Lot Essay
Le nom d’Adriaen Isenbrant reste, parmi ceux des artistes brugeois du XVIe siècle, l’un des plus fameux aussi bien que l’un des plus mystérieux. Il représente, avec Ambrosius Benson, le principal représentant de l’école brugeoise de la première moitié du siècle et pourtant les éléments concrets sur sa vie manquent. On ne lui connaît aucune œuvre signée mais son activité est attestée par une production rare mais dont les exemples ont été multipliés par un important atelier.
Formé dans l’atelier de Gérard David, il s’installe à Bruges dont il obtient le droit de bourgeoisie en 1510. A la tête de son atelier, il essaime largement à Bruges, répondant aussi bien semble-t-il à des commandes publiques (les travaux de décoration pour la Joyeuse Entrée de Charles Quint) que privées. Nourri en premier lieu des exemples de son maître dont il reprend souvent presque littéralement les motifs, son art puise également au-delà, dans l’art des Van Eyck, d’Hugo van der Goes ou de Memling, et parfois même tire son inspiration – comme c’est le cas ici – de sources plus lointaines connues par le biais de la gravure (Dürer, Schongauer…).
Son style, « délibérément pictural » pour reprendre les termes de Till-Holgert Borchert, se définit par une grande douceur du modelé, par une délicatesse et une précision dans l’exécution des détails, par des visages délicats et typiques que Friedlaender retrouvait tout particulièrement ici dans les traits de la Vierge. Autant de caractéristiques que l’on retrouve dans ce Triptyque des Litanies de la Vierge.
Au-delà de ses qualités esthétiques, c’est également son iconographie qui fait de cette œuvre un objet précieux autant que rare.
Si les sujets des deux panneaux latéraux sont facilement identifiables (la Fuite en Egypte pour le volet de gauche ; le Repos pendant la Fuite en Egypte pour celui de droite), l’iconographie si particulière du panneau central mérite une explication plus approfondie. Considérée par Friedlaender comme une « Vierge entourée des symboles de l’Immaculée Conception », elle dépeint en réalité la Vierge des Litanies, une représentation moins fréquente, qui ne fait que dériver du concept de l’Immaculée Conception.
Cette imagerie prend en effet sa source dans les débats théologiques qui entourent cette question de l’Immaculée Conception aux XVe et XVIe siècles, mais est plus directement inspirée par une gravure reproduite dans le Livre d’heures à l’usage de Rome publié par le libraire et graveur allemand Thielman Kerver en 1502 et dans lequel une gravure fixe l’iconographie de la Vierge des Litanies qui sera la plus usité (ill. 1). L’inspiration Isenbrant en est directe.
Flottant dans un nimbe bleuté, drapée dans un manteau aux couleurs mariales constellé d’étoiles dorées, la Vierge en prière est surmontée d’une figure de Dieu le père portant la tiare pontificale, la main gauche posée sur un orbe surmonté de la croix, tandis qu’il fait un geste de bénédiction de la main droite. Autour de Marie sont disposés, dans un ordre qui rappelle la gravure de l’ouvrage de Kerver, les symboles qui définissent les qualités qui sont siennes (« éclatante comme le soleil », « belle comme la lune », « miroir sans tache », etc.). Tirés des textes de l’Ancien Testament (principalement le Cantique des Cantiques et les Psaumes), figurants dans la gravure de Kerver, tous ces emblèmes tendent à rappeler la nature pure et virginale de la Vierge.
Le format de l’œuvre ne permet pas d’y voir une commande pour une église ou une congrégation mais ses dimensions relativement imposantes (c’est par la taille l’œuvre la plus grande d’Isenbrant passée en vente publique) suggèrent une œuvre de dévotion privée exécutée pour un commanditaire important. L’on connaît au moins trois triptyques avec variantes dérivant du présent prototype et tous considérés comme exécutés d’après Isenbrant. Le plus proche se trouvait dans une collection hollandaise en 1968, le second se trouve à Varsovie (mais les panneaux latéraux représentent dans ce cas les portraits des donateurs), et le troisième, se trouvait chez le marchand Duveen dans les années 1930.
