拍品专文
Cet ensemble se compose de deux groupes en bronze représentant chacun un célèbre épisode d’enlèvement réalisés d’après les modèles de deux grands artistes de l’histoire de la sculpture : Giambologna et François Girardon.
Le premier groupe représente L’Enlèvement d’une Sabine d’après Jean de Boulogne dit Giambologna (1529-1608). Originaire de Douai, Giambologna s’installe très jeune à Florence, où il devient sculpteur des Médicis. Après avoir conçu un premier groupe de l’enlèvement d’une Sabine avec deux figures, le sculpteur renouvelle le choix du même épisode légendaire issu de l’histoire de Rome en créant une composition nouvelle à trois figures. Le modèle original de ce dernier enlèvement en marbre, exécuté entre 1579 et 1583 pour la Loggia dei Lanzi de la Piazza della Signoria à Florence, est considéré comme un chef-d’œuvre de la Renaissance tardive alliant ligne serpentine (« figura serpentinata »), composition pyramidale et multiplication des points de vue.
Notre bronze est un très belle fonte florentine du XVIIᵉ siècle, dans la tradition des réductions destinées à une clientèle de connaisseurs et de collectionneurs qui pouvaient également être utilisés comme cadeaux diplomatiques. On peut citer une version conservée au Kunsthistorisches Museum de Vienne (inv. 5899) ainsi qu’un groupe vendu par Christie’s (Londres, 10 juillet 2014, lot 30). De rares autres fontes réalisées par les collaborateurs et suiveurs du maître sont aussi connues (att. à A. Susini, Bayerisches National Museum, Munich, inv. 52⁄118 ; att. à A. Susini, anc. coll. baron Gustave de Rothschild, puis coll. prince de Liechtenstein, inv. SK 115 ; musée du Louvre, Paris, inv. OA 5076 A). Notre exemplaire se distingue des fontes connues par l’ajout d’une terrasse rocailleuse à une période postérieure, très probablement au XVIIIe siècle et peut-être pour le mettre en paire (sa hauteur initiale était de 59 cm, comme la plupart des fontes du XVIIe siècles répertoriées).
Le second groupe représente L’Enlèvement de Proserpine par Pluton, d’après le marbre que François Girardon (1628-1715) sculpte pour Louis XIV. Né à Troyes, Girardon fut formé à Rome avant de devenir l’un des principaux collaborateurs de Le Brun à la Galerie d’Apollon du Louvre et au palais des Tuileries avant de rejoindre le château de Versailles en 1666. Nommé premier sculpteur du roi, il est une figure majeure du classicisme français. Le modèle original en marbre de L’Enlèvement de Proserpine est commandé en 1674-1675 initialement pour le Parterre d’Eau de Versailles où il devait symboliser le Feu parmi les quatre éléments. Il est finalement placé au cœur de la Colonnade en 1699 (inv. MR 1865). Célèbre dès sa création, ce groupe est immédiatement repris. Plusieurs réductions anciennes peuvent être citées comme les grandes fontes de près d’un mètre de hauteur (dont dépôt du musée du Louvre au château de Versailles, inv. MV 7953) et des fontes de tailles similaires à notre groupe à l’instar de celle présente à la Wallace Collection (inv. S170), à Versailles (inv. MV 8629.1), au Louvre (inv. OA 12241).
La mise en pendant de ces deux bronzes sur des socles à l’imitation d’André-Charles Boulle affiche l’intention de les présenter non comme des sculptures isolées, mais comme des objets de collection, dans l’esprit de cabinet ou de galerie du XVIIIe siècle. Les socles participent à cette volonté de réunion et mettent en valeur les groupes. Ils datent de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe siècle mais reprennent l’esthétique propre à l’ébéniste de Louis XIV avec une marqueterie en première partie et des ornements de bronzes empruntés à son vocabulaire décoratif. Ainsi, les pieds en sabot émergeant de feuilles d’acanthe sont visibles sur les « commodes de duex desseins differens [sic] » et la « table à mettre dans un trumeau » des planches 3 et 5 du recueil publié à partir de 1708 par Jean Mariette (André-Charles Boulle, cat. exp. château de Chantilly, 2024, pp. 78 et 80). Le masque de satyre dans un cartouche de cuir découpé est également présent dans le corpus de l’ébéniste.
Alors que L’Enlèvement de Proserpine par Pluton d’après Girardon est plus fréquemment associé à celui d’Orythie par Borée, groupe conçu par Gaspard Marsy et Anselme Flamen pour la même commande et symbolisant l’Air (voir la paire de l’anc. coll. J. Ortiz-Patiño puis Mr and Mrs H. Kravis ; ou Wallace Collection, Londres, inv. S170 et S169), on le retrouve ici accompagné de l’œuvre de Giambologna. Des compositions des deux sculpteurs ont pu occasionnellement se retrouver associées notamment L’Enlèvement de Déjanire par Nessus d’après Giambologna et L’Enlèvement d’une Sabine à cheval qui a été pendant un temps donné à Girardon (voir notamment Wallace Collection, inv. S116 et S132 ; ou anc. coll. H. de Givenchy, Christie’s, Monaco, 4 décembre 1993, lot 16).
