971, pl. 2
5Harter, P., Arts anciens du Cameroun, Arnouville, 1986, p. 317
A KING OF FONTEM
WORK OF THE SCULPTOR ATEU ATSA
by Bernard Dulon
[…] Conspicuous or secret societies regulated every aspect of life in the kingdoms. It is worth mentioning that of the Troh1, powerful and feared because of their roles as executioners and kingmakers; and that of the Lefem2, composed of nobles who were responsible for guarding the two wrought iron bells and the commemorative royal statues. Neither altars nor fetishes, these representations were the tangible symbols of dynastic power. Individually named, and protected by appointed servants, they appeared parsimoniously, sheltered by a sacred bush in the rituals organised by the Lefem society (royal funerals and investitures, and ceremonies relating to the earth’s fertility).
In Bangwa kingdoms, the sculptors were extremely renowned. […] The most talented among them were sent by the Fwa3 to execute dynastic effigies. […]
History only retains a few names of these sculptors, of which the most famous and most talented was undeniably Ateu Atsa (ca. 1840-1910). Having carved six royal statues, he went so far as to play a risky trick on the Fon of Banyang for whom he worked, which made him immensely popular among his people. His first two sculptures, which still exist today, were purchased by Gustav Conrau in 1899. They are now kept by the Ethnological Museum of Berlin (inv. no. III C 10.514 and III C 10.515). Two other works respectively belong to the collections of the Museum für Völkerkunde of Hamburg (inv. no. 11.10.1) and the Rautenstauch-Joest Museum of Cologne (inv. no. 48.796).
This major work of the Périnet collection is another such piece. It was photographed by Brain and Pollock4 during the 1960s. According to Harter5, the statue could represent Foretia Nkengasong, the third Fwa of Foretia, a satellite chiefdom of Fontem.
His face is elongated and resolutely prognathic, while his oval mouth opens onto two rows of pointed teeth. His large, open eyes appear to push the forehead into a hump which dominates his long, straight nose. His prominent ears stick out to the sides. An undersized, two-lobed nobility cap, adorned with pompoms, is curiously and markedly perched atop of his head. With shoulders wrapped in a royal collar, he firmly holds in his hands a libation horn and a very long-stemmed pipe. In the style characteristic of Ateu Atsa, his pagne has a honeycomb texture, partially concealing well-modelled and slightly bent legs. His feet are solidly planted on each side of a hollowed-out cylindrical base.
The sharp facets of adze-work are lost under a thick patina of black soot.
The auction of the Michel Périnet collection today enables us to begin a relationship with this majestic work, a true monument to the Bangwa culture.
1Or night society
2Or society of gongs
3Fon in Bamileke communities
4Brain, R. and Pollock, A., Bangwa funerary sculptures, London, 1971, pl. 2
5Harter, P., Arts anciens du Cameroun, Arnouville, 1986, p. 317
OEUVRE DU SCULPTEUR ATEU ATSA
par Bernard Dulon
[…] Des sociétés, ostensibles ou secrètes, régulaient l’ensemble de la vie des royaumes, au nombre desquels il convient de citer celle du Troh1, puissante et redoutée car bourreaux et faiseurs de rois, et celle du Lefem2, composée de nobles responsables de la garde des double cloches en fer forgé et des statues commémoratives royales. Ni autels, ni fétiches, ces représentations étaient les symboles tangibles de la puissance dynastique. Nommées individuellement et protégées par des serviteurs attitrés, elles apparaissaient parcimonieusement, à l’abri du bosquet sacré lors des manifestations organisées par la société Lefem (funérailles et investitures royales, cérémonies liées à la fertilité des sols).
Dans les royaumes Bangwa le sculpteur jouissait d’une grande notoriété. […] Le plus talentueux d’entre eux était mandé par le Fwa3 pour réaliser ses effigies dynastiques.
[…] L’histoire a retenu seulement quelques noms de ces sculpteurs dont le plus celèbre et le plus talentueux fut indéniablement Ateu Atsa (ca. 1840-1910). Auteur de six statues royales, il se permit de jouer un tour pendable au Fon de Banyang pour qui il travaillait ce qui lui valut un gain de popularité immense au sein de son peuple. Ses deux premières sculptures parvenues jusqu’à nous ont été acquises par Gustav Conrau en 1899. Elles sont maintenant conservées au Musée ethnographique de Berlin (inv. n° III C 10.514 et III C 10.515). Deux autres oeuvres appartiennent respectivement aux collections du Museum für Völkerkunde de Hambourg (inv. n° 11.10.1) et du Rautenstauch-Joest Museum de Cologne (inv. n° 48.796).
