Lot Essay
Au XIXe siècle, la vénération des reliques d’ancêtres était courante au Gabon. Elles étaient soigneusement conservées par les descendants. Chez les peuples Fang et Kota, ces reliques étaient placées dans le réceptacle fixé à une statue de gardien. Les Mbeté, quant à eux, les ont entièrement intégrées et dissimulées dans le corps d’une statue en bois. Le torse creusé de la statue servait de réceptacle qui pouvait être fermé à l’arrière par un panneau en bois rectangulaire. Le torse était soutenu par des jambes galbées aux genoux fléchis. Cette posture tendue et active suggère le rôle du gardien, toujours vigilant et protecteur des reliques gardées.
La surface plane du visage contraste avec la structure volumétrique de la tête. Une crête sagittale est flanquée de tresses latérales ornées de lignes parallèles incisées. Le visage particulièrement stylisé est agrémenté de deux yeux signifiés par des coquillages et d’une bouche ouverte sertie de fines dents métalliques. Le cou allongé permettait de recevoir des colliers de perles blanches, insignes de richesse et de pouvoir social. Le torse de la statue est recouvert d’épaisses couches de kaolin ; le blanc étant la couleur symbolique de l’au-delà. Le pigment rouge appliqué autour des yeux fait référence au sang ou à la force de vie, tandis que le noir était associé à la mort ou au deuil. L’utilisation des trois couleurs évoque le statut de l’oeuvre en tant que portrait d’ancêtre lointain.
La statue Pierre Matisse fait partie d’un petit groupe de reliquaires Mbeté collectés par Aristide Courtois lorsqu’il travaillait en tant qu’administrateur colonial français au Gabon entre 1910 et 1936. Courtois a rassemblé ce groupe exceptionnel au nord du Congo-Brazzaville vers Ewo, Kelle et Odzala. Trois de ses statues se trouvent aujourd’hui dans des musées français ; huit autres ont été acquises par le célèbre marchand Charles Ratton. En 2007, Alisa LaGamma a réuni cinq de ces oeuvres pour son exposition Eternal Ancestors - The Art of the Central African Reliquary au Metropolitan Museum of Art à New York (n° 90 à 94 au catalogue). De tous les administrateurs coloniaux français, Aristide Courtois est celui qui a rapporté le plus d’objets importants d’Afrique Centrale. On lui doit les masques Kwele, les masques Mahongwe, les plus importants objets Kuyu et des statues Kota et Mbeté. Paul Guillaume fut le premier à acquérir des objets auprès d’A. Courtois, s’en suivit C. Ratton et P. Vérité. Aujourd’hui, les grands musées du monde comptent dans leurs collections un objet d’A. Courtois, et il en est de même pour les grandes collections privées.
Outre ces quatre exemples présents dans les collections publiques, la statue présentée ici, jusqu’alors inconnue, est un ajout majeur au corpus restreint d’un maître-sculpteur Mbeté anonyme. Une deuxième statue de cet artiste fut acquise par Pierre Matisse auprès de Charles Ratton, puis offerte au Metropolitan Museum of Art par ses descendants en 2002 (inv. n° 2002.456.7). Un autre exemplaire se trouve dans la collection de la Fondation Dapper (inv. n° 0127), exposé en 2017 au Musée du quai Branly - Jacques Chirac lors de l’exposition Les Forêts natales, Arts d’Afrique équatoriale atlantique (p. 101, n° 238). Le reliquaire du groupe Courtois publié à maintes reprises est conservé au Musée Barbier-Mueller (inv. n° 1019–86). Une statue Mbeté, récemment redécouverte, est conservée dans les Collections de la Congrégation du Saint-Esprit, et publiée par Nicolas Rolland en 2017 (Afrique, à l’ombre des dieux, pp. 158-159). Pierre Matisse a conservé ces deux reliquaires Mbeté, au prestigieux pédigree, jusqu’à la fin de sa vie. Cette statue présentée aujourd’hui, sur le marché, est un événement inédit.
In the 19th century, the veneration of ancestor relics is widespread throughout Gabon. Whereas among the Fang and Kota the relics were housed within a receptacle affixed to a guardian statue, the Mbete fully integrated the two through the concealment of the relics within a full-length wooden statue. The hollowed columnar torso served as an internal receptacle for the relics of important ancestors and could be closed with a long rectangular panel at the back. The torso was framed by the gesture of arms held to either side and supported below by knees bent above broad muscular calves. The tensed posture of the figures suggested their role as active guardian to the reliquary's contents.
