拍品专文
Le XVIIIe siècle fut le siècle de la couleur. Après le succès des laques chinois et japonais importés en Europe dès le début du XVIIe siècle, les « vernisseurs » parisiens mettent au point à partir des années 1670 un vernis, destiné à concurrencer la production extrême-orientale. Cette technique est portée à son apogée par les frères Martin, dans les années 1730, qui laissèrent leur nom au célèbre « vernis Martin ». Si ces vernis sont travaillés selon le même principe de superposition des couches que les laques d’Asie, leur composition chimique diffère complètement. Elle permet l’utilisation d’une large gamme de couleurs, souvent très vives, qui font la spécificité des laques françaises. Tandis que la couleur triomphe dans les lambris, couverts de vernis Martin, les meubles se mettent à l’unisson. Bien que souvent ternies par le temps, les teintes employées peuvent être comparées à celles mises au point sur les porcelaines élaborées par les manufactures de Vincennes et de Sèvres. On peut encore le voir sur quelques rares exemples de meubles qui nous sont parvenus intactes aujourd’hui, dont le plus fameux est la commode livrée par le marchand-mercier Thomas-Joachim Hébert pour Madame de Mailly, exécutée par Mathieu Criaerd en 1743 (Musée du Louvre, OA 11292).
Le fond jaune de ce secrétaire, parfois désigné sous le thème « vernis jonquille » dans les documents du XVIIIe siècle, devait s’accorder à l’intérieur pour lequel il était dessiné. Le jaune ne semble pas avoir été une couleur très répandue pour les meubles, si on se réfère aux différents états de marchandises dont on dispose pour les frères Martin. Les exemples conservés sont de ce fait peu nombreux et apparaissent surtout sur des commodes estampillées Rübestück.
Né en Westphalie, François Rübestück s’installe rue de la Roquette avant de s’établir définitivement rue de Charenton. Il s’illustre dans différents styles et a produit un grand nombre de meubles de qualité. Il se spécialise dans la réalisation de meubles revêtus de vernis européen, dont le décor se déploie aussi bien sur des formes Louis XV que Louis XVI, représentant des personnages orientalisants dans des paysages lacustres avec des pagodes. On retrouve un décor sur fond jonquille très similaire à celui de notre secrétaire sur une commode Louis XV à deux tiroirs sans traverse (Pierre Kjellberg, Le mobilier français du XVIIIe siècle, Paris, 2002, p. 745, ill. C), mais surtout sur un secrétaire à pans coupés à décor de chinoiseries très semblable au nôtre dans sa forme vendu chez Christie’s, à New York, le 2 novembre 2000, lot 53.
Ces secrétaires décorés de vernis européen dans le goût des chinoiseries réalisés par Rübestück constituent un petit groupe, dont fait également partie un autre secrétaire à abattant, attribué à l’ébéniste vers 1766-1770, sur fond rouge cette fois (Christie’s, Londres 15 juillet 2010, lot 707). On peut également rapprocher de ce groupe un secrétaire à pans coupés de Léonard Boudin très similaire au nôtre dans sa structure, ainsi que son décor, illustré dans Thibault Wolvesperges, Le meuble français en laque au XVIIIe siècle, Paris, 2000, p. 239, fig. 118. Or, on sait que Boudin est, à partir des années 1770, si réputé pour ses marqueteries, qu’il ouvre en 1772 son propre magasin de vente. Il fait travailler plusieurs ébénistes dont Topino, Denizot, Evald, Gilbert ou encore Roger Lacroix et il lui arrive fréquemment d’apposer son estampille sur leurs meubles. S’il n’est pas attesté que Rübestück travaille pour Boudin, on peut tout de même supposer, par comparaison avec notre secrétaire, que ce meuble peut lui être attribué.
