DES COLONIES FRANÇAISES CONSIDÉRÉES DANS LEUR ÉTAT ACTUEL ET FUTUR, SOUS LE RAPPORT DE LA CULTURE DES TERRES, APRÈS L'ABOLITION DE LA TRAITE DES NÈGRES. Rapport manuscrit. Daté "1823".
DES COLONIES FRANÇAISES CONSIDÉRÉES DANS LEUR ÉTAT ACTUEL ET FUTUR, SOUS LE RAPPORT DE LA CULTURE DES TERRES, APRÈS L'ABOLITION DE LA TRAITE DES NÈGRES. Rapport manuscrit. Daté "1823".

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DES COLONIES FRANÇAISES CONSIDÉRÉES DANS LEUR ÉTAT ACTUEL ET FUTUR, SOUS LE RAPPORT DE LA CULTURE DES TERRES, APRÈS L'ABOLITION DE LA TRAITE DES NÈGRES. Rapport manuscrit. Daté "1823".

48 pp. in-folio (330 x 210 mm), à l'encre noire sur 24 doubles feuillets de vergé filigrané "J. Bouchet" numérotés, reliés en trois cahiers cousus rassemblés sous un feuillet doublé plié en chemise (salissures aux marges supérieures et inférieures de quelques feuillets) sous emboîtage moderne.

RAPPORT SUR LA "TRAITE DES NÈGRES" DU TEMPS DE LOUIS XVIII.

Abolie dès 1806 en Angleterre, la traite des Noirs fut interdite en France par la loi de 1817. Mais, se heurtant à de puissants intérêts en France et dans les colonies, les ministères successifs eurent les plus grandes difficultés à faire appliquer la loi. Un des principaux arguments des opposants, repris dans ce rapport, était que cette loi profitait à l'Angleterre qui voulait appuyer sur une base morale ses prétentions à la domination des mers par le biais d'un contrôle des navires négriers étendu aux flottes des autres nations européennes : "Cette mesure que l'Angleterre provoquoit avec instance et qui semblait de sa part un mouvement de philantropie, étoit pour elle, au contraire du plus haut intérêt politique".
L'auteur de ce rapport pose la question de la permanence ou non de la prohibition de la traite des nègres, et se demande si, dans l'affirmative, on doit considérer celle-ci comme un premier pas vers l'émancipation. Il s'interroge ensuite pour savoir quel serait le meilleur parti à prendre pour abolir l'esclavage des nègres sans catastrophe et sans danger pour les colons. La longue analyse détaillée qui suit est illustrée de nombreux tableaux fondés sur la situation dans l'île de Bourbon. Si l'on maintenait, écrit l'auteur, l'esclavage des nègres dans les colonies après l'entière abolition de la traite, l'île de Bourbon, dont la population serait présumée être de 95000 individus dont 70000 employés aux travaux agricoles n'aurait après 25 années que 14000 esclaves disponibles... Les plantations de caféiers seraient détruites faute de culture.

Sans approuver la cupidité des colons, l'auteur pense cependant qu'un affranchissement massif ruinerait l'agriculture de l'île. Le discours est cependant assez manichéen : le nègre esclave est un grand enfant et il n'a aucune idée juste du mal et du bien qui consiste pour lui à satisfaire ses désirs en se soustrayant par tous les moyens aux yeux de ses maîtres.

Ce manuscrit a visiblement été soumis à de hautes autorités ; il porte sur la page de titre cet extrait du discours du ministre de la Marine et des colonies, lors de la séance du 3 avril 1822 de la chambre des Députés: "Quant à ce qui touche la traite des noirs, je n'ai qu'une chose à répondre: nous partageons pour ce trafic infâme toute l'horreur qui a été exprimée à cette tribune ; mais le Gouvernement n'a qu'une chose à faire, c'est d'exercer une surveillance complète pour l'exécution des traités." Cette exergue sous-entend sa recommandation implicite : limiter l'application de la loi au contrôle des navires, sans engager de poursuites contre les bénéficiaires de la traite des nègres.

Ce considérable rapport anonyme, apparemment inédit, est visiblement de premier jet; il comporte de nombreuses ratures et corrections. Il porte aussi l'empreinte d'un esprit colonialiste dominant dans la société de l'époque, quelque choquant qu'il apparaisse deux siècles plus tard.

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Clémentine Robert
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