拍品专文
JEAN-CHARLES ROQUILLET-DESNOYERS, UN ORFEVRE DE LA TRANSITION
Jean-Charles Roquillet-Desnoyers fait son apprentissage dans l’atelier de l’orfèvre Pierre-Henri Chéret, l’oncle de Jean-Baptiste François Chéret, célèbre orfèvre qui a travaillé notamment pour Versailles et pour les cours européennes. Roquillet-Desnoyers insculpe son poinçon en 1772 et demeure Place Dauphine puis rue Mauconseil jusqu’en 1793.
Sa production est assez importante mais relativement classique : terrines unies sur piédouche, verseuses tripodes, théières, flambeaux et couverts. Il a également réalisé quelques pièces remarquables comme une grande théière boule en argent datée 1780-1782 (Vente Sotheby’s Paris, 3 mai 2016 lot 103) ou encore un grand miroir de toilette, 1784, aux armes de la famille Rohan-Chabot (vente Christie’s Paris, collection Juan de Beistegui, Paris, 10 septembre 2018, lot 81). Ce miroir porte non seulement le poinçon de Roquillet-Desnoyers mais aussi l'inscription 'JB CHERET A PARIS EN 1785' prouvant la collaboration des deux orfèvres qui partagent aussi le même vocabulaire décoratif.
UN MODELE D'APRES MEISSONNIER ET DANS LA TRADITION DES GERMAIN
Notre paire de salières, bien que datant de 1773-1774, est dans le style rocaille naturaliste en vogue à la cour de Louis XV à partir de années 1725-1730. Le Rocaille né en réaction du style Louis XIV, rigide, pompeux, régit à la gloire du monarque, traduit une envie de nature, de folie, de joie, de gaieté et de jeunesse.
En orfèvrerie, ce nouveau style émergeant est dessiné par Juste-Aurèle Meissonnier et concrétisé par Thomas Germain. Ce dernier réalise ainsi une paire de rafraichissoirs en 1727-1728, conservée au musée du Louvre, en forme de rocher agrémenté de pampres de vigne et faisant partie du service Penthièvre-Orléans. Il imagine également, pour ce même service, une paire de salières datant de 1734-1736 ornées de tortue, crabe et coquille alors que son fils réalise en 1764-1765 pour le nécessaire de Joseph Ier, une salière en or en forme de coquillage supportée par deux poissons qui évoque le monde de la mer (Musée d'Art ancien, Lisbonne).
Pourtant ce sont dans les dessins de Meissonnier que Roquillet-Desnoyer a sans doute trouvé l’inspiration pour ces salières qui ressemblent à un projet à priori jamais fabriqué de ‘salière rocaille’ datant de 1730-1735 et publié par Gabriel Huquier (1695-1772) en 1742-1748 dans Dixième livre des œuvres de J.A. Meissonnier, série lettre K, planche 63 (ill. dans P. Fuhring, Juste-Aurèle Meissonnier, un génie du rococo 1695-1750, Turin, p. 346, No 66).
Le Rocaille, qui prend beaucoup de liberté et produit des pièces extravagantes voire excentriques, reste la gloire de l'orfèvrerie française et auquel le roi et la cour restent longtemps attachés malgré l'arrivée du style néo-classique.
UN DECOR EN ACCORD AVEC SA FONCTION OU LA PERSISTANCE DU STYLE ROCAILLE
La salière devient un objet autonome avec la disparition du surtout de table qui réunissait en milieu de table les récipients à épices et à condiments disposés en permanence pendant les repas. En effet aux quatre coins de ces extraordinaires compositions étaient placées des coquilles servant de salières. Quant à partir des années 1730 le surtout perd progressivement son caractère fonctionnel pour devenir un objet ornemental et que les salières (comme les huiliers et les sucriers) en disparaissent, celles-ci deviennent un objet indépendant placées à portée de main des convives. Les orfèvres inventent ainsi des modèles dont la conception réaliste et narrative des motifs pourraient en faire un élément de milieu de table servant accessoirement de décor de table. Ainsi malgré l'évolution stylistique, la salière conserve longtemps une référence à la nature du contenant de l'objet tel que les coquillages, un vocabulaire ornemental certes souvent associé au style Rocaille.
