Togo

Erigées au centre des villages moba au Nord Togo, les grandes statues sakab tchitchiri étaient plantées dans le sol où elles s’enfonçaient avec le temps jusqu’à disparaître totalement. Selon certains anciens, l’implantation des statues correspond à la disposition des corps des chefs défunts enterrés debout dans des puits verticaux. Ces sculptures très stylisées ne désignaient pas une personne précise mais un concept d’être antérieur, d’ancêtre général d’un clan, voire de l’humanité, soit les seuls Moba. Autrefois elles recevaient des offrandes pour favoriser les chasseurs, avec le temps le gibier s’est considérablement raréfié et l’alimentation repose sur l’agriculture. Les offrandes – de la farine de mil mêlée d’eau et du sang de volaille – concernent maintenant les récoltes.
L’art moba compte parmi les arts africains les plus minimalistes, il exprime un ensemble de concepts avec une extrême économie de moyens. Le vaste corpus des statues moba, en bois ou en fer, est extrêmement cohérent, il n’existe pas d’objet moba « fantaisistes », la virtuosité du sculpteur n’a qu’un champ de liberté très limité pour exprimer son talent: ce sera le choix d’un bois et de sa veine, sa tournure dans certains cas, et avant tout la proportion des parties majeures de l’objet, en tout premier lieu la tête. En cohérence avec l’esprit du style les objets sont rarement sexués et ne comportent pas de traits détaillés au visage, cependant certaines exceptions se rencontrent. Ainsi sur ce sakab tchitchiri d’une grande ancienneté, qui est probablement féminin comme l’indiquerait les deux seins sculptés en relief sur le buste cylindrique et comportant des détails faciaux : des arcades sourcilières, des yeux et une bouche. Nous sommes donc en présence d’un objet rare et extraordinaire au sens propre du terme.
Exposée aux intempéries pendant des décennies cette statue taillée en bois rouge (bois de fer) très dense, est certainement plus que centenaire, un carbone 14 permettrait d’en préciser l’âge.