拍品专文
Monsieur Richard Riss a confirmé l'authenticité de cette oeuvre.
En 1917-18, Robert et Sonia Delaunay imaginent pour la troupe des Ballets russes, avec le chorégraphe Léonide Massine et le compositeur espagnol Manuel de Falla, un ballet constitué exclusivement de danses traditionnelles espagnoles. Ce projet ne voit finalement pas le jour mais quatre études préparatoires pour son décor témoignent de ce travail, parmi lesquelles Football, Profil, recadrage, aquarelle sur papier conservée au Centre Pompidou, Musée national d'Art moderne (Fig. 1). Il s'agit d'une esquisse pour un décor sur lequel s'inscrivent des têtes de danseurs. Notre oeuvre éponyme montre, au premier plan, des danseurs vêtus de maillots de joueurs, sur un fond multicolore composé d'éléments circulaires de différentes tailles.
Une lettre adressée par l'artiste à Massine nous livre des indications sur le montage du ballet. Le décor, animé par les couleurs simultanées distribuées en cercles concentriques, doit trouver écho dans le rythme syncopé d'une musique proche du jazz. "J'ai vu Falla, on a dîné ensemble. C'est lui qui a eu l'idée après que je lui eu [sic] exprimé de mon mieux ce qu'il nous fallait. Il trouve que l'unique moyen d'exprimer le rythme qu'il nous faut c'est cet ensemble [...]. Je travaille Football car je veux l'exposer dans toutes ses formes et l'envoyer comme une balle dans tout l'univers. Je veux une chose d'une vie folle et gaie, éclaboussante. Diaghilev nous critiquera après et veut que la meilleure politique c'est l'art neuf et riche." (R. Delaunay dans une lettre à Léonide Massine, conservée à la BNF, département des manuscrits).
Football met en avant l'intérêt de l'artiste pour les possibilités d'intégration du corps revêtu de couleurs simultanées dans un décor purement abstrait. Le danseur y est conçu comme une unité mobile au sein d'une composition visuelle orchestrée par le mouvement giratoire des assemblages de formes et de couleurs, figuré ici par le contraste des disques emboîtés. Notre aquarelle illustre les théories élaborées par Delaunay dès 1912 dans son travail sur les Disques, dits "premières peintures inobjectives", et qu'il poursuit en 1913 dans ses recherches sur le potentiel giratoire de la couleur, à travers la série des Formes circulaires. Il faut également souligner la volonté de l'artiste de décomposer la lumière et de représenter le mouvement de façon synthétique: il reprend le principe baroque du "décor mobile" pour le pousser jusqu'aux limites du vertige optique.
Les recherches de Delaunay sur les sportifs, et en particulier sur les footballeurs, sont la preuve de sa curiosité persistante pour le dynamisme des attitudes sportives dont l' Equipe de Cardiff a été l'un des premiers témoignages (R. Delaunay, Equipe de Cardiff, 3ème représentation, huile sur toile, 1913, Musée d'Art moderne de la Ville de Paris).
Henri-Georges Clouzot fait l'acquisition de cette aquarelle en vente aux enchères en 1967. L'année suivante, il réalise son premier film en couleur, La Prisonnière. La transposition des théories de l'art moderne dans les films de Clouzot est évidente. L'art cinétique et optique, dit Op Art, courant artistique fondé sur les illusions d'optique, la vibration rétinienne et l'impossibilité de notre oeil à accommoder simultanément le regard à deux surfaces colorées violemment contrastées, est omniprésent dans ses derniers films. Clouzot semble avoir également été inspiré par la maîtrise des jeux de lumières et le dynamisme des formes de Delaunay. Certaines scènes de L'Enfer ou de La Prisonnière, par leurs jeux de lumières et de mises en scène, y font subtilement écho. (Fig. 2).
In 1918, Robert and Sonia Delaunay, in collaboration with the Ballet russe choreographer Léonide Massine and the Spanish composer Manuel de Falla, designed a ballet made up entirely of typical Spanish dances. The project was never completed, but four preparatory studies survived from the project, including Football, a watercolour on paper, (Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, Fig. 1). It is a sketch for the set on which dancers' heads are drawn. Our work shows the dancers in the foreground, dressed in football jersey against a multicoloured backdrop of circular forms of different sizes.
