TAPISSERIE D'EPOQUE RENAISSANCE
TAPISSERIE D'EPOQUE RENAISSANCE

PROBABLEMENT TOURNAI, VERS 1525

Details
TAPISSERIE D'EPOQUE RENAISSANCE
PROBABLEMENT TOURNAI, VERS 1525
En laine et soie, représentant le roi de France François Ier au Camp du Drap d'Or, assistant à une joute entre deux lutteurs
H.: 300 cm. (9ft. 8 in.) ; L.: 305 cm. (10ft.)
Provenance
Collection de Georges Conquéré de Monbrison, château de Saint-Roch, près d'Auvillar
Acheté à ce dernier par Wildenstein & Co., Paris, avant 1905
Literature
Charles Giry Deloison, Le Camp du Drap d'or: la rencontre d'Henri VIII et de François Ier, Paris, 2012
Adolfo S. Cavallo, Medieval tapestries in the Metropolitan Museum of Art, New-York, 1993
Ebeltje Hartkamp – Hillie Smit, European Tapestries in the Rijksmuseum, Amsterdam, 2004
Joyceline G. Russel, The Field of Cloth of Gold. Men and manners in 1520, London, 1969

Further details
A RENAISSANCE TAPESTRY DEPICTING A WRESTLING SCENE WITH THE KING OF FRANCE FRANCOIS IER AT THE FIELD OF CLOTH OF GOLD, PROBABLY TOURNAY, CIRCA 1525

Lot Essay

Cette remarquable tapisserie est une rare illustration de l’évènement politique majeur de l’année 1520 en Europe : la rencontre des rois de France et d’Angleterre François Ier et Henri VIII, au Camp du Drap d’or.

LA RENCONTRE DES ROIS DE FRANCE ET D’ANGLETERRE AU CAMP DU DRAP D’OR

« Le Camp du Drap d’or ». Ce nom évocateur désigne le lieu de la rencontre diplomatique qui eut lieu entre les deux souverains anglais et français du 7 au 24 juin 1520. Situé près de de Calais, à la frontière des deux pays, il tient son nom de l’inconcevable richesse qui y fût déployée et des broderies au fil d‘or dont furent recouvertes les tentes.
Robert III de la Marck, duc de Bouillon, dit Fleuranges, décrit dans ses Mémoires « une magnificence [des] accoustremens (…) si grande qu'on nomma ladite assemblée le camp de Drap d’Or ». Il fait également mention d’« un pavillon ayant soixante pieds en quarté le dessus de drap d'or frizé, et le dedans doublé de veloux bleu, tout semé de fleurs de lis de broderie d'or de Chypre, et quatre autres pavillons aux quatre coins, de pareille despense et estoit le cordage de fil d'or de Chypre et de soye bleue turquine, chose fort riche. ». (Histoire des choses mémorables advenues du règne de Louis XII et François Ier)
Cet étalage de richesse s’explique par l’enjeu de la rencontre. Le récent vainqueur de Marignan doit séduire son homologue anglais et le pousser à pactiser avec lui plutôt qu’avec son rival Charles Quint, pour éviter à la France d’être prise dans la tenaille d’une coalition ennemie. Pour François Ier il convenait donc de montrer toute la puissance et la richesse de la France, et pour Henri VIII de se montrer à la hauteur de ces fastes. Ainsi pendant deux semaines, bals, joutes, tournois, rencontres sont organisés qui voient s’affronter en luttes symboliques les deux immenses villes de toile dressées pour l’occasion.

DES REPRESENTATIONS FORT RARES

Si l’évènement n’a pas porté tous les fruits escomptés, il fera date dans l’histoire de France. Encore enseigné quelques siècles plus tard dans les manuels scolaires, il acquiert une dimension légendaire, nourrissant à raison les plus grands fantasmes sur les richesses qui y furent englouties. Et si plusieurs mémorialistes s’en sont fait l’écho, les témoignages écrits ou visuels contemporains sont extrêmement rares.
En effet, outre notre tapisserie, nous connaissons avec les mémoires de Fleuranges un seul tableau, exécuté vingt ans après par Jean Basire, conservé dans les collections royales britanniques à Hampton Court. Autre témoignage, les murs de l’hôtel de Bourgtheroulde construit par William II le Roux à Rouen furent décorés de cinq bas-reliefs en calcaire représentant l’évènement.