JEAN-CHARLES ROQUILLET-DESNOYERS, A SILVERSMITH AT A STYLISTIC CROSSROADS
Jean-Charles Roquillet-Desnoyers completed his apprenticeship in the workshop of Pierre-Henri Chéret, the uncle of Jean-Baptiste François Chéret and one of the most famous goldsmiths who worked in particular for Versailles and the European courts. Roquillet-Desnoyers entered his mark in 1772, working in Place Dauphine before moving to rue Mauconseil in 1793.
His output was substantial but generally quite traditional with plain tureens on stands, coffee pots, teapots, candlesticks and flatware. He also made several remarkable pieces such as a large silver ball teapot dated 1780-1782 (Sotheby's, Paris, 3 May 2016, lot 103) and a large toilet mirror, dated 1784, and engraved with the Rohan-Chabot family coat-of-arms (Collection Juan de Beistegui; Christie's, Paris, 10 September 2018, lot 81). This mirror not only bears the maker’s mark of Roquillet-Desnoyers but also the inscription 'JB CHERET A PARIS EN 1785', proving the collaboration of the two silversmiths who also share the same decorative vocabulary.
A MODEL AFTER MEISSONNIER AND IN THE TRADITION OF THE GERMAINS
This pair of salt-cellars, although dating from 1773-1774, is in the naturalistic Rococo style in vogue at the court of Louis XV from the mid-1720s. The Rococo style originated as a reaction to the Louis XIV style, considered rigid, pompous and narcissist, and reflects a craving for nature, madness, joy and youth.
In goldsmithing, this new emerging style was led and designed by Juste-Aurèle Meissonnier and produced by the Germains. Thomas Germain produced a pair of coolers in 1727-1728, now in the Louvre Museum, shaped as a rock decorated with vine branches and forming part of the Penthièvre-Orléans service. He also imagined, for this same service, a pair of salt-cellars dating from 1734-1736 adorned with turtles, crabs and shells. His son François-Thomas German made in 1764-1765 a gold salt-cellar in the shape of a shell supported by two fish, for Joseph I's service, which evokes the seaworld (now in the Museum of Ancient Art, Lisbon).
Roquillet-Desnoyer undoubtedly found the inspiration for his salt-cellars in the drawings of Meissonnier as they resemble a project never realised of a 'rocaille salt-cellar' dating from 1730-1735 and published by Gabriel Huquier (1695- 1772) in 1742-1748 in Dixième livre des œuvres de J.A. Meissonnier, série lettre K, planche 63 (ill. in P. Fuhring, Juste-Aurèle Meissonnier, un génie du rococo 1695-1750, Turin, p. 346, No 66).
The Roccoco style produced extravagant and eccentric pieces, but remained the pride of French goldsmithing and the King and the Court remained attached to it for a long time despite the arrival of the neoclassical style.
‘FORM FOLLOWS FUNCTION’ OR THE PERSISTENCE OF THE ROCOCO STYLE
The salt-cellar became a separate functional object on the table with the disappearance of the surtout, a centrepiece that remained on the table throughout a meal. Placed at the four corners of these extraordinary compositions were shells serving as salt-cellars. From the 1730s, as the surtout fell out of fashion, salt-cellars like oil and vinegar cruets and sugar casters became independent objects placed within easy reach of the guests.
The silversmiths thus created models whose realistic and narrative designs turn them into small table decorations. Therefore despite the stylistic evolution, the salt-cellars remained decorated with motifs referring to the nature of salt and included shells, crabs, lobsters, fish, seaweed, coral, an ornamental vocabulary often associated with the Rococo style.