A letter sent by the artist to Massine provides us with directions on the show's scenography. The set, with its simultaneous colours in concentric circles, is reflected in the syncopated rhythm of a music similar to jazz. 'I saw Falla, we had dinner together. He was the one who came up with the idea, after I'd done my best to explain to him what we needed. He thinks this is the only way of expressing the rhythm we need [...]. I'm working on Football because I want to expose it in all its forms and kick it like a ball across the whole universe. I want something of a mad and joyful life, something that will make a splash. Diaghilev will criticise us afterwards and say that the best policy is new, elaborate art. (Robert Delaunay in a letter to Léonide Massine, preserved in the BNF Manuscripts Department).
Football highlights the artist's interest in the possibilities of using the human body dressed in simultaneous colours in a purely abstract setting. The dancer is imagined as a mobile unit within a visual composition orchestrated by the gyratory movement of groups of forms and colours, illustrated here by the contrast of interlocking discs. Our watercolour takes up theories developed by Delaunay in 1912, through his work on discs, known as "first unobjective paintings", and in 1913, on circular forms (an attempt to explore the gyratory potential of colour). We should also note the artist's desire to deconstruct light and to represent movement synthetically. The baroque principle of "mobile décor" pushed to the limits of optical disorientation.
The artist's research on work on athletes, particularly footballers, shows his persistent interest in the dynamism of athletic poses, of which the Equipes de Cardiff was one of the first examples (Robert Delaunay, Equipes de Cardiff, 3éme représentation , oil on canvas, 1913, Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris).
Henri-Georges Clouzot acquired this watercolour at auction in 1967. The following year, he made his first colour film, La Prisonnière. The incorporation of theories of modern art in Clouzot's films is obvious. Kinetic art and optical art (Op Art) - an artistic trend based on optical illusions, retinal vibration and the inability of our eyes to look simultaneously at two violently clashing coloured surfaces - is omnipresent in his latest films. Clouzot seems to also have been inspired by the masterful use of light and the dynamism of forms in Delaunay's work. The use of light and scenography of certain scenes in L'Enfer and La Prisonnière subtly echo Delaunay's theories (Fig. 2).
En 1917-18, Robert et Sonia Delaunay imaginent pour la troupe des Ballets russes, avec le chorégraphe Léonide Massine et le compositeur espagnol Manuel de Falla, un ballet constitué exclusivement de danses traditionnelles espagnoles. Ce projet ne voit finalement pas le jour mais quatre études préparatoires pour son décor témoignent de ce travail, parmi lesquelles Football, Profil, recadrage, aquarelle sur papier conservée au Centre Pompidou, Musée national d'Art moderne (Fig. 1). Il s'agit d'une esquisse pour un décor sur lequel s'inscrivent des têtes de danseurs. Notre oeuvre éponyme montre, au premier plan, des danseurs vêtus de maillots de joueurs, sur un fond multicolore composé d'éléments circulaires de différentes tailles.
Une lettre adressée par l'artiste à Massine nous livre des indications sur le montage du ballet. Le décor, animé par les couleurs simultanées distribuées en cercles concentriques, doit trouver écho dans le rythme syncopé d'une musique proche du jazz. "J'ai vu Falla, on a dîné ensemble. C'est lui qui a eu l'idée après que je lui eu [sic] exprimé de mon mieux ce qu'il nous fallait. Il trouve que l'unique moyen d'exprimer le rythme qu'il nous faut c'est cet ensemble [...]. Je travaille Football car je veux l'exposer dans toutes ses formes et l'envoyer comme une balle dans tout l'univers. Je veux une chose d'une vie folle et gaie, éclaboussante. Diaghilev nous critiquera après et veut que la meilleure politique c'est l'art neuf et riche." (R. Delaunay dans une lettre à Léonide Massine, conservée à la BNF, département des manuscrits).