Les armoiries de la bordure où semblent se mêler les familles d’Humières et de Chalon permettent de supposer que le commanditaire de cette tapisserie soit Jean III ; seigneur d’Humières, chambellan de François Ier depuis 1517. Toutefois, trois de ces blasons ont été retissés, probablement quand la taille de la tapisserie fut réduite. Elles furent alors soit reproduites selon les originales, soit modifiées en fonction de leur nouveau propriétaire, un usage courant dans la tapisserie.
La tenture complète du Drap d’or dont notre tapisserie faisait à l’origine partie, à l’instar des bas-reliefs de la famille Bourgtheroulde, ornait nécessairement la demeure d’un membre de la cour, proche du roi, et qui pouvait s’enorgueillir d’avoir participé à un évènement aussi important. Sans doute le commanditaire figure-t-il même sur cette pièce.

UN SPECTACLE ROYAL

La scène représente une lutte entre deux rivaux français et anglais. A l’arrière-plan, le roi de France, accoudé à une tapisserie dans un amusant jeu de mise en abîme, observe le combat. A sa droite se tient Louise de Savoie, sa mère, posant la main sur l’épaule d’un gentilhomme tenant un faucon et qui pourrait être le connétable de Bourbon, qui dirigeait les combats. C’est à lui que la Reine Claude de France tend une bague, prix d’une victoire remportée. A l’extrémité de la tribune, deux sonneurs arborent les armes de France. Quant à l’identité des lutteurs, elle doit être avancée avec prudence, même si certains voient dans le personnage de droite un portrait d’Henri VIII lui-même. Une hypothèse qui n’est pas à écarter puisque les souverains sont explicitement désignés comme combattant dans le récit de Fleuranges. En effet cette représentation apparaît comme une illustration presque littérale des détails donnés par Fleuranges dans ses Mémoires, ainsi que dans ceux rapportés par Joyceline G. Russel dans son ouvrage The Field of Cloth of Gold. Men and manners in 1520 (London, 1969, pp..131-132)

TOURNAI A L'AUBE DE LA RENAISSANCE

Tout indique que cette tapisserie fut réalisée à Tournai. La qualité du tissage, l’impression de mouvement donnée à chaque figure et la finesse du dessin permettant l’individualisation des visages correspondent aux productions des Pays-Bas du Sud au début du XVIème siècle. Elles sont en cela comparables aux tapisseries de Tournai décrivant des scènes de vie quotidienne, comme les tentures du Jeu de la main chaude (Adolfo S. Cavallo, Medieval tapestries in the Metropolitan Museum of Art, New-York, 1993, n° 254-255). En outre, la bordure de notre tapisserie est identique à celles de deux autres tapisseries contemporaines à décor de verdure produite à Tournai et conservées respectivement au Rijksmuseum d’Amsterdam (inv. BK-17257) et au Art Institute de Chicago (ill. Ebeltje Hartkamp – Hillie Smit, European Tapestries in the Rijksmuseum, Amsterdam, 2004, cat. N°19 et Fig.28).
Quant aux années de productions, elles sont immédiatement postérieures aux évènements illustrés. En effet la composition de notre tapisserie est à la transition des styles Gothique et Renaissance. La richesse visuelle des motifs d’architecture combinée avec la luxuriance d’un parterre « millefleur » et l’étagement des plans sont typiques de l’esthétique du gothique tardif. Toutefois la tentative de perspective et la volonté de créer une profondeur constitue un exemple précoce de l’application à la tapisserie des principes esthétiques de la Renaissance.

GEORGES DE MONBRISON

Le comte Georges de Monbrison (1830-1906), homme érudit, fut également avide collectionneur de tableaux et d’art décoratifs de la Renaissance. En 1865, il hérite de sa famille le château de Saint-Roch et engagea pour le meubler et l’agencer le célèbre décorateur Edmond Lechevalier Chevignard. Une partie du mobilier du château, dont plusieurs tapisseries, fut vendue à Paris en 1904. Mais notre tapisserie ne figure pas à la vente. Elle sera vendue probablement directement à Wildenstein & Co. en 1905, année à partir de laquelle elles figurent dans leurs archives.

Le prêt de cette tapisserie a été sollicité pour l’exposition The Field of Cloth of Gold qui se tiendra en 2020 au palais de Hampton Court. Les informations relatives à cette demande seront transmises à l’acquéreur de ce lot.








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