-------------
The 18th century is the century of colour. Following the success of Chinese and Japanese lacquers imported to Europe in the early 17th century, Parisian vernisseurs began developing a varnish from the 1670s onwards, designed to compete with Far Eastern production. This technique reached its apogee in the 1730s with the Martin brothers, who left their name to the famous vernis Martin. Although these varnishes were produced using the same principle of superimposed layers as Asian lacquers, their chemical composition was completely different. It allows the use of a wider range of colours, often very bright, which are the hallmark of French lacquers. While colour triumphs in the panelling, covered in vernis Martin, the furniture is in unison. Although often tarnished by the passage of time, the colours used can be compared to those developed for the porcelain produced by the Vincennes and Sèvres factories. This can still be seen on some rare examples of furniture that have survived intact today, the most famous of which is the commode supplied by the marchand-mercier Thomas-Joachim Hébert for Madame de Mailly, executed by Mathieu Criaerd in 1743 (Musée du Louvre, OA 11292).
The yellow background of this secretary, sometimes referred to as ‘fond jonquille’ (‘daffodil varnish’) in 18th century documents, must have matched the interior for which it was designed. Yellow does not seem to have been a quite common colour for furniture, according to the various statements of merchandise available for the Martin brothers. The surviving examples are therefore exceedingly rare, appearing mainly on chests of drawers stamped Rübestück.
Born in Westphalia, François Rübestück moved to rue de la Roquette before settling permanently in rue de Charenton. He distinguished himself in several styles and produced many high-quality pieces of furniture. He specialised in furniture covered in European varnish, decorated in both Louis XV and Louis XVI styles, depicting oriental figures in lakeside landscapes with pagodas. A decoration on a daffodil background remarkably like that on our secretary can be found on a Louis XV chest of drawers with two drawers without a crossbar (Pierre Kjellberg, Le mobilier français du XVIIIe siècle, Paris, 2002, p. 745, ill. C), but above all on a secretary with chinoiserie decoration similar to ours in form, sold at Christie's, New York, on 2 November 2000, lot 53.
These secretaries, decorated with European varnish in the chinoiserie style and made by Rübestück, make up a small group, which also includes another secretary, attributed to the cabinetmaker around 1766-1770, this time with a red background (Christie's, London 15 July 2010, lot 707). Also related to this group is a secretary à pans coupés by Léonard Boudin, very similar to ours in structure and decoration, illustrated in Thibault Wolvesperges, Le meuble français en laque au XVIIIe siècle, Paris, 2000, p. 239, fig. 118. By the 1770s, Boudin was so renowned for his marquetry that he opened his own store in 1772. He employed a number of famous cabinetmakers, including Topino, Denizot, Evald, Gilbert and Roger Lacroix, and often put his stamp on their furniture. Although there is no evidence that Rübestück worked for Boudin, we can nevertheless assume, by comparison with our secretary, that this piece of furniture could be attributed to him.
Le fond jaune de ce secrétaire, parfois désigné sous le thème « vernis jonquille » dans les documents du XVIIIe siècle, devait s’accorder à l’intérieur pour lequel il était dessiné. Le jaune ne semble pas avoir été une couleur très répandue pour les meubles, si on se réfère aux différents états de marchandises dont on dispose pour les frères Martin. Les exemples conservés sont de ce fait peu nombreux et apparaissent surtout sur des commodes estampillées Rübestück.
Né en Westphalie, François Rübestück s’installe rue de la Roquette avant de s’établir définitivement rue de Charenton. Il s’illustre dans différents styles et a produit un grand nombre de meubles de qualité. Il se spécialise dans la réalisation de meubles revêtus de vernis européen, dont le décor se déploie aussi bien sur des formes Louis XV que Louis XVI, représentant des personnages orientalisants dans des paysages lacustres avec des pagodes. On retrouve un décor sur fond jonquille très similaire à celui de notre secrétaire sur une commode Louis XV à deux tiroirs sans traverse (Pierre Kjellberg, Le mobilier français du XVIIIe siècle, Paris, 2002, p. 745, ill. C), mais surtout sur un secrétaire à pans coupés à décor de chinoiseries très semblable au nôtre dans sa forme vendu chez Christie’s, à New York, le 2 novembre 2000, lot 53.
