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Details
Fernand LEGER
Lettre autographe signée, très belle lettre de guerre adressée au critique et marchand d'art parisien Adolphe Basler.
Datée de la "Maison Forestière (Forêt d'Argonne)", 28 mai 1915.
4 pages in-8 (213 x 134 mm), à l'encre noire sur un double feuillet de papier pelure. Très bon état (marques de pliures).
Lettre très patriotique et déterminée écrite au front à un endroit où les combats faisaient rage.
"Mon cher Basler
Merci pour votre aimable lettre, malheureusement je ne suis nullement en place pour répondre ni pour penser "art" [...].
Je suis sous une jolie tonnelle en pleine forêt d'Argonne et je vous écris ces mots pendant que les obus me passent au-dessus de la tête. Je suis tranquille les artilleurs m'ont appris que j'étais dans une "position d'angle" c'est-à-dire inviolable pour les obus boches. J'ai confiance en ces gens-là ils connaissent bien leur métier [...] J'ai cru assez longtemps à une rupture énorme entre la vie de paix et celle de guerre. Pas du tout. Une guerre comme celle-ci n'est possible que par les gens qui la font [...] Du moment que le côté matériel est réalisé, à peu près. Du moment que le côté boulotage etc ne nous manque pas il reste la résistance morale. Tout tient dans cette valeur-là. C'est terrible une attaque, quand des bonhommes qui pendant des heures ont subi une préparation d'artillerie infernale aplatis dans des trous, réduits à l'état de pauvres petites choses, quand on donne l'ordre à ces hommes-là de sortir de leur abris, de franchir un parapet et d'aller sur des mitrailleuses avec leur baïonnette, il n'y a que des hommes modernes pour pouvoir encore un pareil effort. Une armée de métier ne tiendrait pas, mais un peuple qui a vécu la vie tendue et dure de ces 50 dernières années, peut le fournir. Une discipline aussi tendue soit-elle n'arriverait pas à ce résultat-là. On était prêt d'un côté comme de l'autre à cette situation. C'est pour cela que c'est long et que ce n'est pas encore fini. Aucun sentimentalisme dans tout cela. Ça c'est très bien. Il n'y a qu'à l'arrière où on est assez mou pour pleurnicher sur des histoires de cathédrale de Reims bombardée ou de femmes enfilées par les Boches. Ici ça ne mord pas du tout. Et monsieur Barrès n'a aucun succès. On n'a pas idée de demander à des gens qui s'octroient le droit de tuer de respecter des monuments plus moins historiques ou des femmes qui souvent n'ont sans doute pas demandé mieux. En septembre on faisait une guerre de primaire ridicule, mais maintenant c'est autre chose on les a pillé et supérieurement à notre tour, on a décidément plus de talent qu'eux et comme ils n'ont pas le génie, on les aura. Cher Monsieur Basler parlez moi de la peinture. Je pense bien à l'Amérique aussi mais quand tout cela sera fini.
Amicalement.
F. Léger"
Lettre très emblématique du moral des troupes, en 1915, à une période où la Première Guerre Mondiale commence à devenir très meurtrière, au moment où les armées allemandes et françaises s'enterrent dans les tranchées. Quoique artiste, Fernand Léger est absolument au diapason de l'opinion générale de l'époque, très chauvine. Il témoigne cependant d'un don d'observation à la fois social et psychologique lorsqu'il analyse les ressorts de l'héroïsme populaire dans la guerre.
Lettre autographe signée, très belle lettre de guerre adressée au critique et marchand d'art parisien Adolphe Basler.
Datée de la "Maison Forestière (Forêt d'Argonne)", 28 mai 1915.
4 pages in-8 (213 x 134 mm), à l'encre noire sur un double feuillet de papier pelure. Très bon état (marques de pliures).
Lettre très patriotique et déterminée écrite au front à un endroit où les combats faisaient rage.
"Mon cher Basler
Merci pour votre aimable lettre, malheureusement je ne suis nullement en place pour répondre ni pour penser "art" [...].
Je suis sous une jolie tonnelle en pleine forêt d'Argonne et je vous écris ces mots pendant que les obus me passent au-dessus de la tête. Je suis tranquille les artilleurs m'ont appris que j'étais dans une "position d'angle" c'est-à-dire inviolable pour les obus boches. J'ai confiance en ces gens-là ils connaissent bien leur métier [...] J'ai cru assez longtemps à une rupture énorme entre la vie de paix et celle de guerre. Pas du tout. Une guerre comme celle-ci n'est possible que par les gens qui la font [...] Du moment que le côté matériel est réalisé, à peu près. Du moment que le côté boulotage etc ne nous manque pas il reste la résistance morale. Tout tient dans cette valeur-là. C'est terrible une attaque, quand des bonhommes qui pendant des heures ont subi une préparation d'artillerie infernale aplatis dans des trous, réduits à l'état de pauvres petites choses, quand on donne l'ordre à ces hommes-là de sortir de leur abris, de franchir un parapet et d'aller sur des mitrailleuses avec leur baïonnette, il n'y a que des hommes modernes pour pouvoir encore un pareil effort. Une armée de métier ne tiendrait pas, mais un peuple qui a vécu la vie tendue et dure de ces 50 dernières années, peut le fournir. Une discipline aussi tendue soit-elle n'arriverait pas à ce résultat-là. On était prêt d'un côté comme de l'autre à cette situation. C'est pour cela que c'est long et que ce n'est pas encore fini. Aucun sentimentalisme dans tout cela. Ça c'est très bien. Il n'y a qu'à l'arrière où on est assez mou pour pleurnicher sur des histoires de cathédrale de Reims bombardée ou de femmes enfilées par les Boches. Ici ça ne mord pas du tout. Et monsieur Barrès n'a aucun succès. On n'a pas idée de demander à des gens qui s'octroient le droit de tuer de respecter des monuments plus moins historiques ou des femmes qui souvent n'ont sans doute pas demandé mieux. En septembre on faisait une guerre de primaire ridicule, mais maintenant c'est autre chose on les a pillé et supérieurement à notre tour, on a décidément plus de talent qu'eux et comme ils n'ont pas le génie, on les aura. Cher Monsieur Basler parlez moi de la peinture. Je pense bien à l'Amérique aussi mais quand tout cela sera fini.
Amicalement.
F. Léger"
Lettre très emblématique du moral des troupes, en 1915, à une période où la Première Guerre Mondiale commence à devenir très meurtrière, au moment où les armées allemandes et françaises s'enterrent dans les tranchées. Quoique artiste, Fernand Léger est absolument au diapason de l'opinion générale de l'époque, très chauvine. Il témoigne cependant d'un don d'observation à la fois social et psychologique lorsqu'il analyse les ressorts de l'héroïsme populaire dans la guerre.
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Autograph letter by Léger, dated 28 May 1915 and addressed to the Parisian art dealer Adolphe Basler, discussing art and the atrocities of war.