L’oeuvre majeure de la collection Périnet fait partie de cet ensemble. Elle fut photographiée par Brain et Pollock4 dans le courant des années 1960. D’après Harter5 il pourrait s’agir de Foretia Nkengasong, troisième Fwa de Foretia, une chefferie satellite de Fontem.
Son visage est allongé et résolument prognathe, sa bouche ovale s’ouvre sur deux rangées de dents épointées. Ses yeux grands ouverts semblent repousser le front en une bosse dominant le nez long et droit. Ses oreilles decollées pointent à l’horizontal. Enfin un bonnet nobiliaire trop petit, bilobé et orné de pompons, se remarque curieusement perché au sommet de son crâne. Les épaules ceintes d’un collier royal, il tient fermement dans ses mains une corne à libations et une pipe au très long tuyau. Dans le style caractéristique d’Ateu Atsa, le pagne est gaufré et dissimule en partie des jambes bien modelées et légèrement fléchies, les pieds sont solidement campés de part et d’autre d’une base cylindrique évidée en son centre.
Les facettes vives du travail à l’herminette sont noyées sous une épaisse patine de noir de fumée.
La dispersion de la collection Michel Périnet nous permet aujourd’hui d’entamer un dialogue avec cette oeuvre magistrale, véritable monument de la culture Bangwa.
1Ou société de la nuit
2Ou société des gongs
3Fon chez les Bamileke
4Brain, R. et Pollock, A., Bangwa funerary sculptures, Londres, 1971, pl. 2
5Harter, P., Arts anciens du Cameroun, Arnouville, 1986, p. 317
A KING OF FONTEM
WORK OF THE SCULPTOR ATEU ATSA
by Bernard Dulon
[…] Conspicuous or secret societies regulated every aspect of life in the kingdoms. It is worth mentioning that of the Troh1, powerful and feared because of their roles as executioners and kingmakers; and that of the Lefem2, composed of nobles who were responsible for guarding the two wrought iron bells and the commemorative royal statues. Neither altars nor fetishes, these representations were the tangible symbols of dynastic power. Individually named, and protected by appointed servants, they appeared parsimoniously, sheltered by a sacred bush in the rituals organised by the Lefem society (royal funerals and investitures, and ceremonies relating to the earth’s fertility).
In Bangwa kingdoms, the sculptors were extremely renowned. […] The most talented among them were sent by the Fwa3 to execute dynastic effigies. […]
History only retains a few names of these sculptors, of which the most famous and most talented was undeniably Ateu Atsa (ca. 1840-1910). Having carved six royal statues, he went so far as to play a risky trick on the Fon of Banyang for whom he worked, which made him immensely popular among his people. His first two sculptures, which still exist today, were purchased by Gustav Conrau in 1899. They are now kept by the Ethnological Museum of Berlin (inv. no. III C 10.514 and III C 10.515). Two other works respectively belong to the collections of the Museum für Völkerkunde of Hamburg (inv. no. 11.10.1) and the Rautenstauch-Joest Museum of Cologne (inv. no. 48.796).
This major work of the Périnet collection is another such piece. It was photographed by Brain and Pollock4 during the 1960s. According to Harter5, the statue could represent Foretia Nkengasong, the third Fwa of Foretia, a satellite chiefdom of Fontem.
His face is elongated and resolutely prognathic, while his oval mouth opens onto two rows of pointed teeth. His large, open eyes appear to push the forehead into a hump which dominates his long, straight nose. His prominent ears stick out to the sides. An undersized, two-lobed nobility cap, adorned with pompoms, is curiously and markedly perched atop of his head. With shoulders wrapped in a royal collar, he firmly holds in his hands a libation horn and a very long-stemmed pipe. In the style characteristic of Ateu Atsa, his pagne has a honeycomb texture, partially concealing well-modelled and slightly bent legs. His feet are solidly planted on each side of a hollowed-out cylindrical base.
The sharp facets of adze-work are lost under a thick patina of black soot.
The auction of the Michel Périnet collection today enables us to begin a relationship with this majestic work, a true monument to the Bangwa culture.
1Or night society
2Or society of gongs
3Fon in Bamileke communities
4Brain, R. and Pollock, A., Bangwa funerary sculptures, London, 1971, pl. 2
5Harter, P., Arts anciens du Cameroun, Arnouville, 1986, p. 317