Lot Essay
Cette œuvre impressionnante, réalisée à l’échelle réelle, réapparait après 150 années passées à l’abri des regards dans le même lieu.
Le « capitaine » sculpteur, Charles Francis Fuller (1830-1875)
Charles F. Fuller ne fut pas prédestiné à réaliser des œuvres sculptées. Son père, le général Francis Fuller, souhaita qu'il suive une carrière militaire, mais après s'être engagé dans l'armée en 1847, d'abord dans le 14th Foots puis dans le 12th Lancers, Charles la quitta à sa majorité en 1853 pour poursuivre ses études d'art. Il se rendit à Florence où il étudia sous la direction du sculpteur américain Hiram Powers (1805-1873), le seul élève que Powers consentit à accepter. Ils restèrent des amis proches, Powers lui attribuant le surnom de "Capitaine". Avec entre autres le sculpteur américain Thomas Ball, ils formèrent une petite communauté d'expatriés à Florence. Le domicile de Fuller se trouvait dans la Casa Frescobaldi, Via Santo Spirito, et son atelier dans ce qui est aujourd'hui la Via della Chiesa, à l'arrière de l'église du Carmine. Avec Ball et Powers, Fuller acheta en 1869 un terrain triangulaire d'environ un acre entre la Via Dante da Castiglione et la Via Farinata degli Uberti, où ils construisirent des villas autour d'un parc paysager (voir C. L. Dentler, Famous Foreigners in Florence 1400-1900, Florence, 1964, p. 90). L'épouse de Fuller fut une excellente pianiste et chanteuse et leur maison fut un lieu de rassemblement pour les musiciens et les artistes. À la mort de Fuller, en 1875, le Times écrivit un article précisant que ‘l'atelier de l'ancien officier de cavalerie devint en peu de temps bien connu des visiteurs anglais à Florence’.
Sa clientèle était donc majoritairement anglaise, comme le prouvent les œuvres de Fuller qui font toujours partie des collections royales anglaises notamment Ondine, un buste offert par la reine Victoria au prince consort en 1859 (inv. RCIN 41013), et un Centurion, acheté par la princesse Louise et son mari, le marquis de Lorne (plus tard 9e duc d'Argyll), lors de leur voyage de noces à Florence dans les années 1870. Autre exemple, son importante statue de Rhodopis fut commandée par le marquis de Sligo pour Westport House en Irlande (vente Christie’s, Exceptional Sale, Londres, 9 juillet 2015, lot 144).
Le Naufragé
Exposant régulier lors de manifestations à Londres et à Paris, Fuller proposa notamment un buste lors du Salon de 1859 au Palais de l’Industrie des Champs-Élysées et deux marbres la même année à la Royal Academy of Arts de Londres. Il exposa également lors de l'Exposition universelle de Londres en 1862 dont deux des sujets précités (Ondine et Rhodopis).
Les publications régulières de la Royal Academy of Arts permettent de retracer une partie de son œuvre dès 1859 jusqu’à sa mort puisqu’en 1875, année de son décès, l’ouvrage décrivant les œuvres exposées précise que ‘le défunt C.F. Fuller’ est tout de même représenté avec un portrait de Mademoiselle de Breton. Lors de l’exposition à la Royal Academy de 1861, on découvre sous le numéro 1019, ‘The Castaway’, Le Naufragé.
Le sujet, éminemment romantique depuis le célèbre Radeau de la Méduse (1818-1819) de Théodore Géricault, est peut-être tiré d’un des grands naufrages contemporains tel que le Charlotte en 1854 qui transportait des troupes de Queenstown en Afrique du Sud à Calcutta et qui perdit une centaine de ses passagers, ou encore la Sémillante en 1855 ou le Spartan, bateau britannique qui s’échoua en 1856 avec à son bord des soldats. La vérité des traits et de l’expression de ce jeune homme appelant à l’aide est saisissante, inscrivant Fuller dans la lignée directe du Romantisme.
On sait que Fuller passa quelque temps à Paris à l'Institut de France en 1856-1857, période correspondant probablement au commencement, du moins à la réflexion, de la sculpture du naufragé puisqu’elle porte la date de 1858. Il s’agit donc peut-être d’une commande qu’on lui passa dans ces années si l’on considère le fait que la sculpture est entrée au château de Tiregand en Dordogne très probablement lors de ses aménagements pour le comte de La Panouse. Ce qui est certain, c’est que Fuller travailla au Naufragé dans son atelier florentin. En effet, une photographie anonyme de son atelier permet de rendre compte, outre de l’espace dont il bénéficiait à Florence baigné par une lumière zénithale, de notre groupe sur la droite, au premier plan (fig. 1).