Jean-Charles Roquillet-Desnoyers fait son apprentissage dans l’atelier de l’orfèvre Pierre-Henri Chéret, l’oncle de Jean-Baptiste François Chéret, célèbre orfèvre qui a travaillé notamment pour Versailles et pour les cours européennes. Roquillet-Desnoyers insculpe son poinçon en 1772 et demeure Place Dauphine puis rue Mauconseil jusqu’en 1793.
Sa production est assez importante mais relativement classique : terrines unies sur piédouche, verseuses tripodes, théières, flambeaux et couverts. Il a également réalisé quelques pièces remarquables comme une grande théière boule en argent datée 1780-1782 (Vente Sotheby’s Paris, 3 mai 2016 lot 103) ou encore un grand miroir de toilette, 1784, aux armes de la famille Rohan-Chabot (vente Christie’s Paris, collection Juan de Beistegui, Paris, 10 septembre 2018, lot 81). Ce miroir porte non seulement le poinçon de Roquillet-Desnoyers mais aussi l'inscription 'JB CHERET A PARIS EN 1785' prouvant la collaboration des deux orfèvres qui partagent aussi le même vocabulaire décoratif.
UN MODELE D'APRES MEISSONNIER ET DANS LA TRADITION DES GERMAIN
Notre paire de salières, bien que datant de 1773-1774, est dans le style rocaille naturaliste en vogue à la cour de Louis XV à partir de années 1725-1730. Le Rocaille né en réaction du style Louis XIV, rigide, pompeux, régit à la gloire du monarque, traduit une envie de nature, de folie, de joie, de gaieté et de jeunesse.
En orfèvrerie, ce nouveau style émergeant est dessiné par Juste-Aurèle Meissonnier et concrétisé par Thomas Germain. Ce dernier réalise ainsi une paire de rafraichissoirs en 1727-1728, conservée au musée du Louvre, en forme de rocher agrémenté de pampres de vigne et faisant partie du service Penthièvre-Orléans. Il imagine également, pour ce même service, une paire de salières datant de 1734-1736 ornées de tortue, crabe et coquille alors que son fils réalise en 1764-1765 pour le nécessaire de Joseph Ier, une salière en or en forme de coquillage supportée par deux poissons qui évoque le monde de la mer (Musée d'Art ancien, Lisbonne).
Pourtant ce sont dans les dessins de Meissonnier que Roquillet-Desnoyer a sans doute trouvé l’inspiration pour ces salières qui ressemblent à un projet à priori jamais fabriqué de ‘salière rocaille’ datant de 1730-1735 et publié par Gabriel Huquier (1695-1772) en 1742-1748 dans Dixième livre des œuvres de J.A. Meissonnier, série lettre K, planche 63 (ill. dans P. Fuhring, Juste-Aurèle Meissonnier, un génie du rococo 1695-1750, Turin, p. 346, No 66).
Le Rocaille, qui prend beaucoup de liberté et produit des pièces extravagantes voire excentriques, reste la gloire de l'orfèvrerie française et auquel le roi et la cour restent longtemps attachés malgré l'arrivée du style néo-classique.
UN DECOR EN ACCORD AVEC SA FONCTION OU LA PERSISTANCE DU STYLE ROCAILLE
La salière devient un objet autonome avec la disparition du surtout de table qui réunissait en milieu de table les récipients à épices et à condiments disposés en permanence pendant les repas. En effet aux quatre coins de ces extraordinaires compositions étaient placées des coquilles servant de salières. Quant à partir des années 1730 le surtout perd progressivement son caractère fonctionnel pour devenir un objet ornemental et que les salières (comme les huiliers et les sucriers) en disparaissent, celles-ci deviennent un objet indépendant placées à portée de main des convives. Les orfèvres inventent ainsi des modèles dont la conception réaliste et narrative des motifs pourraient en faire un élément de milieu de table servant accessoirement de décor de table. Ainsi malgré l'évolution stylistique, la salière conserve longtemps une référence à la nature du contenant de l'objet tel que les coquillages, un vocabulaire ornemental certes souvent associé au style Rocaille.