L’association précise de nos deux groupes trouve cependant plusieurs précédents documentés dans les ventes du XVIIIe siècle. On note ainsi dans la vente de l’ébéniste Charles Cressent (novembre 1772), sur des bases dans l’esprit d’André-Charles Boulle :
« N°. 1 - Un Groupe de bronze de trois Figures, représentant l'enlèvement des Sabines. Ce morceau rare dans son espèce mérite bien qu'on en faffe le récit, comme le plus parfait Ouvrage qui puise se trouver dans le Royaume.
Il est fort-léger, fondu tout d'une pièce & réparé par Suffigny [Susini ?], Sculpteur, Elève de Jean de Boulongne, qui en a fait les modelés pour la plus grande Place de Turin. Il y a eu quatre Groupes faits par les mêmes personnes pour mettre dans les quatre coins. L'on trouve ici les trois autres pendants, mais ils ne font que contremoullés & n'ont aucune comparaison de celui dont ont parlé. Ne pouvant parvenir à en avoir un second, on l’a assorti pour pendant à l'enlèvement de Proserpine de M. Girardon, monté fur des pieds de marqueterie, les bronzes font dorés d'or moulu. »
La vente de Louis Antoine Crozat, baron de Thiers, le 26 février 1772, décrit également :
« 910 - Deux grouppes de bronze de 24 pouces de haut [approx. 64,8 centimètres], composés chacun de trois figures, dont la ciselure répond au mérite de la composition ; l'un représente l'enlèvement d'une Sabine de Jean de Bologne; l'autre, celui de Proserpine, par François Girardon, fur des pieds de marbre vert de mer, de 2 pouces. »
Et on retrouve deux groupes en paire dans la vente du marchand-bijoutier Jean Dubois le 20 décembre 1785 :
« 162 - Deux très-beaux Grouppes, composés chacun de trois figures, l'un représentant l'enlèvement d'une Sabine, & l'autre celui de Proserpine, placés chacun sur un socle en marqueterie. Hauteur 22 pouces 6 lignes. [approx. 60,7 cm.] »
Ces références anciennes confèrent à notre lot une parfaite légitimité dans l’histoire du goût. Chefs-d’œuvre de la sculpture, la complémentarité iconographique de ces bronzes permet une association qui rappelle les plus grandes collections d’amateurs du XVIIIe siècle.
Le premier groupe représente L’Enlèvement d’une Sabine d’après Jean de Boulogne dit Giambologna (1529-1608). Originaire de Douai, Giambologna s’installe très jeune à Florence, où il devient sculpteur des Médicis. Après avoir conçu un premier groupe de l’enlèvement d’une Sabine avec deux figures, le sculpteur renouvelle le choix du même épisode légendaire issu de l’histoire de Rome en créant une composition nouvelle à trois figures. Le modèle original de ce dernier enlèvement en marbre, exécuté entre 1579 et 1583 pour la Loggia dei Lanzi de la Piazza della Signoria à Florence, est considéré comme un chef-d’œuvre de la Renaissance tardive alliant ligne serpentine (« figura serpentinata »), composition pyramidale et multiplication des points de vue.
Notre bronze est un très belle fonte florentine du XVIIᵉ siècle, dans la tradition des réductions destinées à une clientèle de connaisseurs et de collectionneurs qui pouvaient également être utilisés comme cadeaux diplomatiques. On peut citer une version conservée au Kunsthistorisches Museum de Vienne (inv. 5899) ainsi qu’un groupe vendu par Christie’s (Londres, 10 juillet 2014, lot 30). De rares autres fontes réalisées par les collaborateurs et suiveurs du maître sont aussi connues (att. à A. Susini, Bayerisches National Museum, Munich, inv. 52⁄118 ; att. à A. Susini, anc. coll. baron Gustave de Rothschild, puis coll. prince de Liechtenstein, inv. SK 115 ; musée du Louvre, Paris, inv. OA 5076 A). Notre exemplaire se distingue des fontes connues par l’ajout d’une terrasse rocailleuse à une période postérieure, très probablement au XVIIIe siècle et peut-être pour le mettre en paire (sa hauteur initiale était de 59 cm, comme la plupart des fontes du XVIIe siècles répertoriées).
