NICOLAS DE LARGILLIERRE (PARIS 1656-1746)
NICOLAS DE LARGILLIERRE (PARIS 1656-1746)

Autoportrait en tenue d'atelier

Details
NICOLAS DE LARGILLIERRE (PARIS 1656-1746)
Autoportrait en tenue d'atelier
signé et daté 'N de Largillierre/Peint par luy mesme 1707' (à mi-hauteur à gauche)
Huile sur toile
92 x 73 cm. (36¼ x 28¾ in.)
Provenance
Acquis entre 1860 et 1910 par le grand-père des propriétaires actuels.
Literature
S. Join-Lambert, dans le catalogue de l'exposition Chefs-d'oeuvre du Musée des Beaux-Arts Tours, Japon, Asahikawa, 1994, pp. 219-220, n. 31.
D. Brême, dans le catalogue de l'exposition Nicolas de Largillierre, Paris, Musée Jacquemart-André, octobre 2003-janvier 2004, p. 23, ill.
Further details
SELF-PORTRAIT, OIL ON CANVAS SIGNED AND DATED BY NICOLAS DE LARGILLIERRE

Lot Essay

Dans la tradition introspective de Dürer et Rembrandt, Nicolas de Largillierre fit à plusieurs époques de sa vie son autoportrait. Daté de 1707, notre tableau représente le peintre à l'âge de cinquante et un ans. D'autres autoportraits précèdent ce tableau: Genève, Musée d'Art et d'Histoire, avant 1679; Norfolk, Chrysler Museum of Art, vers 1686-1688; Nantes, Musée des Beaux-Arts, vers 1690 et Saint Petersbourg, Musée de l'Hermitage, daté de 1692.

Si le regard est chargé d'une certaine assurance, le costume, celui d'un artiste dans l'intimité de son travail, est simple. Le peintre tient dans la main droite un porte-mine doté d'une pointe de sanguine et ses mains retiennent un carton à dessins. Derrière lui, sur un rebord, reposent sa palette et ses pinceaux aux côtés de plusieurs groupes sculptés. On reconnaît parmi ceux-ci, au deuxième plan, de dos, le Bacchus de Louis Garnier (1638-1728) (cf. Souchal, French sculptors of the 17th and 18th centuries, The reign of Louis XIV, Londres, 1981, II, pp. 3-4); deux Putti, oeuvres plus flamandes que françaises, allusion discrète à la formation anversoise du maître. Au premier plan, une réduction de L'Antinoüs du Belvédère (Musée du Vatican, Rome) constitue une référence à l'antiquité classique. L'artiste utilisa ce petit marbre dans plusieurs de ses portraits, notamment dans le Portrait de Largillierre dans son atelier avec Gérard Edelinck et un commanditaire, vers 1686-1688 conservé au Chrysler Museum of Art de Norfolk et dans le Portrait du sculpteur René Frémin (autrefois appelé Portrait de Guillaume Coustou) du Berlin Staatlische Museum, datable vers 1713 selon Dominique Brême.

A l'époque où ce tableau est exécuté l'artiste jouit d'une grande notoriété à Paris en tant que peintre de portraits. Il est aussi chargé de fonctions importantes au sein de l'Académie Royale de Peinture : Largillierre a quelques années auparavant été nommé professeur à l'Académie, couronnement d'un parcours rapide et brillant.

Après un apprentissage entre 1668-1674 à Anvers chez Anton Goubau, spécialiste de paysages animés italianisants où il apprit le métier flamand et la nature morte, l'artiste poursuit sa carrière en Angleterre, où sa présence est attestée dès 1675. Aux côtés d'une grande communauté d'artistes flamands, il travailla pour Sir Peter Lely, premier peintre du roi Charles II d'Angleterre. Revenu à Paris en 1679, il fut immédiatement remarqué par Charles Lebrun qui règnait alors sur la communauté des peintres ainsi qu'à l'Académie. Largillierre y fit son entrée en 1686. Dès son arrivée à Paris, les commandes de portraits lui assurent rapidement un revenu considérable. En 1699, Largillierre fut élu adjoint à professeur à l'Académie royale. En 1705, il accèda au statut de professeur. Il occupa ce poste jusqu'en 1715, date à laquelle il demanda à être relevé de ses fonctions. En tant que professeur, l'un des rôles primordiaux de Largillierre était l'enseignement du dessin. Largillierre forma de nombreux élèves qui devinrent à leur tour célèbres comme Jean-Baptiste Oudry ou Jacques-François Delyen.

L'une des révélations de la récente exposition consacrée au peintre par le Musée Jacquemart-André est la part importante consacrée par l'artiste à la peinture d'histoire, le genre le plus prisé à cette époque par l'Académie. En retrouvant certaines peintures religieuses et de nombreux dessins académiques du maître, le public a pu ainsi mesurer l'universalité du peintre. Cette aspect de son art, que l'artiste a probablement peu diffusé (les oeuvres religieuses par exemple étaient, selon Dominique Brême, réservées à son usage personnel et conservées dans sa maison) était néanmoins importante pour l'artiste et connue de ses contemporains. Les immenses portraits collectifs réalisés pour les échevins de Paris, destinés à l'Hôtel de Ville, compositions aujourd'hui perdues, sont probablement à considérer tout autant comme des peintures d'histoire dans la tradition de Lebrun que comme des portraits au sens strict du terme.

Largillierre, à propos duquel Dezallier d'Argenville en 1752 dans son Abrégé de la vie des plus fameux peintres écrivait 'le génie de ce peintre s'étendait à tout', est en effet un artiste qui s'inscrit dans la lignée des peintres d'histoire de son temps. A travers cet Autoportrait en tenue d'atelier, image directe et sincère, loin des représentations grandiloquentes que l'artiste a pu parfois donner de ses contemporains, où il se montre entouré de références classiques -l'étude du dessin, les antiques- le peintre a certainement voulu donner au spectateur l'image d'un artiste complet, maître de son talent et conscient de la mission d'enseignement que l'Académie venait de lui confier deux ans auparavant.

Deux autres autoportraits de Largillierre postérieurs à celui-ci révèlent, dans le même esprit, l'intimité du peintre.
Il faut tout d'abord citer l'Autoportrait, conservé à Versailles, réalisé en 1711, soit quatre ans plus tard. Vêtu d'un manteau roux, coiffé d'une perruque, l'artiste désigne un chevalet sur lequel est esquissée une Annonciation, soulignant une nouvelle fois sa qualité de peintre d'histoire.
Enfin, citons le très émouvant Autoportrait de la collection du Marquis de Lastic, où Largillierre, âgé de soixante ans, pose, le regard empreint de mélancolie, devant un chevalet orné d'une toile vierge.

On répertorie deux copies du présent tableau: l'une (huile sur toile, 92 x 73 cm.) autrefois dans la collection Rothan à Lille; l'autre conservée au Musée des Beaux-Arts de Tours (huile sur toile, 93 x 74 cm.), généralement considérée comme une réplique d'atelier.
Le présent tableau sera inclus au catalogue raisonné de Nicolas de Largillierre actuellement en préparation par Monsieur Dominique Brême.

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