The relative flatness of the face contrasts with the volumetric form of the head. A raised sagittal crest is flanked by lateral tresses carved as a series of deeply incised parallel lines. The highly stylized face is enlivened by additions of cowry shell eyes and fine metal teeth inserted within the open mouth. The neck was elongated to accommodate strings of white beads, markers of wealth and social power. The statue’s torso has a thick applications of white kaolin; white being the color symbolically referring to the ancestral realm. The red pigment around the eyes was a clear reference to blood, or the force of life, while black was associated with death and mourning. The use of all three alludes to the work's status as an abstract portrait of a distant ancestor.
The Matisse figure was among a small group of Mbete reliquary figures collected by Aristide Courtois when he worked as a French colonial administrator in Gabon between 1910 and 1936. Courtois collected the most exceptional series of such sculptures north of Congo-Brazzaville toward Ewo, Kelle, and Odzala. Three examples are in the French national museum; eight others were acquired by Charles Ratton. In 2007, Alisa LaGamma reunited five of these works for her exhibition Eternal Ancestors - The Art of the Central African Reliquary at the Metropolitan Museum of Art (catalog numbers 90 through 94). Of all French colonial administrators in Africa, Aristide Courtois was the one who collected the biggest number of important objects originating in Central Africa: Kwele masks, Mahongwe masks, Kuyu statues and heads, Kota and Mbete reliquary statues. He was also the one who was the most active in dealing with these objects, with Paul Guillaume being his first client, followed by Charles Ratton and Pierre Vérité. Today, all important public and private collections own at least on object that has passed through his hands.
Apart from these four examples in public collections, the present, previously unknown, statue is a major addition to the small corpus of an anonymous Mbete master sculptor. A second statue acquired from Charles Ratton by Pierre Matisse, was donated to the Metropolitan Museum of Art by his descendants in 2002 (inv. no. 2002.456.7). The present work is also very similar to an example in the collection of the Dapper Foundation (inv. no. 0127), exhibited in 2017 at the Musée du quai Branly - Jacques Chirac in Paris during Les Forêts natales, Arts d'Afrique équatoriale atlantique (p. 101, no. 238). The most published reliquary figure from the Courtois group is probably held by the Swiss Barbier-Mueller museum (inv. no. 1019-86). Another recently rediscovered Mbete statue, held in the Collections de la Congrégation du Saint-Esprit was published by Nicolas Rolland in 2017 (Afrique, à l’ombre des dieux, pp. 158-159).
La surface plane du visage contraste avec la structure volumétrique de la tête. Une crête sagittale est flanquée de tresses latérales ornées de lignes parallèles incisées. Le visage particulièrement stylisé est agrémenté de deux yeux signifiés par des coquillages et d’une bouche ouverte sertie de fines dents métalliques. Le cou allongé permettait de recevoir des colliers de perles blanches, insignes de richesse et de pouvoir social. Le torse de la statue est recouvert d’épaisses couches de kaolin ; le blanc étant la couleur symbolique de l’au-delà. Le pigment rouge appliqué autour des yeux fait référence au sang ou à la force de vie, tandis que le noir était associé à la mort ou au deuil. L’utilisation des trois couleurs évoque le statut de l’oeuvre en tant que portrait d’ancêtre lointain.
La statue Pierre Matisse fait partie d’un petit groupe de reliquaires Mbeté collectés par Aristide Courtois lorsqu’il travaillait en tant qu’administrateur colonial français au Gabon entre 1910 et 1936. Courtois a rassemblé ce groupe exceptionnel au nord du Congo-Brazzaville vers Ewo, Kelle et Odzala. Trois de ses statues se trouvent aujourd’hui dans des musées français ; huit autres ont été acquises par le célèbre marchand Charles Ratton. En 2007, Alisa LaGamma a réuni cinq de ces oeuvres pour son exposition Eternal Ancestors - The Art of the Central African Reliquary au Metropolitan Museum of Art à New York (n° 90 à 94 au catalogue). De tous les administrateurs coloniaux français, Aristide Courtois est celui qui a rapporté le plus d’objets importants d’Afrique Centrale. On lui doit les masques Kwele, les masques Mahongwe, les plus importants objets Kuyu et des statues Kota et Mbeté. Paul Guillaume fut le premier à acquérir des objets auprès d’A. Courtois, s’en suivit C. Ratton et P. Vérité. Aujourd’hui, les grands musées du monde comptent dans leurs collections un objet d’A. Courtois, et il en est de même pour les grandes collections privées.