Football met en avant l'intérêt de l'artiste pour les possibilités d'intégration du corps revêtu de couleurs simultanées dans un décor purement abstrait. Le danseur y est conçu comme une unité mobile au sein d'une composition visuelle orchestrée par le mouvement giratoire des assemblages de formes et de couleurs, figuré ici par le contraste des disques emboîtés. Notre aquarelle illustre les théories élaborées par Delaunay dès 1912 dans son travail sur les Disques, dits "premières peintures inobjectives", et qu'il poursuit en 1913 dans ses recherches sur le potentiel giratoire de la couleur, à travers la série des Formes circulaires. Il faut également souligner la volonté de l'artiste de décomposer la lumière et de représenter le mouvement de façon synthétique: il reprend le principe baroque du "décor mobile" pour le pousser jusqu'aux limites du vertige optique.
Les recherches de Delaunay sur les sportifs, et en particulier sur les footballeurs, sont la preuve de sa curiosité persistante pour le dynamisme des attitudes sportives dont l' Equipe de Cardiff a été l'un des premiers témoignages (R. Delaunay, Equipe de Cardiff, 3ème représentation, huile sur toile, 1913, Musée d'Art moderne de la Ville de Paris).
Henri-Georges Clouzot fait l'acquisition de cette aquarelle en vente aux enchères en 1967. L'année suivante, il réalise son premier film en couleur, La Prisonnière. La transposition des théories de l'art moderne dans les films de Clouzot est évidente. L'art cinétique et optique, dit Op Art, courant artistique fondé sur les illusions d'optique, la vibration rétinienne et l'impossibilité de notre oeil à accommoder simultanément le regard à deux surfaces colorées violemment contrastées, est omniprésent dans ses derniers films. Clouzot semble avoir également été inspiré par la maîtrise des jeux de lumières et le dynamisme des formes de Delaunay. Certaines scènes de L'Enfer ou de La Prisonnière, par leurs jeux de lumières et de mises en scène, y font subtilement écho. (Fig. 2).
In 1918, Robert and Sonia Delaunay, in collaboration with the Ballet russe choreographer Léonide Massine and the Spanish composer Manuel de Falla, designed a ballet made up entirely of typical Spanish dances. The project was never completed, but four preparatory studies survived from the project, including Football, a watercolour on paper, (Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris, Fig. 1). It is a sketch for the set on which dancers' heads are drawn. Our work shows the dancers in the foreground, dressed in football jersey against a multicoloured backdrop of circular forms of different sizes.
A letter sent by the artist to Massine provides us with directions on the show's scenography. The set, with its simultaneous colours in concentric circles, is reflected in the syncopated rhythm of a music similar to jazz. 'I saw Falla, we had dinner together. He was the one who came up with the idea, after I'd done my best to explain to him what we needed. He thinks this is the only way of expressing the rhythm we need [...]. I'm working on Football because I want to expose it in all its forms and kick it like a ball across the whole universe. I want something of a mad and joyful life, something that will make a splash. Diaghilev will criticise us afterwards and say that the best policy is new, elaborate art. (Robert Delaunay in a letter to Léonide Massine, preserved in the BNF Manuscripts Department).
Football highlights the artist's interest in the possibilities of using the human body dressed in simultaneous colours in a purely abstract setting. The dancer is imagined as a mobile unit within a visual composition orchestrated by the gyratory movement of groups of forms and colours, illustrated here by the contrast of interlocking discs. Our watercolour takes up theories developed by Delaunay in 1912, through his work on discs, known as "first unobjective paintings", and in 1913, on circular forms (an attempt to explore the gyratory potential of colour). We should also note the artist's desire to deconstruct light and to represent movement synthetically. The baroque principle of "mobile décor" pushed to the limits of optical disorientation.
The artist's research on work on athletes, particularly footballers, shows his persistent interest in the dynamism of athletic poses, of which the Equipes de Cardiff was one of the first examples (Robert Delaunay, Equipes de Cardiff, 3
Henri-Georges Clouzot acquired this watercolour at auction in 1967. The following year, he made his first colour film, La Prisonnière. The incorporation of theories of modern art in Clouzot's films is obvious. Kinetic art and optical art (Op Art) - an artistic trend based on optical illusions, retinal vibration and the inability of our eyes to look simultaneously at two violently clashing coloured surfaces - is omnipresent in his latest films. Clouzot seems to also have been inspired by the masterful use of light and the dynamism of forms in Delaunay's work. The use of light and scenography of certain scenes in L'Enfer and La Prisonnière subtly echo Delaunay's theories (Fig. 2).