Le château de Tiregand est construit au XVIIIe siècle pour le parlementaire Jean Charles d’Augeard (fig. 2). Le domaine est cédé à Alexandre de La Panouse en 1826. C’est très certainement à son fils, le comte César de La Panouse (1809-1879), que l’on doit d’importants travaux durant le XIXe siècle et donc l’achat du marbre auprès de Fuller. Ce groupe resta jusqu’à nos jours dans le hall de la propriété.
This impressive life-size group has reappeared in the same place after 150 years out of sight.
The 'captain' sculptor, Charles Francis Fuller (1830-1875)
His father General Francis Fuller wanted him to follow a military career, but after joining the army in 1847, first with the 14th Foots and afterwards the 12th Lancers, Charles left when he came of age in 1853 to pursue his studies in art. He travelled to Florence, where he studied under the American sculptor Hiram Powers (1805-1873) – the only pupil Powers consented to accept. They remained close friends, Powers giving him the nickname "Captain", along with another American sculptor, Thomas Ball, and formed a small expatriate community in Florence. Fuller’s home was in Casa Frescobaldi on Via Santo Spirito, and his studio on what is today the Via della Chiesa at the back of the Carmine church. Together with Ball and Powers, in 1869 Fuller bought a triangular plot of about an acre between the Via Dante da Castiglione and the Via Farinata degli Uberti, where they all built villas around a single landscaped park (see C. L. Dentler, Famous Foreigners in Florence 1400-1900, Florence, 1964, p. 90). Fuller’s wife was an excellent pianist and vocalist and their home was a gathering place for musicians and artists. Upon Fuller’s death in 1875 The Times recorded that ‘the studio of the ex-Calvary officer became in a short time well known to English visitors in Florence’.
His clientele was therefore predominantly English, as evidenced by Fuller’s works which are still in the English Royal Collections, including Undine, a bust given by Queen Victoria to the Prince Consort in 1859 (inv. RCIN 41013), and a Centurion, purchased by Princess Louise and her husband, the Marquess of Lorne (later 9th Duke of Argyll), on their honeymoon in Florence in the 1870s. Another example is his statue of Rhodopis which was commissioned by the Marquess of Sligo for Westport House in Ireland (Christie's Exceptional Sale, London, 9 July 2015, lot 144).
The Castaway
Regularly exhibiting in both London and Paris, Fuller notably presented a bust at the 1859 Salon, which took place in the Palais de l'Industrie on the Champs-Élysées, as well as showing two marbles the same year at the Royal Academy of Arts in London. He also exhibited at the London International Exhibition in 1862, where he presented the afore mentioned Undine and Rhodopis.
The Royal Academy of Arts’ regular publications make it possible to trace some of his work from 1859 until his death in 1875; the catalogue of the 1875 exhibition specifies that 'the late C.F. Fuller' is nevertheless present with a portrait of Mlle de Breton. At the Royal Academy exhibition of 1861, 'The Castaway' was exhibited under number 1019.
The subject, eminently romantic since Théodore Géricault's famous Radeau de la Méduse (Raft of the Medusa, 1818-1819), may have been taken from one of the great contemporary shipwrecks, such as the Charlotte in 1854, which carried troops from Queenstown in South Africa to Calcutta and lost a hundred of its passengers, or the Semillante in 1855, or the Spartan, a British ship which ran aground in 1856 with soldiers on board. The feature and expressions of this young man calling for help are striking in their sincerity and truthfulness, thus placing Fuller in the direct line of Romanticism.
We know that Fuller spent some time in Paris at the Institut de France in 1856-1857, a period that probably corresponds to the beginning, at least on reflection, of the sculpture of The Castaway, since it bears the date 1858. It may therefore have been commissioned in those years, especially if we consider that the sculpture entered the Château de Tiregand in Dordogne, most probably during its renovation by the Comte de La Panouse. What is certain is that Fuller worked on the castaway in his Florentine workshop. Indeed, an anonymous photograph of his workshop shows us, besides the large and luminous space in which Fuller worked, our group on the right, in the foreground (fig. 1).
The Château de Tiregand was built in the 18th century for the parliamentarian Jean Charles d'Augeard (fig. 2). The estate was sold to Alexandre de La Panouse in 1826. It is almost certainly his son, Comte César de La Panouse (1809-1879), who is responsible for the important refurbishing during the 19th century and therefore for the purchase of the marble from Fuller. This group has remained in the hall of the property until today.