Ces secrétaires décorés de vernis européen dans le goût des chinoiseries réalisés par Rübestück constituent un petit groupe, dont fait également partie un autre secrétaire à abattant, attribué à l’ébéniste vers 1766-1770, sur fond rouge cette fois (Christie’s, Londres 15 juillet 2010, lot 707). On peut également rapprocher de ce groupe un secrétaire à pans coupés de Léonard Boudin très similaire au nôtre dans sa structure, ainsi que son décor, illustré dans Thibault Wolvesperges, Le meuble français en laque au XVIIIe siècle, Paris, 2000, p. 239, fig. 118. Or, on sait que Boudin est, à partir des années 1770, si réputé pour ses marqueteries, qu’il ouvre en 1772 son propre magasin de vente. Il fait travailler plusieurs ébénistes dont Topino, Denizot, Evald, Gilbert ou encore Roger Lacroix et il lui arrive fréquemment d’apposer son estampille sur leurs meubles. S’il n’est pas attesté que Rübestück travaille pour Boudin, on peut tout de même supposer, par comparaison avec notre secrétaire, que ce meuble peut lui être attribué.
-------------
The 18th century is the century of colour. Following the success of Chinese and Japanese lacquers imported to Europe in the early 17th century, Parisian vernisseurs began developing a varnish from the 1670s onwards, designed to compete with Far Eastern production. This technique reached its apogee in the 1730s with the Martin brothers, who left their name to the famous vernis Martin. Although these varnishes were produced using the same principle of superimposed layers as Asian lacquers, their chemical composition was completely different. It allows the use of a wider range of colours, often very bright, which are the hallmark of French lacquers. While colour triumphs in the panelling, covered in vernis Martin, the furniture is in unison. Although often tarnished by the passage of time, the colours used can be compared to those developed for the porcelain produced by the Vincennes and Sèvres factories. This can still be seen on some rare examples of furniture that have survived intact today, the most famous of which is the commode supplied by the marchand-mercier Thomas-Joachim Hébert for Madame de Mailly, executed by Mathieu Criaerd in 1743 (Musée du Louvre, OA 11292).
The yellow background of this secretary, sometimes referred to as ‘fond jonquille’ (‘daffodil varnish’) in 18th century documents, must have matched the interior for which it was designed. Yellow does not seem to have been a quite common colour for furniture, according to the various statements of merchandise available for the Martin brothers. The surviving examples are therefore exceedingly rare, appearing mainly on chests of drawers stamped Rübestück.
Born in Westphalia, François Rübestück moved to rue de la Roquette before settling permanently in rue de Charenton. He distinguished himself in several styles and produced many high-quality pieces of furniture. He specialised in furniture covered in European varnish, decorated in both Louis XV and Louis XVI styles, depicting oriental figures in lakeside landscapes with pagodas. A decoration on a daffodil background remarkably like that on our secretary can be found on a Louis XV chest of drawers with two drawers without a crossbar (Pierre Kjellberg, Le mobilier français du XVIIIe siècle, Paris, 2002, p. 745, ill. C), but above all on a secretary with chinoiserie decoration similar to ours in form, sold at Christie's, New York, on 2 November 2000, lot 53.
These secretaries, decorated with European varnish in the chinoiserie style and made by Rübestück, make up a small group, which also includes another secretary, attributed to the cabinetmaker around 1766-1770, this time with a red background (Christie's, London 15 July 2010, lot 707). Also related to this group is a secretary à pans coupés by Léonard Boudin, very similar to ours in structure and decoration, illustrated in Thibault Wolvesperges, Le meuble français en laque au XVIIIe siècle, Paris, 2000, p. 239, fig. 118. By the 1770s, Boudin was so renowned for his marquetry that he opened his own store in 1772. He employed a number of famous cabinetmakers, including Topino, Denizot, Evald, Gilbert and Roger Lacroix, and often put his stamp on their furniture. Although there is no evidence that Rübestück worked for Boudin, we can nevertheless assume, by comparison with our secretary, that this piece of furniture could be attributed to him.