JEAN-AUGUSTE-DOMINIQUE INGRES (MONTAUBAN 1780-1867 PARIS)
Ces trois feuilles (lots 158-160) sont des exceptions pour ce qui est des portraits dessinés d’Ingres. Il ne s’agit pas comme d’habitude d’oeuvres finales, réalisées pour elles-mêmes, mais d’études pour un tableau, un portrait de la famille Murat. Joachim Murat (1767-1815), qui avait épousé Caroline Bonaparte (1782-1839) en 1800, devient roi de Naples en 1808. Il acquiert d’Ingres en 1809 un tableau intitulé La dormeuse de Naples, aujourd’hui perdu. En 1813, Caroline, commande au peintre un pendant à ce dernier tableau, La Grande Odalisque, aujourd’hui au Louvre. En janvier 1814, Murat délaisse la cause de l’Empereur, abandonne les Etats romains et est autorisé par les alliés à garder son trône. C’est dans ce contexte troublé qu’Ingres, par l’entremise de son ami François Mazois (1783-1826), architecte des Murat, part à Naples en février 1814. Il y reste entre deux et trois mois afin d’y peindre un portrait de Caroline Murat (retrouvé relativement récemment et aujourd’hui en collection privée ; Naef, 1990, op. cit., pp. 11-20) et un portrait de toute la famille. De retour à Rome, il écrit à Mazois : « J’ai ébauché un petit tableau de la noble famille d’après tous les croquis que j’en ai fait et je crois que le petit tableau terminé serait, je ne doute pas, d’un grand intérêt » (Naef, 1990, op. cit, p. 12). Ce petit tableau a disparu et le grand tableau ne semble jamais avoir été exécuté, sans aucun doute en raison des événements politiques. En 1815, Murat se retourne contre l’Autriche et est par la suite chassé de Naples. Il est fusillé le 13 octobre de cette même année. Le musée Ingres de Montauban conserve huit croquis qui peuvent être reliés à l’élaboration du portrait de la famille Murat, mais malheureusement aucune véritable étude d’ensemble qui aurait pu donner une idée précise de la composition du tableau (Vigne, op. cit., 1995, nos. 2741-8). En plus de ces études du musée Ingres, l’on connaît cinq portraits à la mine de plomb de Caroline et de ses quatre enfants qui semblent étudier ces figures dans les positions qui devaient être les leurs dans le tableau. Les effigies de Caroline et de ses deux fils, Achille (1801-1847) et Lucien (1803-1878), sont inclues à la présente vente, tandis que celle de Laetizia (1802-1859) est au Fogg Art Museum de Cambridge et celle de Louise (1805-1889) est récemment passée en vente (Sotheby’s, Londres, 9 juillet 2014, lot 104). Le statut d’étude préparatoire de ces cinq feuilles est confirmé par différentes annotations d’Ingres sur les dessins. Ce sont des indications de couleur qui devaient servir d’aide-mémoire à l’artiste lorsqu‘il réaliserait la peinture. Parce qu’il considérait ces cinq dessins comme des études préparatoires et non des oeuvres finies, Ingres ne les cédât pas à la famille Murat mais les gardât. Il fit cadeau du portrait de Caroline à son ami Mazois et donnât, plus tard, les portraits des enfants à certains de ses proches. Les trois dessins inclus à la présente vente furent acquis au début du XXème siècle par le prince Joachim Murat (1856-1932), petit-fils de Lucien. Aucun dessin du roi de Naples n’est connu et l’on ne peut être certain qu’il était prévu qu’il figure dans le tableau ou si ce dernier n’était censé montrer que Caroline et ses enfants, à l’instar du portrait que le baron Gérard exécuta en 1810, aujourd’hui au château de la Malmaison.
JEAN-AUGUSTE-DOMINIQUE INGRES (MONTAUBAN 1780-1867 PARIS)