Le « capitaine » sculpteur, Charles Francis Fuller (1830-1875)
Charles F. Fuller ne fut pas prédestiné à réaliser des œuvres sculptées. Son père, le général Francis Fuller, souhaita qu'il suive une carrière militaire, mais après s'être engagé dans l'armée en 1847, d'abord dans le 14th Foots puis dans le 12th Lancers, Charles la quitta à sa majorité en 1853 pour poursuivre ses études d'art. Il se rendit à Florence où il étudia sous la direction du sculpteur américain Hiram Powers (1805-1873), le seul élève que Powers consentit à accepter. Ils restèrent des amis proches, Powers lui attribuant le surnom de "Capitaine". Avec entre autres le sculpteur américain Thomas Ball, ils formèrent une petite communauté d'expatriés à Florence. Le domicile de Fuller se trouvait dans la Casa Frescobaldi, Via Santo Spirito, et son atelier dans ce qui est aujourd'hui la Via della Chiesa, à l'arrière de l'église du Carmine. Avec Ball et Powers, Fuller acheta en 1869 un terrain triangulaire d'environ un acre entre la Via Dante da Castiglione et la Via Farinata degli Uberti, où ils construisirent des villas autour d'un parc paysager (voir C. L. Dentler, Famous Foreigners in Florence 1400-1900, Florence, 1964, p. 90). L'épouse de Fuller fut une excellente pianiste et chanteuse et leur maison fut un lieu de rassemblement pour les musiciens et les artistes. À la mort de Fuller, en 1875, le Times écrivit un article précisant que ‘l'atelier de l'ancien officier de cavalerie devint en peu de temps bien connu des visiteurs anglais à Florence’.
Sa clientèle était donc majoritairement anglaise, comme le prouvent les œuvres de Fuller qui font toujours partie des collections royales anglaises notamment Ondine, un buste offert par la reine Victoria au prince consort en 1859 (inv. RCIN 41013), et un Centurion, acheté par la princesse Louise et son mari, le marquis de Lorne (plus tard 9e duc d'Argyll), lors de leur voyage de noces à Florence dans les années 1870. Autre exemple, son importante statue de Rhodopis fut commandée par le marquis de Sligo pour Westport House en Irlande (vente Christie’s, Exceptional Sale, Londres, 9 juillet 2015, lot 144).
Le Naufragé
Exposant régulier lors de manifestations à Londres et à Paris, Fuller proposa notamment un buste lors du Salon de 1859 au Palais de l’Industrie des Champs-Élysées et deux marbres la même année à la Royal Academy of Arts de Londres. Il exposa également lors de l'Exposition universelle de Londres en 1862 dont deux des sujets précités (Ondine et Rhodopis).
Les publications régulières de la Royal Academy of Arts permettent de retracer une partie de son œuvre dès 1859 jusqu’à sa mort puisqu’en 1875, année de son décès, l’ouvrage décrivant les œuvres exposées précise que ‘le défunt C.F. Fuller’ est tout de même représenté avec un portrait de Mademoiselle de Breton. Lors de l’exposition à la Royal Academy de 1861, on découvre sous le numéro 1019, ‘The Castaway’, Le Naufragé.
Le sujet, éminemment romantique depuis le célèbre Radeau de la Méduse (1818-1819) de Théodore Géricault, est peut-être tiré d’un des grands naufrages contemporains tel que le Charlotte en 1854 qui transportait des troupes de Queenstown en Afrique du Sud à Calcutta et qui perdit une centaine de ses passagers, ou encore la Sémillante en 1855 ou le Spartan, bateau britannique qui s’échoua en 1856 avec à son bord des soldats. La vérité des traits et de l’expression de ce jeune homme appelant à l’aide est saisissante, inscrivant Fuller dans la lignée directe du Romantisme.
On sait que Fuller passa quelque temps à Paris à l'Institut de France en 1856-1857, période correspondant probablement au commencement, du moins à la réflexion, de la sculpture du naufragé puisqu’elle porte la date de 1858. Il s’agit donc peut-être d’une commande qu’on lui passa dans ces années si l’on considère le fait que la sculpture est entrée au château de Tiregand en Dordogne très probablement lors de ses aménagements pour le comte de La Panouse. Ce qui est certain, c’est que Fuller travailla au Naufragé dans son atelier florentin. En effet, une photographie anonyme de son atelier permet de rendre compte, outre de l’espace dont il bénéficiait à Florence baigné par une lumière zénithale, de notre groupe sur la droite, au premier plan (fig. 1).