JEAN-CHARLES ROQUILLET-DESNOYERS, A SILVERSMITH AT A STYLISTIC CROSSROADS
Jean-Charles Roquillet-Desnoyers completed his apprenticeship in the workshop of Pierre-Henri Chéret, the uncle of Jean-Baptiste François Chéret and one of the most famous goldsmiths who worked in particular for Versailles and the European courts. Roquillet-Desnoyers entered his mark in 1772, working in Place Dauphine before moving to rue Mauconseil in 1793.
His output was substantial but generally quite traditional with plain tureens on stands, coffee pots, teapots, candlesticks and flatware. He also made several remarkable pieces such as a large silver ball teapot dated 1780-1782 (Sotheby's, Paris, 3 May 2016, lot 103) and a large toilet mirror, dated 1784, and engraved with the Rohan-Chabot family coat-of-arms (Collection Juan de Beistegui; Christie's, Paris, 10 September 2018, lot 81). This mirror not only bears the maker’s mark of Roquillet-Desnoyers but also the inscription 'JB CHERET A PARIS EN 1785', proving the collaboration of the two silversmiths who also share the same decorative vocabulary.
A MODEL AFTER MEISSONNIER AND IN THE TRADITION OF THE GERMAINS
This pair of salt-cellars, although dating from 1773-1774, is in the naturalistic Rococo style in vogue at the court of Louis XV from the mid-1720s. The Rococo style originated as a reaction to the Louis XIV style, considered rigid, pompous and narcissist, and reflects a craving for nature, madness, joy and youth.
In goldsmithing, this new emerging style was led and designed by Juste-Aurèle Meissonnier and produced by the Germains. Thomas Germain produced a pair of coolers in 1727-1728, now in the Louvre Museum, shaped as a rock decorated with vine branches and forming part of the Penthièvre-Orléans service. He also imagined, for this same service, a pair of salt-cellars dating from 1734-1736 adorned with turtles, crabs and shells. His son François-Thomas German made in 1764-1765 a gold salt-cellar in the shape of a shell supported by two fish, for Joseph I's service, which evokes the seaworld (now in the Museum of Ancient Art, Lisbon).
Roquillet-Desnoyer undoubtedly found the inspiration for his salt-cellars in the drawings of Meissonnier as they resemble a project never realised of a 'rocaille salt-cellar' dating from 1730-1735 and published by Gabriel Huquier (1695- 1772) in 1742-1748 in Dixième livre des œuvres de J.A. Meissonnier, série lettre K, planche 63 (ill. in P. Fuhring, Juste-Aurèle Meissonnier, un génie du rococo 1695-1750, Turin, p. 346, No 66).
The Roccoco style produced extravagant and eccentric pieces, but remained the pride of French goldsmithing and the King and the Court remained attached to it for a long time despite the arrival of the neoclassical style.
‘FORM FOLLOWS FUNCTION’ OR THE PERSISTENCE OF THE ROCOCO STYLE
The salt-cellar became a separate functional object on the table with the disappearance of the surtout, a centrepiece that remained on the table throughout a meal. Placed at the four corners of these extraordinary compositions were shells serving as salt-cellars. From the 1730s, as the surtout fell out of fashion, salt-cellars like oil and vinegar cruets and sugar casters became independent objects placed within easy reach of the guests.
The silversmiths thus created models whose realistic and narrative designs turn them into small table decorations. Therefore despite the stylistic evolution, the salt-cellars remained decorated with motifs referring to the nature of salt and included shells, crabs, lobsters, fish, seaweed, coral, an ornamental vocabulary often associated with the Rococo style.