Claude-Joseph Vernet (Avignon 1714-1789 Paris)
LA COLLECTION DU MARQUIS DE SAINT-MARC (lots 51 à 55) Les cinq tableaux présentés ci-après proviennent de la collection formée au XVIIIème siècle par le marquis de Saint-Marc. Ils sont restés la propriété de ses descendants jusqu'à aujourd'hui. Jean-Paul-André des Razins, marquis de Saint-Marc naquît au château de Razins près de Bordeaux en 1728. Il fut destiné dès son plus jeune âge à la carrière militaire. A l'âge de quinze ans il était parvenu au grade d'enseigne des gardes françaises et c'est à ce titre qu'il participa à la Bataille de Fontenoy, le 11 mai 1745. Au cours de cette bataille, âgé seulement de dix-sept ans, il se fit remarquer du roi Louis XV par son courage, tandis que, blessé dès le début de la bataille, il 'resta presque seul, agitant avec énergie son étendard criblé de balles', O. Giraud, Etude sur la vie et les ouvrages du Marquis de Saint Marc, Paris, 1860, p. 2. Le tableau de Michel Garnier (lot 55) commandé par Saint-Marc à l'artiste trente-trois ans après cette mémorable bataille commémore les adieux émouvants du jeune soldat à sa famille. La paix revenue, le marquis mit fin à sa brillante carrière militaire. Il était parvenu au grade de lieutenant-colonel d'Infanterie-Brigadier des armées du roi. Il s'installa à Paris, retournant parfois à Bordeaux en visite l'été, ou dans son château de Razins. A la suite d'un empoisonnement qui le laissa malade pendant près de cinq ans il se consacra à sa passion pour les lettres publiant plusieurs livrets d'opéra et recueils de poésies. En 1772 il publia son premier roman, Adèle de Ponthieu bientôt suivi de la Fête de Flore et du Language des Fleurs. Deux éditions complètes de ces oeuvres parurent, la première en 1781, la seconde en 1785 (cette dernière fut dédiée par Saint-Marc à Gustave Ier, roi de Suède qui l'en remercia par une lettre élogieuse). Saint-Marc eut du succès dans les salons parisiens, fut membre d'une loge maçonnique, la loge Saint-Jean d'Ecosse du Contrat Social (A. Le Bihan, Francs-Maçons parisiens du Grand-Orient de France, fin du XVIIIème siècle, Paris, 1966, p. 413) et fut élu membre de l'Académie de Bordeaux. En 1778 Saint-Marc connut son plus grand moment de gloire publique lorsqu'il improvisa en quelques minutes un court poème célébrant Voltaire. Ces quelques vers écrits à la va-vite pendant une représentation au théâtre d'Irène à laquelle Voltaire assistait, furent déclamés à l'issue de la tragédie alors que les acteurs couronnaient de lauriers le buste du philosophe. Ce poème fut accueilli par un triomphe, le public s'embrasa et Voltaire lui-même écrivit dès le lendemain au Marquis: 'Monsieur, j'ai appris que c'est vous hier qui daignâtes me donner l'immortalité dans les plus jolis vers du monde...'. Les deux hommes échangèrent ainsi par la suite plusieurs vers. Parallèlement à ses succès dans les salons littéraires, Saint-Marc se tourna vers les arts. C'est semble-t-il dans les années 1780 qu'il commanda à Jean-Honoré Fragonard le portrait de l'une de ses parentes dont il fut si satisfait qu'il chargea le peintre de lui constituer une collection de peintures de l'école française, H. Audiffred, in. Introduction au catalogue de la vente des collections du marquis de Saint-Marc, Paris, 23 février 1859. En 1787, le marquis de Saint-Marc se retira à Bordeaux où il emporta ses collections de tableaux qui devaient orner les murs de son hôtel particulier, l'hôtel d'Albret. Cet hôtel porte aujourd'hui encore le nom d'hôtel Saint-Marc mais les décors ont été remaniés. Saint-Marc poursuivit à Bordeaux la même vie qu'à Paris, recevant fréquemment dans ses salons. Il épousa, à l'âge de soixante-quatre ans Mademoiselle Sophie de Ségur dont il eut un fils et une fille. La mort de son fils attrista les dernières années de sa vie. Il mourut en 1818 âgé de quatre-vingt dix ans. Le marquis de Saint-Marc collectionna essentiellement dans les années 1780. On sait que deux au moins des tableaux présentés ci-après, le Vernet (lot 51) et le Garnier (lot 55) furent commandés directement par le marquis à leurs auteurs. Le reste de sa collection fut acheté en vente publique ou sur le marché parisien extrêmement actif en cette période. Très certainement, comme le dit la tradition familiale, le marquis bénéficiait-il des conseils de Fragonard dont il possédait plusieurs oeuvres. Outre les cinq tableaux présentés ici, la collection comprenait plusieurs tableaux remarquables: de Charles Coypel, Roland devenu furieux en apprenant la fuite d'Angélique et de Médor (Milan, collection particulière); de Fragonard, Une jeune fille en train de traire une vache (localisation inconnue), Les deux Soeurs (acheté par Saint-Marc à la vente du marquis de Véri en 1785, aujourd'hui au Metropolitan Museum New York), Le Char (exécuté en collaboration avec Marguerite Gérard; selon Audiffred, op. cit. le tableau aurait été commandé par Saint-Marc à Fragonard lui même, localisation inconnue, une autre version au Fogg Art Museum de Cambridge), Jeune garçon et sa vache (localisation inconnue); de Louis Lagrenée, Les Jardins d'Armide (localisation inconnue); de Subleyras, deux pendants qui figuraient à la vente Vaudreuil en 1787, Le Faucon et la Courtisane (le premier localisation inconnue, le second est au Musée du Louvre); de Joseph-Marie Vien, La Mélancolie (vente Conti en 1777, Londres collection particulière). Saint-Marc avait choisi de collectionner la peinture française de son époque et plus particulièrement la peinture d'histoire, les scènes de genre à sujet moralisateur et les paysages. Aucune oeuvre religieuse ni de portrait ne semble figurer dans cette collection qui se veut le reflet des goûts de l'aristocratie des années 1770-1780, à une époque de transition oscillant entre la représentation des plaisirs et celle de la vertu. A cet égard, le tableau de Regnault (lot 54) illustre bien l'esprit de cette collection. Le 23 février 1859, la fille du marquis de Saint-Marc, Madame de Laroze organisa à l'hôtel Drouot une vente de plusieurs tableaux de la collection de son père dans laquelle figurèrent les cinq tableaux présentés ci-après. Ces oeuvres furent retirées par la famille lors de la vente et sont depuis restées la propriété de ses descendants. D'autres oeuvres provenant de cette collection furent également dispersées en vente publique le 5 décembre 1928 à l'hôtel Drouot (collection du comte de S...). Les cinq tableaux qui suivent sont encadrés dans des cadres identiques, fabriqués par Infroit (le cadre du Vernet lot 51 porte l'estampille) et probablement commandés par le marquis de Saint-Marc lorsqu'il acheta les tableaux.
Claude-Joseph Vernet (Avignon 1714-1789 Paris)