Image précieuse d’une poésie subtile dont la composition surprenante, qui juxtapose sans véritable lien les différents symboles, est quasi-moderne, le Triptyque des Litanies de la Vierge est sans conteste l’une des œuvres majeures d’Isenbrant à être proposée sur le marché.
Formé dans l’atelier de Gérard David, il s’installe à Bruges dont il obtient le droit de bourgeoisie en 1510. A la tête de son atelier, il essaime largement à Bruges, répondant aussi bien semble-t-il à des commandes publiques (les travaux de décoration pour la Joyeuse Entrée de Charles Quint) que privées. Nourri en premier lieu des exemples de son maître dont il reprend souvent presque littéralement les motifs, son art puise également au-delà, dans l’art des Van Eyck, d’Hugo van der Goes ou de Memling, et parfois même tire son inspiration – comme c’est le cas ici – de sources plus lointaines connues par le biais de la gravure (Dürer, Schongauer…).
Son style, « délibérément pictural » pour reprendre les termes de Till-Holgert Borchert, se définit par une grande douceur du modelé, par une délicatesse et une précision dans l’exécution des détails, par des visages délicats et typiques que Friedlaender retrouvait tout particulièrement ici dans les traits de la Vierge. Autant de caractéristiques que l’on retrouve dans ce Triptyque des Litanies de la Vierge.
Au-delà de ses qualités esthétiques, c’est également son iconographie qui fait de cette œuvre un objet précieux autant que rare.
Si les sujets des deux panneaux latéraux sont facilement identifiables (la Fuite en Egypte pour le volet de gauche ; le Repos pendant la Fuite en Egypte pour celui de droite), l’iconographie si particulière du panneau central mérite une explication plus approfondie. Considérée par Friedlaender comme une « Vierge entourée des symboles de l’Immaculée Conception », elle dépeint en réalité la Vierge des Litanies, une représentation moins fréquente, qui ne fait que dériver du concept de l’Immaculée Conception.
Cette imagerie prend en effet sa source dans les débats théologiques qui entourent cette question de l’Immaculée Conception aux XVe et XVIe siècles, mais est plus directement inspirée par une gravure reproduite dans le Livre d’heures à l’usage de Rome publié par le libraire et graveur allemand Thielman Kerver en 1502 et dans lequel une gravure fixe l’iconographie de la Vierge des Litanies qui sera la plus usité (ill. 1). L’inspiration Isenbrant en est directe.
Flottant dans un nimbe bleuté, drapée dans un manteau aux couleurs mariales constellé d’étoiles dorées, la Vierge en prière est surmontée d’une figure de Dieu le père portant la tiare pontificale, la main gauche posée sur un orbe surmonté de la croix, tandis qu’il fait un geste de bénédiction de la main droite. Autour de Marie sont disposés, dans un ordre qui rappelle la gravure de l’ouvrage de Kerver, les symboles qui définissent les qualités qui sont siennes (« éclatante comme le soleil », « belle comme la lune », « miroir sans tache », etc.). Tirés des textes de l’Ancien Testament (principalement le Cantique des Cantiques et les Psaumes), figurants dans la gravure de Kerver, tous ces emblèmes tendent à rappeler la nature pure et virginale de la Vierge.
Le format de l’œuvre ne permet pas d’y voir une commande pour une église ou une congrégation mais ses dimensions relativement imposantes (c’est par la taille l’œuvre la plus grande d’Isenbrant passée en vente publique) suggèrent une œuvre de dévotion privée exécutée pour un commanditaire important. L’on connaît au moins trois triptyques avec variantes dérivant du présent prototype et tous considérés comme exécutés d’après Isenbrant. Le plus proche se trouvait dans une collection hollandaise en 1968, le second se trouve à Varsovie (mais les panneaux latéraux représentent dans ce cas les portraits des donateurs), et le troisième, se trouvait chez le marchand Duveen dans les années 1930.
Image précieuse d’une poésie subtile dont la composition surprenante, qui juxtapose sans véritable lien les différents symboles, est quasi-moderne, le Triptyque des Litanies de la Vierge est sans conteste l’une des œuvres majeures d’Isenbrant à être proposée sur le marché.