Portrait de la Reine Caroline Murat

Details
JEAN-AUGUSTE-DOMINIQUE INGRES (MONTAUBAN 1780-1867 PARIS)
Portrait de la Reine Caroline Murat
signé 'Ingres'
graphite
31.2 x 24.2 cm.
Provenance
Donné par Ingres à l'architecte François Mazois (jusqu'en 1826); puis à son épouse
Mme François Mazois, née Jenny-Malvina Pineu-Duval (jusqu'en 1866).
Joachim Napoléon, 5e Prince Murat (jusqu'en 1932), avec son cachet de cire au verso du cadre et le no. 84; puis à son épouse
Marie-Cécile Ney d'Elchingen, Princesse Joachim Murat (jusqu'en 1960); puis par descendance.
Literature
E.-E. Amaury-Duval, L’atelier d’Ingres, Paris, 1878, pp. 39-40.
H. Lapauze, Le roman d’amour de M. Ingres, Paris, 1910, p. 268.
D. Ternois, Les dessins d’Ingres au Musée de Montauban, les portaits, Inventaire
général des dessins des musées de province, III, Paris, 1959, no. 139.
D. Ternois, E. Camesasca, Tout l’oeuvre peint d’Ingres, Paris, 1971, p. 95, ill.
H. Naef, Die Bidniszeichnungen J.-A.-D. Ingres, Berne, 1977-1980, I, chapitre IV,
pp. 379-97, IV, no. 117.
E.-E. Amaury-Duval, L’Atelier d’Ingres. Edition critique de l’ouvrage publié à Paris en
1878, Paris, 1993, p. 108, no. 83.
G. Vigne, Dessins d’Ingres : catalogue raisonné des dessins du musée de Montauban,
Paris, 1995, p. 495.
H. Naef, ‘Un chef-d’oeuvre retrouvé : Le portrait de la reine Caroline Murat par
Ingres’, Revue de l’art, 1990, no. 88, pp. 19-20, notes 10 et 28, fig. 11.
Portraits by Ingres. Image of an epoch, cat. expo., The Metropolitan Museum of Art,
New York, 1999-2000, p. 147, sous la note 11.
D. Ternois, Lettres d’Ingres à Marcotte d’Argenteuil: dictionnaire, Nogent-le-Roi,
2001, pp. 156-8.
Exhibited
Paris, galerie Georges Petit, Exposition Ingres, 26 avril - 14 mai 1911, no. 94.
Paris, Chambre syndicale de la Curiosité et des Beaux-Arts, Ingres, 1921, no. 73.
Paris, Seligmann & Fils, Portraits par Ingres et ses élèvres, mars-avril 1934, no. 14.
Paris, musée des Arts Décoratifs, Les artistes français en Italie de Poussin à Renoir, 1934, no. 533.
Paris, galerie Charpentier, Cent portraits de femmes, 1950, no. 131.
Paris, Petit Palais, Centenaire de la Mort d'Ingres, 1967, no. 68, ill.
Rome, Galleria Nazionale d'Arte Moderna, Ingres en Italie, 26 février- 28 avril 1968, no. 45, ill.
Ajaccio, Palais Fesch, Napoléon et la famille impériale, 1969, no. 115.

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Bénédicte Wagner
Bénédicte Wagner

Lot Essay

Caroline Murat (1782-1839), soeur de Napoléon Bonaparte, épouse Joachim Murat en 1800. Reine de Naples en 1808, elle se retire à Trieste puis à Florence après la chute de son mari, sous le nom de comtesse de Lipona (anagrame de Naples en italien).

Un croquis de la même figure est au musée Ingres (Vigne, op. cit., 1995, no. 2744).
A la mort de son mari en 1826, Madame Mazois fit apporter à Ingres, afin qu’il les signe, plusieurs oeuvres que ce dernier avait offert à son ami. Parmi ces dessins, le portrait de Caroline lui procurât, selon son biographe Amaury-Duval, une émotion toute particulière : «Quand il vit le portrait de femme dessiné, je n’oublierai jamais son mouvement de recul et l’éclat de ses yeux. Enfin au bout d’un instant ‘Si j’ai fait quelque chose de bien dans ma vie, me dit-il, c’est ce dessin’ » (Amaury-Duval, L’Atelier d’Ingres, Paris, 1878, p. 40).

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