Le second groupe représente L’Enlèvement de Proserpine par Pluton, d’après le marbre que François Girardon (1628-1715) sculpte pour Louis XIV. Né à Troyes, Girardon fut formé à Rome avant de devenir l’un des principaux collaborateurs de Le Brun à la Galerie d’Apollon du Louvre et au palais des Tuileries avant de rejoindre le château de Versailles en 1666. Nommé premier sculpteur du roi, il est une figure majeure du classicisme français. Le modèle original en marbre de L’Enlèvement de Proserpine est commandé en 1674-1675 initialement pour le Parterre d’Eau de Versailles où il devait symboliser le Feu parmi les quatre éléments. Il est finalement placé au cœur de la Colonnade en 1699 (inv. MR 1865). Célèbre dès sa création, ce groupe est immédiatement repris. Plusieurs réductions anciennes peuvent être citées comme les grandes fontes de près d’un mètre de hauteur (dont dépôt du musée du Louvre au château de Versailles, inv. MV 7953) et des fontes de tailles similaires à notre groupe à l’instar de celle présente à la Wallace Collection (inv. S170), à Versailles (inv. MV 8629.1), au Louvre (inv. OA 12241).
La mise en pendant de ces deux bronzes sur des socles à l’imitation d’André-Charles Boulle affiche l’intention de les présenter non comme des sculptures isolées, mais comme des objets de collection, dans l’esprit de cabinet ou de galerie du XVIIIe siècle. Les socles participent à cette volonté de réunion et mettent en valeur les groupes. Ils datent de la fin du XIXe siècle ou du début du XXe siècle mais reprennent l’esthétique propre à l’ébéniste de Louis XIV avec une marqueterie en première partie et des ornements de bronzes empruntés à son vocabulaire décoratif. Ainsi, les pieds en sabot émergeant de feuilles d’acanthe sont visibles sur les « commodes de duex desseins differens [sic] » et la « table à mettre dans un trumeau » des planches 3 et 5 du recueil publié à partir de 1708 par Jean Mariette (André-Charles Boulle, cat. exp. château de Chantilly, 2024, pp. 78 et 80). Le masque de satyre dans un cartouche de cuir découpé est également présent dans le corpus de l’ébéniste.
Alors que L’Enlèvement de Proserpine par Pluton d’après Girardon est plus fréquemment associé à celui d’Orythie par Borée, groupe conçu par Gaspard Marsy et Anselme Flamen pour la même commande et symbolisant l’Air (voir la paire de l’anc. coll. J. Ortiz-Patiño puis Mr and Mrs H. Kravis ; ou Wallace Collection, Londres, inv. S170 et S169), on le retrouve ici accompagné de l’œuvre de Giambologna. Des compositions des deux sculpteurs ont pu occasionnellement se retrouver associées notamment L’Enlèvement de Déjanire par Nessus d’après Giambologna et L’Enlèvement d’une Sabine à cheval qui a été pendant un temps donné à Girardon (voir notamment Wallace Collection, inv. S116 et S132 ; ou anc. coll. H. de Givenchy, Christie’s, Monaco, 4 décembre 1993, lot 16).
L’association précise de nos deux groupes trouve cependant plusieurs précédents documentés dans les ventes du XVIIIe siècle. On note ainsi dans la vente de l’ébéniste Charles Cressent (novembre 1772), sur des bases dans l’esprit d’André-Charles Boulle :
« N°. 1 - Un Groupe de bronze de trois Figures, représentant l'enlèvement des Sabines. Ce morceau rare dans son espèce mérite bien qu'on en faffe le récit, comme le plus parfait Ouvrage qui puise se trouver dans le Royaume.
Il est fort-léger, fondu tout d'une pièce & réparé par Suffigny [Susini ?], Sculpteur, Elève de Jean de Boulongne, qui en a fait les modelés pour la plus grande Place de Turin. Il y a eu quatre Groupes faits par les mêmes personnes pour mettre dans les quatre coins. L'on trouve ici les trois autres pendants, mais ils ne font que contremoullés & n'ont aucune comparaison de celui dont ont parlé. Ne pouvant parvenir à en avoir un second, on l’a assorti pour pendant à l'enlèvement de Proserpine de M. Girardon, monté fur des pieds de marqueterie, les bronzes font dorés d'or moulu. »
La vente de Louis Antoine Crozat, baron de Thiers, le 26 février 1772, décrit également :
« 910 - Deux grouppes de bronze de 24 pouces de haut [approx. 64,8 centimètres], composés chacun de trois figures, dont la ciselure répond au mérite de la composition ; l'un représente l'enlèvement d'une Sabine de Jean de Bologne; l'autre, celui de Proserpine, par François Girardon, fur des pieds de marbre vert de mer, de 2 pouces. »
Et on retrouve deux groupes en paire dans la vente du marchand-bijoutier Jean Dubois le 20 décembre 1785 :
« 162 - Deux très-beaux Grouppes, composés chacun de trois figures, l'un représentant l'enlèvement d'une Sabine, & l'autre celui de Proserpine, placés chacun sur un socle en marqueterie. Hauteur 22 pouces 6 lignes. [approx. 60,7 cm.] »
Ces références anciennes confèrent à notre lot une parfaite légitimité dans l’histoire du goût. Chefs-d’œuvre de la sculpture, la complémentarité iconographique de ces bronzes permet une association qui rappelle les plus grandes collections d’amateurs du XVIIIe siècle.
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