Outre ces quatre exemples présents dans les collections publiques, la statue présentée ici, jusqu’alors inconnue, est un ajout majeur au corpus restreint d’un maître-sculpteur Mbeté anonyme. Une deuxième statue de cet artiste fut acquise par Pierre Matisse auprès de Charles Ratton, puis offerte au Metropolitan Museum of Art par ses descendants en 2002 (inv. n° 2002.456.7). Un autre exemplaire se trouve dans la collection de la Fondation Dapper (inv. n° 0127), exposé en 2017 au Musée du quai Branly - Jacques Chirac lors de l’exposition Les Forêts natales, Arts d’Afrique équatoriale atlantique (p. 101, n° 238). Le reliquaire du groupe Courtois publié à maintes reprises est conservé au Musée Barbier-Mueller (inv. n° 1019–86). Une statue Mbeté, récemment redécouverte, est conservée dans les Collections de la Congrégation du Saint-Esprit, et publiée par Nicolas Rolland en 2017 (Afrique, à l’ombre des dieux, pp. 158-159). Pierre Matisse a conservé ces deux reliquaires Mbeté, au prestigieux pédigree, jusqu’à la fin de sa vie. Cette statue présentée aujourd’hui, sur le marché, est un événement inédit.
In the 19th century, the veneration of ancestor relics is widespread throughout Gabon. Whereas among the Fang and Kota the relics were housed within a receptacle affixed to a guardian statue, the Mbete fully integrated the two through the concealment of the relics within a full-length wooden statue. The hollowed columnar torso served as an internal receptacle for the relics of important ancestors and could be closed with a long rectangular panel at the back. The torso was framed by the gesture of arms held to either side and supported below by knees bent above broad muscular calves. The tensed posture of the figures suggested their role as active guardian to the reliquary's contents.
The relative flatness of the face contrasts with the volumetric form of the head. A raised sagittal crest is flanked by lateral tresses carved as a series of deeply incised parallel lines. The highly stylized face is enlivened by additions of cowry shell eyes and fine metal teeth inserted within the open mouth. The neck was elongated to accommodate strings of white beads, markers of wealth and social power. The statue’s torso has a thick applications of white kaolin; white being the color symbolically referring to the ancestral realm. The red pigment around the eyes was a clear reference to blood, or the force of life, while black was associated with death and mourning. The use of all three alludes to the work's status as an abstract portrait of a distant ancestor.
The Matisse figure was among a small group of Mbete reliquary figures collected by Aristide Courtois when he worked as a French colonial administrator in Gabon between 1910 and 1936. Courtois collected the most exceptional series of such sculptures north of Congo-Brazzaville toward Ewo, Kelle, and Odzala. Three examples are in the French national museum; eight others were acquired by Charles Ratton. In 2007, Alisa LaGamma reunited five of these works for her exhibition Eternal Ancestors - The Art of the Central African Reliquary at the Metropolitan Museum of Art (catalog numbers 90 through 94). Of all French colonial administrators in Africa, Aristide Courtois was the one who collected the biggest number of important objects originating in Central Africa: Kwele masks, Mahongwe masks, Kuyu statues and heads, Kota and Mbete reliquary statues. He was also the one who was the most active in dealing with these objects, with Paul Guillaume being his first client, followed by Charles Ratton and Pierre Vérité. Today, all important public and private collections own at least on object that has passed through his hands.
Apart from these four examples in public collections, the present, previously unknown, statue is a major addition to the small corpus of an anonymous Mbete master sculptor. A second statue acquired from Charles Ratton by Pierre Matisse, was donated to the Metropolitan Museum of Art by his descendants in 2002 (inv. no. 2002.456.7). The present work is also very similar to an example in the collection of the Dapper Foundation (inv. no. 0127), exhibited in 2017 at the Musée du quai Branly - Jacques Chirac in Paris during Les Forêts natales, Arts d'Afrique équatoriale atlantique (p. 101, no. 238). The most published reliquary figure from the Courtois group is probably held by the Swiss Barbier-Mueller museum (inv. no. 1019-86). Another recently rediscovered Mbete statue, held in the Collections de la Congrégation du Saint-Esprit was published by Nicolas Rolland in 2017 (Afrique, à l’ombre des dieux, pp. 158-159).