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Elle avait une ferme en Afrique... Étrangement ma première rencontre avec Maine Durieu n’eut pas lieu à Abidjan, où nous résidions tous les deux à la fin des années 1970, mais dans une boutique parisienne. Son propriétaire y trônait, retranché derrière un bureau protégé par un rempart de vieilleries exotiques parmi lesquelles on caressait l’espoir de dénicher la perle rare ; quand je passai le seuil, il tortillait frénétiquement sa moustache, marque d’une fébrilité habituellement réservée aux statuettes babembé de rapport qualité-prix avantageux. La cause de son émoi se déplaçait avec une nonchalante élégance entre la dernière livraison d’armes de jet et le tas des masques du Népal. Je tombai instantanément sous le charme de cette apparition en veste cavalière pied-de-poule et pantalon de whipcord, très « retour à Manderley ». Quand la séduisante cliente ouvrit la bouche pour délivrer un commentaire très judicieux, d’une voix inclassable et inoubliable, tout en décochant un irrésistible sourire, je compris que, s’il m’était donné de la revoir, je ferai définitivement partie de ses admirateurs inconditionnels. L’antiquaire, décidément subjugué, manquant au devoir le plus élémentaire de sa charge, avait omis de relever les coordonnées d’une éventuelle acheteuse, quelle ne fut ma surprise de la rencontrer, à nouveau dans une galerie - du nom d’Akagni - rue du Commerce, sur le Plateau d’Abidjan. Elle avait toutefois troqué son rôle de cliente pour celui de marchande et sa tenue parisienne pour une autre plus légère, mais toujours aussi seyante, genre Deborah Kerr dans Les mines du roi Salomon. Elle triait consciencieusement un lot de bracelets d’ivoire qu’ un camelot haoussa était venu lui proposer. Des statuettes de colons baoulé côtoyaient du mobilier malinké récemment acquis en Guinée, des awélé, des poulies de métier à tisser et, déjà, tout ce que la culture matérielle des Lobi peut offrir. L’ensemble témoignait d’un discernement très professionnel, à cent lieues de l’éphémère et désolant amateurisme d’épouses d’expatrié désœuvrées, s’essayant au négoce de l’art pour tromper l’ennui. Flatté que madame Durieu me reconnaisse, j’échangeais avec elle quelques mots. j’appris qu’elle s’était lancée dans l’aventure commerciale après 15 ans d’un apprentissage continu sur le terrain qui avait renforcé ses connaissances et affirmé sa vocation. Abidjan était sa dernière étape africaine en date après Niamey, le Dahomey et le Zaïre de l’époque où elle avait couru les brousses, écouté les vieux et marchandé dans les arrière-cours des antiquaires. Je découvrais alors, ornant les murs, une autre de ses passions, les flamboyantes peintures d’artistes locaux pour lesquels la galeriste, en véritable précurseur, organisait des accrochages dans les salons du Novotel où se pressait le tout Abidjan.Cette rencontre fut brève, je quittai en effet définitivement la Côte d’Ivoire mais, ce n’était que partie remise, Maine reprit elle aussi le chemin de la métropole peu de temps après. Dans sa galerie, ouverte en 1987 à Paris, quai des Grands Augustins, pendant de longues années, nous avons partagé un égal enthousiasme pour les bronzes de notre région de prédilection, avec une préférence marquée pour ceux provenant du territoire des Gan. Maine me montrait ses dernières trouvailles, exhumées de terre par le coup de daba d’un agriculteur chanceux ou l’attirail d’un orpailleur, en échange je l’initiais aux charmes secrets de la cybernétique appliquée. Bien que je n’eusse à lui offrir qu’une forte conviction et l’aplomb du débutant, Maine me fit confiance et, non sans affronter quelques orages, nous surmontâmes ensemble les difficultés éditoriales qui jalonnèrent la publication du premier ouvrage consacré aux bronzes Gan : la spirale du serpent. Il accompagnait sa superbe et inoubliable exposition qui marquera un tournant dans la connaissance de cette riche culture jusque-là ignorée. Deux décennies plus tard, rejoignant le centre du quartier où bat le cœur des arts primitifs, rue Visconti, Maine, avec talent et originalité, continuera à initier une clientèle amicale et fidèle à la beauté et au mystère de la sculpture des Lobi, Birifor, Dagari, Gan et autres Dorossié, sans toutefois négliger d’autres civilisations du monde qu’elle célébrait dans des expositions thématiques. Maine Durieu était partout chez elle, provençale sur la côte méditerranéenne, montagnarde dans le Vercors, femme du monde à Paris, aventurière à Banfora. Toutefois, j’ai le sentiment que son âme reposera là-bas, au centre de l’Afrique, dans la sérénité de cette annexe du paradis, au carrefour des trois pays dont elle a défendu sans relâche la culture ; là-bas, où les lieux savent conserver son souvenir et les habitants sa mémoire parce que le temps y prend le temps de durer. Tout y parle d’elle : la maison de plein pied, accueillante, à sa souriante image, à la fois simple et recherchée, les rôniers dans la plaine, à perte de vue, qu’on ne se lasse d’admirer depuis le point stratégique où le réseau est accessible, les champs de canne à sucre où l’on taquine le francolin avec un vieux calibre 12 Manufrance, en compagnie du chef de village qui n’a que son nom à la bouche, la baignade dans les cascades, le barbecue où rôtit le mouton après lequel on cavalait encore l’après-midi même dans les rues de la bourgade. Puis la piste rouge, magnifique, large comme un boulevard, qui rejoint Loropeni en traversant le pays dorossié, suivie de l’épreuve du chemin cabossé vers Obiré afin de solliciter une audience auprès de son ami, le roi des Gan. Et enfin Gaoua pour saluer une autre de ses proches, la conservatrice du musée du Poni, Claire Farma, boire une bière chez Hala sous des nuées d’anophèles et négocier une amulette de bronze avec l’acariâtre Oumarou, qui, indicible surprise, demande également de ses nouvelles... Personne ici n’oubliera la belle dame de Banfora. B. Goy
PENDENTIF ATTIÉAN ATTIE PENDANT
CÔTE D'IVOIRE
Details
PENDENTIF ATTIÉ
AN ATTIE PENDANT
CÔTE D'IVOIRE
Hauteur : 9 cm. (3 ½ in.)
AN ATTIE PENDANT
CÔTE D'IVOIRE
Hauteur : 9 cm. (3 ½ in.)
Provenance
Maine Durieu (1941-2015), Paris
Collection Mme et M. F., Paris
Collection Mme et M. F., Paris
Literature