Le château de Tiregand est construit au XVIIIe siècle pour le parlementaire Jean Charles d’Augeard (fig. 2). Le domaine est cédé à Alexandre de La Panouse en 1826. C’est très certainement à son fils, le comte César de La Panouse (1809-1879), que l’on doit d’importants travaux durant le XIXe siècle et donc l’achat du marbre auprès de Fuller. Ce groupe resta jusqu’à nos jours dans le hall de la propriété.
This impressive life-size group has reappeared in the same place after 150 years out of sight.
The 'captain' sculptor, Charles Francis Fuller (1830-1875)
His father General Francis Fuller wanted him to follow a military career, but after joining the army in 1847, first with the 14th Foots and afterwards the 12th Lancers, Charles left when he came of age in 1853 to pursue his studies in art. He travelled to Florence, where he studied under the American sculptor Hiram Powers (1805-1873) – the only pupil Powers consented to accept. They remained close friends, Powers giving him the nickname "Captain", along with another American sculptor, Thomas Ball, and formed a small expatriate community in Florence. Fuller’s home was in Casa Frescobaldi on Via Santo Spirito, and his studio on what is today the Via della Chiesa at the back of the Carmine church. Together with Ball and Powers, in 1869 Fuller bought a triangular plot of about an acre between the Via Dante da Castiglione and the Via Farinata degli Uberti, where they all built villas around a single landscaped park (see C. L. Dentler, Famous Foreigners in Florence 1400-1900, Florence, 1964, p. 90). Fuller’s wife was an excellent pianist and vocalist and their home was a gathering place for musicians and artists. Upon Fuller’s death in 1875 The Times recorded that ‘the studio of the ex-Calvary officer became in a short time well known to English visitors in Florence’.
His clientele was therefore predominantly English, as evidenced by Fuller’s works which are still in the English Royal Collections, including Undine, a bust given by Queen Victoria to the Prince Consort in 1859 (inv. RCIN 41013), and a Centurion, purchased by Princess Louise and her husband, the Marquess of Lorne (later 9th Duke of Argyll), on their honeymoon in Florence in the 1870s. Another example is his statue of Rhodopis which was commissioned by the Marquess of Sligo for Westport House in Ireland (Christie's Exceptional Sale, London, 9 July 2015, lot 144).
The Castaway
Regularly exhibiting in both London and Paris, Fuller notably presented a bust at the 1859 Salon, which took place in the Palais de l'Industrie on the Champs-Élysées, as well as showing two marbles the same year at the Royal Academy of Arts in London. He also exhibited at the London International Exhibition in 1862, where he presented the afore mentioned Undine and Rhodopis.
The Royal Academy of Arts’ regular publications make it possible to trace some of his work from 1859 until his death in 1875; the catalogue of the 1875 exhibition specifies that 'the late C.F. Fuller' is nevertheless present with a portrait of Mlle de Breton. At the Royal Academy exhibition of 1861, 'The Castaway' was exhibited under number 1019.
The subject, eminently romantic since Théodore Géricault's famous Radeau de la Méduse (Raft of the Medusa, 1818-1819), may have been taken from one of the great contemporary shipwrecks, such as the Charlotte in 1854, which carried troops from Queenstown in South Africa to Calcutta and lost a hundred of its passengers, or the Semillante in 1855, or the Spartan, a British ship which ran aground in 1856 with soldiers on board. The feature and expressions of this young man calling for help are striking in their sincerity and truthfulness, thus placing Fuller in the direct line of Romanticism.
We know that Fuller spent some time in Paris at the Institut de France in 1856-1857, a period that probably corresponds to the beginning, at least on reflection, of the sculpture of The Castaway, since it bears the date 1858. It may therefore have been commissioned in those years, especially if we consider that the sculpture entered the Château de Tiregand in Dordogne, most probably during its renovation by the Comte de La Panouse. What is certain is that Fuller worked on the castaway in his Florentine workshop. Indeed, an anonymous photograph of his workshop shows us, besides the large and luminous space in which Fuller worked, our group on the right, in the foreground (fig. 1).
The Château de Tiregand was built in the 18th century for the parliamentarian Jean Charles d'Augeard (fig. 2). The estate was sold to Alexandre de La Panouse in 1826. It is almost certainly his son, Comte César de La Panouse (1809-1879), who is responsible for the important refurbishing during the 19th century and therefore for the purchase of the marble from Fuller. This group has remained in the hall of the property until today.