Paysage maritime avec des lavandières et des pêcheurs

Details
Claude-Joseph Vernet (Avignon 1714-1789 Paris)
Paysage maritime avec des lavandières et des pêcheurs
signé 'J. vernet.f' (en bas à gauche)
huile sur toile, non rentoilée
60 x 73.5 cm. (23¾ x 28¾ in.)
Provenance
Commandé à Vernet par le marquis de Saint-Marc (1728-1818) en août 1782 (payé 1500 Livres à l'artiste en novembre 1783); sa vente après décès, Paris, Hôtel Drouot, 23 février 1859, lot 16; racheté par sa fille Mme de Laroze; par descendance jusqu'au propriétaire actuel.
Literature
L. Lagrange, Joseph Vernet et la peinture au XVIIIème siècle avec le Texte des Livres de Raison et un grand nombre de documents inédits, Paris, 1864, p. 355 (commande no. 297), p. 422 (reçu no. 243).
F. Ingersoll-Smouse, Joseph Vernet, peintre de marine, Paris, 1926, II, p. 36, no. 1101.

Lot Essay

Le présent tableau témoigne des rapports directs qu'entretenait le marquis de Saint-Marc avec les artistes de son temps puisqu'on retrouve trace de sa commande dans le livre de raison de Joseph Vernet en août 1782: 'un tableau pour le marquis de Saint-Marc de 2 pieds 2 pouces et 1/2 de large sur 1 pied 9 pouces 8 lignes et 8 lignes de plus sur la hauteur et sur la largeur avec le recouvrement; il faut un sujet gracieux en paysage ou en marine, ordonné au mois d'août 1782'. Le tableau fut payé à Vernet par Saint-Marc en novembre 1783 la somme de 1,500 livres.

Né à Avignon, Vernet partit à Rome à l'âge de vingt ans pour devenir peintre d'histoire. Il se tourna rapidement vers le paysage après avoir découvert l'art de Salvator Rosa, Claude Gellée et Andrea Locatelli. Il entra dans l'atelier d'Adrien Manglard, son compatriote arrivé vingt ans avant dans la ville éternelle. Dès les années 1740, sa réputation était grande auprès de la clientèle internationale et de nombreux diplomates et voyageurs anglais lui commandaient des toiles. En 1753, il rentra en France pour se consacrer à la commande royale des Ports de France. Dès lors il exposa régulièrement aux Salons et ses tableaux ornèrent un nombre important de cabinets d'amateurs à Paris. En 1765, Diderot écrivit de l'artiste: 'Vernet balance Claude Lorrain dans l'art d'élever des vapeurs sur la toile et il lui est infiniment supérieur dans l'invention des scènes, le dessin des figures, la variété des incidents et le reste. Le premier n'est qu'un grand paysagiste tout court, l'autre est un peintre d'histoire selon mon sens'.
Le cadre du présent tableau est estampillé 'INFROIT'.

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